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FONDS PUBLICS ACCORDES AUX ENTREPRISES

Proposition de loi relative à la constitution d'une commisssion de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises

J. Desallangre
18/01/00

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Intervention Jacques Desallangre
Mardi 18 février 2000
Une nécessité économique et éthique
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, mes chers collègues,

Les députés du groupe communiste ont pris l’initiative d’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée une proposition de loi tendant à la constitution d’une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.
Cette excellente et opportune proposition vient à point au moment où se multiplient les plans sociaux téléguidés par des actionnaires cupides, qui sacrifient les emplois en dépit des aides à l’installation obtenues par leurs entreprises.
L’usage des investissements subventionnés et des aides publiques doit être contrôlé ; c’est une nécessité économique et éthique.
Il m’apparaît nécessaire de préciser d’emblée que le Mouvement Des Citoyens n’est pas favorable à la multiplication des instances de contrôle ou des Autorités Administratives Indépendantes car en général elles ont pour effet indirect d’affaiblir les autorités directement légitimes que sont le gouvernement, le parlement et les juridictions.

170 milliards pour les aides de l’Etat et presque autant en provenance des collectivités

D’autre part ces commissions parfois trop nombreuses dans certains domaines, empiétant chacune sur le territoire de l’autre, brouillent la lisibilité de leurs compétences.
Egalement un nombre trop élevé de commissions pour un même domaine de compétence nuit à une efficacité qui aujourd’hui est impérieusement indispensable.
Pourtant l’importance des fonds en jeu (170 milliards pour les aides de l’Etat et presque autant en provenance des collectivités) et la carence du contrôle justifient amplement la création de la commission proposée.
En effet la situation, et j’oserais même dire, les dérives du système tel qu’il est devenu d’octroi des aides publiques, exigent que nous nous en préoccupions.
Des carences graves se sont ajoutées à la mise en place par certains grands groupes industriels de véritables stratégies de captation et d’abonnement aux aides publiques.
La cour des comptes en 1997 relevait par exemple que non seulement (mais nous y reviendrons) aucun chiffrage précis des aides publiques au titre du FNE n’existe mais encore que plus des 2/3 des allocations FNE accordées l’ont été à 12 entreprises qui se sont adressées au moins 3 fois en 6 ans au fonds national de l’emploi ; elles ont ainsi couvert leur sureffectif à 41 % par des préretraites totales.

Une dizaine de groupes monopolise la majorité des sommes

Cela permet des restructurations à moindre coût laissant des milliers de salariés sur le carreau, et tout aux frais de l’Etat.
Ces modes de gestion des entreprises déjà relevés en 1998 par la commission d’enquête parlementaire FABRE-PUJOL constituent pour certaines une recette comme une autre, qui aurait seulement tendance à se pérenniser.
Or il est inacceptable qu’une dizaine de groupes monopolise la majorité des sommes.
A l’heure actuelle, les aides destinées spécifiquement aux PME sont marginales. L’utilisation très contestable des aides publiques amène ainsi la quasi exclusion des petites structures alors que l’essentiel va mécaniquement aux grandes entreprises.
Ces dernières sont d’ailleurs les premières et presque les seules à bénéficier de la Prime à l’Aménagement du Territoire. Une réforme en l’espèce pourrait d’ailleurs se justifier afin que toutes puissent en bénéficier.
Egalement peut on insister sur l’extrême multiplicité et l’opacité des aides versées. Cela s’ajoute à l’inégalité entre grands groupes trans-nationaux et PME : inégalité entre ceux qui ont des services spécifiques de chasseurs d’aides et des petites entités perdues dans ce flou peu artistique.

On ne peut accepter que ces mêmes groupes que nous avons grassement aidés ferment au bout de quelques années nous laissant sur les bras des dizaines de familles sans travail, des sites irrécupérables

Il est encore plus intolérable que les aides ne soient pas conditionnées au respect d’une bonne conduite sociale.
Aujourd’hui nous tous sommes victimes d’un véritable chantage à l’emploi ; chacun de nous est prêt à tout tenter pour que des entreprises qui nous promettent la main sur le cœur de créer de l’emploi bénéficient d’un maximum d’aides publiques.
Mais on ne peut accepter que ces mêmes groupes que nous avons grassement aidés ferment au bout de quelques années nous laissant sur les bras des dizaines de familles sans travail, des sites irrécupérables, en se permettant de surcroît de nous faire la morale sur l’air de : « dans votre région mal agencée on ne peut rien faire et de toutes façons notre entreprise aurait du fermer depuis déjà longtemps. »
Et bien ce comportement n’a que trop duré ; il faut aujourd’hui dire halte au diktat des grands groupes qui se servent de nos circonscriptions comme des cases d’un échiquier ou d’un MONOPOLY géant où ils se déplaceraient au gré des primes offertes.
Là réside également un autre point crucial : si nous décidions, et je vous invite tous évidemment, de nous doter d’une instance de contrôle de l’usage des aides publiques , il sera nécessaire d’exiger des entreprises un comportement social, qui s’il était absent engagerait la responsabilité de la personne morale et de ses actionnaires.

Une contractualisation des relations financières entre l’Etat ou les Collectivités et les entreprises qui souhaitent bénéficier d’aides publiques

Le seul moyen d’obtenir un comportement social juste humain passe probablement par une contractualisation des relations financières entre l’Etat ou les Collectivités et les entreprises qui souhaitent bénéficier d’aides publiques.
L’acceptation de clauses instituant des obligations réciproques, proportionnées que chaque partie aurait acceptée peut nous permettre d’avancer en la matière.
Le caractère synallagmatique du contrat peut constituer un moyen de responsabiliser les entreprises et une sécurité pour les organismes payeurs.
Ainsi pourrait-on probablement éviter qu’une entreprise de mon département comme PIRELLI mette la clé sous la porte et 260 salariés à la rue simplement parce qu’à 400 kilomètres de là on l’accueille à bras et à porte-monnaie ouvert.
Il arrive parfois et la cour des comptes s’en fait l’écho, que des collectivités territoriales créent des régimes d’aides directes ou versent des concours financiers aux entreprises sans fondement juridique.
Aussi comment s’étonner que les chefs d’entreprises ne résistent pas à cette surenchère de cadeaux.
Ce système est d’autant plus pervers que les émissaires des actionnaires se comportent comme des colons arrivant en terrain conquis ; fort de l’argument « créations d’emplois » ils exigent beaucoup, subordonnant toute installation à la réalisation de leurs souhait.

Une entreprise qui à bénéficié d’aides de l’Etat et qui licencierait sans motif économique valable serait condamné à prendre en charge les frais supportés par la société

Je m’interroge enfin et surtout quant à l’absence de contrôle de l’affectation et de l’utilisation des aides publiques.
Il y a deux ans l’usine DELSEY implantée dans l’Aisne a fermé. Que je sache plusieurs dizaines de millions lui avaient été alloués par les contribuables qui depuis deux ans paient également les allocations chômage des anciens salariés.
Les élus de la région avions demandé à l’époque s’il ne serait pas judicieux d’exiger un remboursement.
D’autant que dans le cas de PIRELLI comme pour DELSEY l’entreprise était loin de l’asphyxie financière.
De plus dans le cadre de la captation d’aides publiques la fermeture d’unités constitue toujours pour les actionnaires une excellente affaire.
Il n’y a qu’à se remémorer le PDG de MICHELIN annonçant des bénéfices records, Jean-Pierre Gaillard saluant le bon de l’action et en conclusion Edouard Michelin signifiant le licenciement de 7500 personnes et la fermeture des sites comme celui de Soissons accusé de ne pas faire suffisamment de bénéfices.
Le principe d’une restitution sociale peut me semble-t-il être aujourd’hui posé.
Une entreprise qui à bénéficié d’aides de l’Etat et qui licencierait sans motif économique valable serait condamné à prendre en charge les frais supportés par la société.

Peut-être ce surcoût pour l’actionnaire ou son fonds de pension l’amènerait à adopter un comportement social plus sain

C’est pourquoi, il serait peut-être temps d’examiner les propositions de spécialistes comme Jacques Nikonoff, qui justement proposent que les entreprises procédant à un plan social alors que leurs résultats nets sont bénéficiaires soient contraintes de prendre en charge le coût des licenciements.
J’ai dans ce sens déposé récemment une proposition de loi visant à réformer le droit du licenciement et à imposer une restitution sociale ; celle-ci a pour but d’inciter les entreprises à reclasser les salariés au lieu de les licencier et d’autre part à ce que les actionnaires assument enfin leurs choix en s’attaquant à la seule chose à laquelle ils tiennent : leurs plus values et bénéfices.
Peut-être ce surcoût pour l’actionnaire ou son fonds de pension l’amènerait à adopter un comportement social plus sain car aujourd’hui il nous faut bien reconnaître qu’il n’existe pas de contre poids aux décisions égoïstes des groupes trans-nationaux.
De même pour contrecarrer les entreprises qui ont organisé la perception des aides publiques, il n’existe pas d’institution matériellement apte à surveiller l’emploi de celles-ci.

Aucun groupe n’a été en mesure de présenter une liste précise des aides versées par la puissance publique

La cour des comptes chargée de vérifier si les recettes ont été recouvrées et si les dépenses ont été payées pourrait légalement s’occuper de ce contrôle ; la loi lui assigne en effet de vérifier le bon emploi des fonds publics (pour info L 111-3 du code des juridictions financières).
Mais cette institution ne semble pas disposer des moyens humains permettant de déjouer des juristes et des comptables d’entreprises désireuses de gagner un maximum.
Ce d’autant qu’un maquis juridique et une superposition de rouages administratifs constituent le meilleur abri contre ceux qui s’aviseraient de demander des comptes.
En effet, non seulement il n’existe pas de décompte précis des aides versées nominativement mais en plus les principaux groupes bénéficiaires ne donnent aucune information sur le montant des sommes qui leurs sont apportées.
La commission FABRE-PUJOL relevait ainsi que hormis MOULINEX aucun groupe n’a été en mesure de présenter une liste précise des aides versées par la puissance publique.(CE QUI N’EMPÊCHE PAS LA PRESSE DE SE FAIRE L’ECHO DU VASTE PLAN SOCIAL QUE PREPARERAIT CE GROUPE) C’est pourquoi, il nous faut décider la mise en place d’une commission chargée spécifiquement du contrôle des montant alloués et de leur affectation.

Un accord équilibré avec des engagements réciproques et proportionnels

Il n’est plus gérable de laisser librement quelques entreprises user à leur guise des fonds publics.
Et puisque la liberté totale dans ce domaine est dépassée, je propose que soit instauré entre l’Etat et les entreprises qui bénéficieraient d’aides publiques des accords clairement contraignants.
Seul le caractère synallagmatique peut aujourd’hui ramener la clarté dont tous avons besoins.
Ce devra être un accord équilibré avec des engagements réciproques et proportionnels.
L’entreprise accepte en recevant les fonds de fournir un effort proportionnel à celui de l’Etat en sa faveur.
Dans la mesure où l’entreprise violerait ses engagements, la demande de remboursement ne relèverait pas d’une sanction juridictionnelle mais serait liée à la rupture du lien contractuel.
Mais au delà des liens contractuels, il sera nécessaire de doter la commission ad-hoc du pouvoir et des moyens nécessaires au contrôle de l’affectation des deniers publics.

La responsabilité constitue l’autre phase de la liberté

Cette instance devra posséder une capacité d’auto-saisine et disposer également de pouvoirs d’investigations.
L’objet de la proposition de loi n’est pas de se substituer aux instances et collectivité départementales, régionales ou européennes mais d’obtenir des informations et de contrôler l’emploi des aides publiques.
La responsabilité constitue l’autre phase de la liberté (liberté d’entreprendre, liberté du commerce et de l’industrie ...). Une analogie peut être effectué entre le comportement de l’entreprise personne morale et celui du citoyen : le citoyen dispose de droits et est redevable d’obligations. Il est libre parce qu’il est responsable de ses actions et doit réparer les préjudices dont il est l’auteur.
A ce titre sa responsabilité civile et pénale peut être engagée. Il doit en être de même avec les entreprises.
Un pas important a été franchi avec la reconnaissance de leur responsabilité pénale. Un autre pas pourrait être l’approfondissement de leur responsabilité civile.
A ce titre une contractualisation dotée de vrais clauses synallagmatiques, proportionnées peut être une vraie réponse.
Ainsi les entreprises contractantes s’engageront avec l’Etat à adopter un comportement social à la mesure des aides qui leurs sont allouées.