Intervention
de Jacques DESALLANGRE relative au projet de loi sur la chasse 28 mars
2000
les problèmes laissés en suspens depuis 20 ans |
Monsieur le
Président, Madame la Ministre, mes chers collègues,
Enfin ! ! ! Oui, enfin un projet de loi qui permet d'aborder les
lancinantes questions posées par la montée des oppositions
à la chasse populaire et répondre (je l'espère)
à la multiplication des contentieux générés
par une interprétation abusive de la cour de justice des
communautés européennes !
Reconnaissons le mérite du gouvernement de vouloir traiter
directement les problèmes qui furent laissés en suspens
depuis 20 ans mais surtout depuis 1994 date de l'arrêt de
la CJCE. Certains regretteront comme moi le caractère tardif
de la loi qui engendre ainsi son lot d'impatiences, de crispations
voire d'oppositions violentes. Il est aujourd'hui temps que sur
la base du projet qui nous est présenté nous débattions
et que nos amendements puissent améliorer substantiellement
le texte afin de parvenir à un équilibre durable préservant
la chasse en tant que pratique culturelle et avec elle, grâce
à elle, notre patrimoine cynégétique.
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Notre loi
était elle contraire à la directive du 2 avril 1979 ?
Certes non. |
Nous
avions il y a de cela deux ans tenté de pacifier les relations
entre les chasseurs et les opposants à la chasse en adoptant
une loi devant mettre un terme à la multiplication des contentieux.
Nous estimions alors que la loi éviterait les contentieux
en droit interne en retirant aux préfets ce pouvoir d'appréciation,
source de contestation devant les tribunaux administratifs. Malheureusement
est intervenue entre temps une décision du Conseil d'Etat
; décision contra legem faisant sienne l'interprétation
abusive que la CJCE faisait de la directive oiseaux.
Notre loi était elle contraire à la directive du 2
avril 1979 ? Certes non. Le texte de la directive dans son article
7 fait référence aux " principes d'utilisation
raisonnée " et de " régulation
équilibrée ".
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La CJCE (arrêt du 19 janvier 1994) abuse de son pouvoir |
La
directive a fixé certains objectifs de préservation
auxquels nous ne pouvons que souscrire. Mais par définition,
une directive " lie les états membres quant aux résultats
à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la
compétence quant à la forme et aux moyens " (article
189 du Traité). Or dans le présent cas, la CJCE (arrêt
du 19 janvier 1994) abuse de son pouvoir en déterminant quelle
méthode et quels moyens les états devaient mettre
en oeuvre pour atteindre l'objectif fixé ; la CJCE par son
interprétation maximaliste imposant une " protection
complète " a donc dénaturé la définition
et le principe de toute directive.
De plus, rien dans l'état actuel des connaissances scientifiques
(études menées par le Muséum national d'histoire
naturelle et l'Office national de la chasse) ne permet d'affirmer
que la loi française portait gravement préjudice aux
espèces en risquant de mettre en cause leur survie. Donc
rien scientifiquement ne permettait d'affirmer que la France ne
respectait pas les objectifs de la directive.
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Respecter la tradition, les droits des chasseurs, la faune et son cadre
de vie |
C'est
cette jurisprudence contestable de la CJCE en 1994 qui a mis le
feu aux poudres et a cristallisé l'opposition entre chasseurs
et opposants à la chasse.
Aujourd'hui, il est grand temps de sortir de l'opposition stérile
entre écologistes et chasseurs. Les amateurs de chasse, les
associations de défense de la nature, les mouvements écologistes,
les habitants des zones rurales, mais aussi les élus, doivent
gérer pour le mieux, ensemble, ce bien commun qu'est notre
territoire national. En laissant une situation conflictuelle s'enliser
et en refusant de prendre clairement position, le risque est grand
de voir le mécontentement s'accroître et perdurer chez
les chasseurs ainsi que chez ceux qui ne le sont pas. Gardons à
l'esprit le but de la loi que nous discutons : respecter la tradition,
les droits des chasseurs, la faune et son cadre de vie.
Les chasseurs ont apporté la preuve de leur capacité
à gérer de manière rationnelle le milieu naturel
dans lequel ils évoluent. La collaboration qu'ils entretiennent
avec les milieux scientifiques chargés de la surveillance
de la reproduction des espèces en est un exemple significatif.
Ajoutons également la lutte qu'ils mènent contre le
braconnage. Aussi, il apparaît certain que le but des chasseurs
n'est pas d'éradiquer les espèces menacées
ou protégées mais bien d'arriver au maintien des tendances
d'évolution positive. Des prélèvements désastreux
ont lieu, d'autres le diront, par le fait d'une économie
ultra libérale irresponsable.
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afin que le texte corresponde à notre culture sans pour autant
risquer une nouvelle censure |
Le
projet de loi affirme chercher un équilibre encore insatisfaisant
hélas afin que le texte corresponde à notre culture
sans pour autant risquer une nouvelle censure de la CJCE ou indirectement
du Conseil d'Etat. Il aurait certes été préférable
que la directive soit renégociée pour que gouvernement
et parlement français retrouvent leurs pleines attributions.
Mais nous ne pouvons nous enfermer dans cette seule incantation
car ne rien faire reviendrait à laisser la Commission européenne
et la CJCE nous imposer tous leurs objectifs mais aussi les moyens
pour y parvenir ; l'incantation serait en fait une abdication.
Le députés du MDC ont donc souhaité s'approprier
ce texte en proposant des amendements qui modifient substantiellement
ce projet et respectent profondément l'équilibre indispensable
à l'apaisement et la pérennité de la loi.
Vous avez souhaité créer un jour sans chasse bien
que cela ne soit en rien imposé par la directive. L'institution
de cette interdiction de chasser présente un risque juridique
car elle empêche le propriétaire d'un terrain de jouir
de son bien par ce refus du droit de chasser. L'atteinte à
ce droit de propriété peut paraître quelque
peu disproportionné au regard du risque pour la sécurité
publique.
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un jour
sans chasse est-il la concession nécessaire à la pacification
des relations entre chasseurs et certains non chasseurs |
Mais
peut être ce jour sans chasse est-il la concession nécessaire
à la pacification des relations entre chasseurs et certains
non chasseurs. Cependant ce geste doit avoir une contrepartie et
permettre que de nos débats naisse un texte équilibré.
C'est cet objectif qui m'a convaincu de retirer l'amendement visant
à supprimer l'interdiction de chasser le mercredi. Néanmoins,
j'ai souhaité en amendant l'article 10 que cette journée
sans chasse ne soit pas doublement préjudiciable aux chasseurs
de nuit. En effet si cette journée s'entendait de zéro
heure à vingt-quatre heures, alors les chasseurs de gibiers
d'eau se verraient privés non pas de 24 heures mais de deux
nuits. J'ai donc proposé pour rétablir l'égalité
entre les formes de chasse que cette journée s'entende de
six heures du matin à six heures du matin le lendemain. Ce
dispositif éviterait de léser les chasseurs de nuit
au gibier d'eau.
Dans le cadre de cette recherche de mesure et afin de restaurer
l'autorité de la loi, il est également grand temps
de mettre fin au décalage persistant depuis plus d'un siècle
et demi entre le caractère coutumier de la chasse de nuit
et l'interdiction de pure forme édictée par la loi
de 1844 aujourd'hui abusivement sécuritaire.
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Il nous
faut trancher, exprimer clairement nos convictions sur le sujet et régler
aujourd'hui la légalisation de la chasse de nuit. |
Votre
projet prétend, Madame la Ministre, répondre à
ce décalage en suspendant pendant cinq ans l'application
des sanctions relatives à la chasse de nuit. Mais cette réponse
est insatisfaisante car elle ne remet pas en cause l'interdiction
et nous plonge dans un imbroglio juridique où un acte serait
constitutif d'une infraction sans que celle ci soit légalement
sanctionnée. De plus, la suspicion des sanctions n'interviendrait
qu'après publication des décrets d'application ; ce
qui hypothèque gravement son entrée en vigueur car
les recours contentieux des détracteurs de la chasse se multiplieront.
De même, l'incertitude continuerait de planer car dans 5 ans,
qu'adviendra-t-il ? Interdiction ? Simple tolérance ? Non,
rien de cela n'est acceptable, il nous faut trancher, exprimer clairement
nos convictions sur le sujet et régler aujourd'hui la légalisation
de la chasse de nuit. En reculant, en fuyant, nous ne serions pas
dignes de la mission qui nous a été confiée
par les français car nous ne ferions que générer
de l'incompréhension et reporter à 5 ans de nouvelles
discordes, de nouveaux affrontements stériles et cela est
valable aussi pour les dates d'ouverture.
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Je crains
pourtant que quelque soit la qualité du texte que nous adopterons
cela ne dissipe pas les risques de contentieux. |
Faisons
l'économie de l'incertitude et de futures disputes, réglons
définitivement cette question sans faux fuyants.
Il est donc impérieux que nous légalisions cette chasse
de nuit dans les départements où elle est coutumière
; c'est précisément le sens des amendements que j'ai
déposé avec Christian BATAILLE et Félix LEYZOUR,
des amendements qui furent adoptés par la commission.
Il est également nécessaire d'étendre la chasse
à la passée de 1 heure à 2 heures afin de ne
pas pénaliser les départements dans lesquels la chasse
crépusculaire est coutumière. Là encore, l'amendement
de la commission devrait avoir le meilleur sort je l'espère.
Comme vous pouvez le remarquer, nos amendements sont raisonnables
et inspirés comme SOLON le fut par le souci d'équilibre
; le législateur que nous sommes doit adopter des lois répondant
aux moeurs, à la culture de nos concitoyens. Nous devons
rester entre les bornes en ne cédant à aucun extrémisme,
en ayant le courage de peut-être ne satisfaire pleinement
personne.
Je crains pourtant que quelque soit la qualité du texte que
nous adopterons cela ne dissipe pas les risques de contentieux.
Les activistes anti-chasse saisiront toutes les juridictions possibles.
Et rien ne peut nous assurer totalement que la CJCE et par ricochet
le Conseil d'Etat ne prête demain une oreille moins complaisante
à leur égard qu'hier.
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La volonté
de la représentation nationale doit enfin s'imposer et être
respectée par tous.
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La volonté de la représentation nationale doit enfin
s'imposer et être respectée par tous. Le gouvernement
doit donc s'engager à faire modifier la directive ou toute
norme supranationale s'il s'avérait qu'elle ne sont pas conformes
à notre loi nationale et vous devrez jouer franc jeu Madame
la Ministre.
Dans ce débat pendant deux jours nous devons être des
femmes et des hommes de mesure, mais aussi de courage. Pour leur part
les députés du MDC vont travailler en prenant toute
leur responsabilité pour faire triompher le bon droit et l'intérêt
général. Ils se détermineront sans être
prisonniers d'aucune chapelle, sans vouloir faire de la chasse un
fonds de commerce électoral et leur vote dépendra de
l'équilibre assuré du texte final pour que demain vive
la chasse citoyenne dans un environnement préservé et
partagé.
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