MDC éducation, formation, culture école de la république justice sociale

LES ENJEUX DE L’ÉCOLE
Contribution de Michel Vignal – Secrétaire national à l’éducation.

A) L’ECOLE EST UNE INSTITUTION MAJEURE DE L’ETAT RÉPUBLICAIN

B) REFONDER L’ÉCOLE RÉPUBLICAINE

Face aux demandes nombreuses d’une société qui transfère sur l’institution scolaire l’ensemble des problèmes liés à la crise sociale et morale qu’elle traverse, face à des initiatives et réformes ministérielles qui ont suscité interrogations et oppositions fortes, l’école se trouve confrontée aujourd’hui à des enjeux difficiles.

.doc
 

instruire tous les citoyens

A) L’ECOLE EST UNE INSTITUTION MAJEURE DE L’ETAT RÉPUBLICAIN


Elle doit répondre à un besoin public permanent d’instruire tous les citoyens. C’est le seul lieu où se fonde sans cesse la République, parce que c’est le savoir qui libère de l’ignorance et donne à chacun les facultés intellectuelles et morales de son émancipation.


L’école publique vise à former des hommes dans leur plus grande dimension, c’est-à-dire des citoyens.
C’est cette dimension qui doit retrouver toute sa place dans tous les établissements scolaires, de l’école primaire au collège et au lycée, et être assumée pleinement par les enseignants.

La laïcité, le meilleure digue contre le triomphe d’un monde de la marchandise et de l’idôlatrie, de l’enfermement dans sa communauté

Elle concerne à la fois l’éducation civique, trop négligée dans les faits comme enseignement spécifique, mais aussi toute la vie scolaire où s’apprend la première forme de rapport du jeune citoyen à une institution.
Ainsi, en retrouvant ses fondements, l’école sera le creuset indispensable de la Nation ; elle contribuera à forger son unité autour de l’universalité des valeurs de notre devise : la liberté, l’égalité et la fraternité, expliquées et partagées.


Sur ces bases, l’école est laïque ; elle apprend à chaque élève citoyen à vivre selon sa propre conscience, dans le respect des autres.
La laïcité est la meilleure digue contre le triomphe d’un monde de la marchandise et de l’idôlatrie, qui est aussi celui de l’enfermement dans sa communauté, sa communauté religieuse, son groupe ethnique, ou sa "bande de quartier"…

l’unité et l’égalité républicaines

La laïcité est un rempart pour lutter contre les régressions ethno-religieuses, toutes les formes d’ethnicisme, également présentes dans la revendication d’une reconnaissance juridique des langues régionales.
Malgré les imprécations de tous les "libéraux-libertaires" qui confondent "bons sentiments" et principes, malgré l’évolution des tribunaux qui oublient souvent la Constitution et jugent selon le droit européen, il faut refuser à l’école tout marquage ségrégatif religieux, politique, ou même socio-économique, toute forme de repli identitaire réduisant à néant l’unité et l’égalité républicaines.

L’école républicaine est confrontée à d’autres logiques qui l’affaiblissent :
Depuis les années 60, la démocratisation de l’enseignement secondaire a été marquée par l’ouverture du collège (1967, la réforme Fouchet) et celle aussi du lycée (1985, les orientations de J.-P. Chevènement).

 

taux de bacheliers en
1881 3 %
1951 10 %
1985 25 %

1998

58 %

 

Le taux de bacheliers est passé de 3 % 1881, à 10 % en 1951, 25 % en 1985, 58 % en 1998.


La massification s’est accompagnée d’une élévation relative du niveau de formation. Mais dans un contexte de crise sociale et morale, les écarts de formation, la tension sélective et les échecs, la dévalorisation de certaines filières et diplômes, les disparités sociales dans la réussite entraînent difficultés et remises en cause. D’autres logiques tendent à se substituer à la logique de l’institution publique.

L’ouverture de l’école "sur la vie", au mépris des cadres et programmes nationaux tend à enfermer les élèves dans leurs différences socio-culturelles, au nom d’un idéal communautariste.

 

 

La logique de la "Communauté éducative" peut mener à une différenciation excessive autour de "projets d’établissements" qui pour tenir compte de l’environnement spatial et social abaissent les niveaux d’exigence et tendent parfois à substituer des formules d’animation socio-éducatives à une solide instruction.
L’ouverture de l’école "sur la vie", au mépris des cadres et programmes nationaux tend à enfermer les élèves dans leurs différences socio-culturelles, au nom d’un idéal communautariste.

La logique "pédagogiste" qui tend à survaloriser le moyen (la pédagogie) par rapport à la finalité (la maîtrise du savoir)

 

La logique "pédagogiste" qui tend à survaloriser le moyen (la pédagogie) par rapport à la finalité (la maîtrise du savoir). La crainte d’instruire, l’adaptation à tout prix à l’"état" des élèves, le goût de la communication pour la communication, ajoutée à une sacralisation des enfants et des jeunes, aboutissent à des formes de nivellement par le bas et à un déclin des valeurs éducatives, y compris d’une simple morale civique à l’école.


La logique de l’entreprise tend à transférer la dominante libérale (le marché dans tous les domaines) dans la sphère scolaire. Insensiblement, en acceptant de fait les concepts de management, de compétitivité et de concurrence, l’école glisse progressivement vers une régulation par un marché éducatif qui s’offre à des familles consommatrices. Avec cette logique, déjà ancienne, l’inégalité progresse.

Le poids des politique locales qui peut "enrichir" la qualité des établissements scolaires

Le poids des politique locales qui peut "enrichir" la qualité des établissements scolaires, tant les élus locaux sont souvent soucieux de renforcer l’école, conduit aussi à l’accroissement des différentiations, des inégalités territoriales et à l’abaissement d’une conception nationale de l’Education.
Les quelques initiatives prises par la Commission de Bruxelles tendent d’ailleurs sous la pression des lobbies patronaux ou régionaux à bousculer les services publics de l’éducation dans un sens libéral (ex. : le projet de carte européenne de compétences).

 

Là où il faudrait imposer l’école et ses exigences intellectuelles et morales, il y a surtout adaptation à "l’air du temps".

Les initiations ministérielles sont de ce point de vue traversées elles-mêmes par les contradictions vécues par l’école.
Un discours républicain est tenu, parfois traduit en mesures intéressantes mais limitées (par exemple pour l’éducation à la citoyenneté), mais le plus souvent il n’est que l’habillage d’un processus d’adaptation aux logiques précédemment décrites. Là où il faudrait imposer l’école et ses exigences intellectuelles et morales, il y a surtout adaptation à "l’air du temps".

 

L’insuffisante cohérence ministérielle, sa perméabilité à la pensée conforme en matière de pédagogie et de modernisation, fait craindre que l’alliance des gestionnaires soucieux de réduction des dépenses publiques, des entrepreneurs libéraux, des élus modernistes et décentralisateurs, des réformateurs pédagogistes, soit suffisamment active pour que l’école républicaine et laïque continue d’évoluer, malgré les discours vers une école d’inspiration libérale, qui rendra des services à plusieurs vitesses, pour des "publics" consommateurs forcément inégaux et devant le rester.

résister aux pressions, à l’ambiance libérale-libertaire, comme à la gestion sociale-libérale

B) REFONDER L’ÉCOLE RÉPUBLICAINE


La refondation d’une école républicaine ne nécessite pas des bouleversements radicaux, de "grandes réformes" Elle demande surtout résistance aux pressions, à l’ambiance libérale-libertaire, comme à la gestion sociale-libérale, et réclame aussi capacité à penser une évolution du système en remédiant à ses lacunes, à ses faiblesses, mais en lui gardant ses fondements.


En tous domaines et d’abord à l’école donner un sens moderne et progressiste, c’est concilier l’aspiration démocratique et l’exigence républicaine.

 

une élévation massive du niveau de la formation ; toutes les couches sociales en ont bénéficié et les couches populaires plus que d’autres

L’aspiration démocratique s’est traduite après les mesures du ministère Chevènement de 1985 par un bon en avant du nombre des lycéens et d’étudiants : aujourd’hui près de 70 % des jeunes accèdent au niveau du BAC ; globalement, il y a une élévation massive du niveau de la formation ; toutes les couches sociales en ont bénéficié et les couches populaires plus que d’autres.


Il faut accentuer les efforts pour faciliter la réussite de tous ceux dont l’appartenance et l’environnement sociaux et culturels éloignent du monde scolaire ; en n’oubliant pas que le système éducatif ne peut à lui seul bouleverser les rapports sociaux.


L’école reste la meilleure chance pour trouver un emploi. D’autant plus que le chômage des jeunes n’est pas le produit de l’école, mais des politiques libérales restrictives.

De là découlent dix propositions pour l’école de la République :

L’exigence républicaine d’une école, devoir d’Etat, est d’abord d’enseigner, c’est-à-dire de transmettre des savoirs et les valeurs républicaines.
Enseigner est d’abord un acte de volonté, de pure volonté politique dans une nation républicaine. C’est cette conception qu’il faut faire partager par les responsables ministériels et l’ensemble des enseignants.