MDC emploi, économie, finances, chômage, plein emploi
Les 35 heures
AVANT PROJET DE LOI SUR
LES 35 HEURES
Temps partiel, pouvoirs des salariés dans l'organisation, répartition du temps de travail, contrôle des engagements sur l'emploi, sécurité des salaires.
08 juillet 1999
Georges Sarre.
Débat sur la seconde loi sur les 35 heures, les amendements du MDC 05/10/99
Projet de loi sur les 35 heures .doc
 


AVANT PROJET
DE LOI SUR
LES 35 HEURES

Réduction de la pénibilité du travail,
meilleur équilibre de vie pour les salariés,
meilleur partage de l'activité entre ceux qui ont un emploi et les chômeurs

La loi sur les 35 Heures s'inscrit dans le combat historique pour la réduction du temps de travail auquel la gauche a toujours associé son image. Réduction de la pénibilité du travail, meilleur équilibre de vie pour les salariés, le projet "Aubry" s'est en outre assigné une nouvelle finalité : tendre à un meilleur partage de l'activité entre ceux qui ont un emploi et les chômeurs. La réduction du temps de travail doit aujourd'hui permettre de concilier le besoin de travail des uns, et l'aspiration à plus de temps libre des autres. C'est évidemment un progrès que j'appelle de mes voeux. Reste à voir le détail du dispositif tel qu'il sera bouclé. Plus d'un an après la première loi d'incitation et d'orientation et, à la veille du débat sur la loi finale, l'avant-projet présenté par la Ministre de l'Emploi et de la Solidarité m'inspire plusieurs commentaires.
Le temps partiel n'a rien à voir avec l'image souriante du temps choisi
J'apprécie tout particulièrement le renforcement de la protection des travailleurs à temps partiel. Le temps partiel n'a en effet rien à voir avec l'image souriante du temps choisi et de la conciliation entre vie familiale et professionnelle. Ce "temps" qui a fait son apparition avec la crise n'a été jusqu'ici qu'une sorte d'emploi de seconde zone réservé aux femmes. C'est un domaine où les abus sont nombreux. Le projet devrait apporter aux travailleurs à temps partiel des garanties nouvelles. Il faut souligner en particulier l'intérêt de la disposition proposée qui leur permet de refuser une modification de leurs horaires en se fondant sur des obligations familiales impérieuses ou encore en prenant argument d'une période d'activité fixée chez un autre employeur. Beaucoup reste cependant à faire, et je voudrais en particulier insister sur certains points.
le problème des heures supplémentaires est une question déterminante puisqu'elle va conditionner le passage "effectif" aux 35 Heures
Avant tout, la période de transition proposée par Martine Aubry et donc le problème des heures supplémentaires est une question déterminante puisqu'elle va conditionner le passage "effectif" aux 35 Heures. Il s'agit selon moi d'être fidèle à l'objectif affiché, créer des emplois et favoriser les embauches par le renchérissement de ces heures. C'est le seul moyen d'éviter que les entreprises ne "digèrent" indéfiniment la réforme par le jeu d'heures supplémentaires permanentes à bon marché. Il s'agit dans le même temps que ce débat n'en éclipse pas d'autres tout aussi fondamentaux.

Le projet de loi consacre le recul historique de la réglementation de la durée du travail "par décret". Si l'on n'y prend garde, avec l'annualisation et la fin du temps de travail standardisé, "réduction du temps de travail" ne rimera pas forcément, avec augmentation du temps libre ou, plus précisément, du temps "disponible".

Si on dit que les horaires sont "négociés", est-il bien logique que la convention ne contienne qu'un programme indicatif et que ce programme de modulation puisse être unilatéralement modifié par l'employeur ?
On voit bien en effet que les possibilités ouvertes pour le régime unique de modulation négociée - même si ce n'était pas le souhait de ses rédacteurs - vont être très fortement utilisées. Si on dit que les horaires sont "négociés", est-il bien logique que la convention ne contienne qu'un programme indicatif et que ce programme de modulation puisse être unilatéralement modifié par l'employeur ? Je m'inquiète de l'extension du pouvoir qu'a l'employeur de fixer unilatéralement les horaires de travail. Ne faudrait-il pas pour compenser le retrait de la réglementation, donner aux salariés de nouvelles possibilités de refus ? Pourquoi le salarié ne pourrait-il pas comme en Italie refuser les heures supplémentaires ? Pourquoi les modifications d'horaires ne sont-elles pas soumises à l'accord du CE ? Que vaudrait cette négociation si elle ne lie pas l'employeur ?
le contrôle administratif des engagements pris par les employeurs pour obtenir des aides publiques est déficient
Mon troisième sujet d'inquiétude à précisément trait à l'exécution des engagements que prennent les employeurs à l'occasion de la négociation collective. Rappelons que la loi sur les 35 heures a été largement conçue pour faire entrer les chômeurs dans l'entreprise. Pour ce faire, l'Etat a largement mis la main à la poche. Un rapport de la Cour des Comptes a révélé à quel point le contrôle administratif des engagements pris par les employeurs pour obtenir des aides publiques était déficient. Dans ces conditions, peut-on vraiment compter, pour assurer le contrôle, sur des fonctionnaires dont la mission est par ailleurs et surtout de promouvoir la négociation et qui doivent donc souvent convaincre les entreprises de solliciter des aides ? Il faudra lors du débat parlementaire être très attentif à la question des contrôles et des sanctions.
La plupart des conventions de modulation comportent des engagements de l'employeur - engagement de ne pas licencier, engagement d'embaucher - en échange de la modulation. Il faut bien avouer en effet que les salariés n'ont en général pas intérêt à la modulation, qui a pour conséquence de faire disparaître les heures supplémentaires et donc produit une baisse de salaire annuel.
On ne pourra pas développer la négociation collective si les salariés n'ont pas la conviction que les accords conclus sont respectés
Ne faudrait-il pas donc prévoir que, lorsqu'un employeur bafoue ses engagements sur l'emploi, la convention de modulation est rendue caduque ? On ne pourra pas développer la négociation collective si les salariés n'ont pas la conviction que les accords conclus sont respectés.

Ma dernière inquiétude porte sur l'article 16 de l'avant-projet de loi. Les accords sur la réduction du temps de travail rentreront parfois en contradiction avec les termes des contrats. Par exemple, l'accord prévoit une baisse de salaire alors que le contrat garantit un niveau de salaire. Dans ce cas, l'avant projet facilite le licenciement des salariés qui refusent d'accepter la modification de leur contrat. L'employeur peut licencier sans que le motif puisse être discuté, il est déchargé de toute obligation de reclassement, et comme le licenciement est considéré comme individuel, il n'y a pas de plan social.

les accords sur l'emploi peuvent être signés par des syndicats très minoritaires
Cette disposition est d'autant plus critiquable qu'en l'état actuel du projet, les accords sur l'emploi peuvent être signés par des syndicats très minoritaires. En effet, la condition que les syndicats représentent la majorité du personnel n'est exigée que pour l'obtention des allégements de charges mais pas pour la modulation elle-même. Une convention dont la légitimité est discutable, peut donc venir briser le contrat de travail.

Temps partiel, pouvoirs des salariés dans l'organisation et la répartition du temps de travail, contrôle des engagements sur l'emploi, sécurité des salaires, les réponses qui seront apportées à ces questions pèseront lourd à terme dans le bilan “ coût-avantage ” de cette réforme. Le Gouvernement qui a placé les 35 heures au centre de ses ambitions sociales doit écouter les groupes de la majorité plurielle. Pour faire des 35 heures une chance pour l'emploi et pour les travailleurs, il faut prendre le bon chemin.


DEBAT SUR LA SECONDE LOI SUR LES 35 HEURES
le MDC a déposé de nombreux amendements sur ce projet de loi. Les 4 principaux sont présentés conjointement par les députés communistes et apparentés, les Verts et les députés MDC
suppression de la période d'adaptation défavorable à la création d'emplois qui est le but de la loi
- Modification du paragraphe V de l'article 2 (suppression de la période d'adaptation) : Pour les entreprises de moins de 20 salariés, la période d'adaptation n'est pas nécessaire puisqu'elles ont déjà deux ans de plus que les autres pour s'adapter à la loi. Pour les entreprises qui ont déjà signé un accord de 35 heures, l'adaptation devient superflue dès lors que cet accord prévoit d'ores et déjà une majoration des heures supplémentaires à 25% au Ier janvier 2000 et donc un plan d'embauche qui en tient compte. Ces entreprises seraient paradoxalement désavantagées par rapport à celles qui n'auraient pas passé d'accord avant cette date, qui, elles, paieraient une majoration de seulement 10%. Enfin, pour les entreprises qui n'ont pas encore signé d'accord de 35 heures, la majoration des heures supplémentaires à 10% est donc une véritable prime à l'immobilisme qui les incitera pendant cette année 2000 à multiplier les heures supplémentaires plutôt qu'à embaucher. Cette période d'adaptation est défavorable à la création d'emplois qui est le but de la loi.
le droit à la formation professionnele partie intégrante du temps de travail
- suppression de l'article 10, la suppression de cet article permet que le droit à la formation professionnele fasse partie intégrante du temps de travail comme c'est le cas depuis 1971. Ainsi, conformément à l'engagement du gouvernement, il est nécessaire d'aller à l'élaboration et à la discussion d'un projet de loi sur le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie.
L'accord d'entreprise doit entrer dans le cadre quantitatif des créations ou préservations d'emplois
- dans le paragraphe III de l'article 11, substituer à la première phrase les phrases suivantes : "L'accord d'entreprise doit entrer dans le cadre quantitatif des créations ou préservations d'emplois prévues à l'article 3 paragraphes IV et V de la loi n° 98-461 du 13 Juin 1998 d'orientation et d'incitation relatives à la réduction du temps de travail. Si l'entreprise réduit de 10% la durée du travail et s'engage à procéder à des embauches correspondant à 6% au moins de l'effectif concernée par la réduction du temps de travail, elle bénéficie d'un allégement des cotisations à la charge de l'employeur. Si l'entreprise réduit de 15% la durée du travail et s'engage à préserver un volume d'emplois équivalent à 9% au moins de l'effectif auquel s'applique la réduction du temps de travail elle bénéficie alors d'un allégement majoré des cotisations. Les salariés à contrat à durée déterminée, les salariés embauchés et pour lesquels l'entreprise bénéficie d'une exonération totale ou partielle des cotisations patronales de sécurité sociale ou de l'application de taux spécifiques d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ne sont pas pris en compte pour l'appréciation du taux minimum d'embauche. Le nouvel effectif doit être maintenu pendant tout le temps où l'entreprise bénéficie des allégements de cotisations. La durée et l'ampleur de la réduction est appréciée à partir d'un mode constant de décompte des éléments de l'horaire collectif.

La perte des recettes est compensée à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du Code général des impôts.

la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles
- article additionnel : insérer après l'article 1, l'article suivant : "le deuxième alinéa de l'article L 212-4 est supprimé" lors du vote de la précédente loi sur la réduction du temps de travail, le 13 juin 1998, un alinéa a été ajouté à l'article L 212-4 : la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Seul cet alinéa doit être maintenu afin d'éviter les abus et remises en causes constatées lors des négociations et accords de mise en oeuvre de la loi du 13 Juin 1998. Le deuxième alinéa de l'article L 212-4 correspond à l'ancien article 212-4 du code du travail. Cet article issu du décret-loi de Daladier de 1938 et repris par l'article Ier d'un acte dit loi du gouvernement de Vichy daté du 28 août 1942 et "tendant à maintenir le rendement des entreprises industrielles et commerciales" ne donnait pas de définition de ce qui constitue le travail effectif. Il précisait seulement ce qui en était exclu : les temps d'habillage et de casse croûte et les temps d'inaction. Cette définition négative du travail effectif correspondait à un travail productif, dans une organisation taylorienne, en milieu industriel. Elle n'est plus adaptée à des situations de travail dans les services et à des formes de travail plus autonome. Le travail effectif ne se limite pas au travail productif au sens étroit. De manière positive, le travail effectif est le temps où le salarié est à la disposition de l'employeur, prêt à effectuer une fonction, et de ce fait ne peut jouir pleinement de sa liberté. La mise en place de la réduction du temps de travail doit se traduire par une baisse effective du temps de travail pour permettre des créations d'emplois et donner aux salariés plus de temps pour exercer leur citoyenneté.

Huit autres amendements MDC ont été déposés.


 


Extrait de l'intervention de Jacques DESALLANGRE, député MDC,
dans le débat sur le projet de loi sur les 35 heures
"Il faut encadrer les relations contractuelles. Cette nécessité est corroborée par l'explosion du recours abusif aux contrats précaires - temps partiel subi, contrats à durée déterminée, travail temporaire, etc...- qui devraient être l'exception mais qui deviennent la règle. 
La multiplication des travailleurs pauvres porte atteinte, comme le chômage, à notre mode d'intégration sociale, fondé sur le travail, source d'un revenu suffisant. La précarité déstabilise les individus, affaiblit les entreprises et ruine la cohésion sociale.
Les députés du MDC ont déposé une vingtaine d'amendements afin de permettre une application efficace de la loi et de créer une dynamique de  croissance, par la relance de la demande intérieure notamment.
Il nous semblait indispensable de maîtriser de façon significative le recours aux heures supplémentaires structurelles et de restreindre le bénéfice des aides aux seules embauches sur contrat à durée indéterminée afin de donner à ce projet toute la portée attendue.
 


Nous réaffirmons notre opposition à l'article excluant du bénéfice de la loi la majorité des personnels du secteur des transports. Le passage aux 35 heures n'interdit pas de travailler plus, il abaisse le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Cette disposition risque de porter gravement préjudice à ce projet. En effet, chaque profession se sera-t-elle pas tenté de faire prévaloir une spécificité pour justifier son exclusion du champ d'application du texte?

Il serait également souhaitable d'engager la réflexion sur une réforme ambitieuse de la fiscalité qui permettrait de rééquilibrer la charge fiscale entre les différentes catégories de revenus. 
 

La diminution des impôts et taxes pesant sur les revenus du travail, compensée par une augmentation de l'imposition sur les revenus du capital, favoriserait une relance de la consommation et une meilleure répartition de la valeur ajoutée.
Les députés MDC ont déposé une proposition de loi tendant à réduire le temps de travail enregistrée sous le numéro 348 et enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 Octobre 1997

Les points principaux de cette proposition de loi ont été repris en amendements par les députés MDC lors du vote sur la loi sur les 35 heures ; ils reposaient sur 5 principes :


  • le passage aux 35 heures hebdomadaires se fait sans baisse de rémunération et s'applique au Ier janvier 1999

  •  
  • des incitations à l'embauche sont conçues pour les entreprises de 50 à 500 salariés ainsi qu'une augmentation du coût des heures supplémentaires

  •  
  • Les PME-PMI de moins de 50 salariés sont exonérées de cotisations chômage de manière que la réduction du temps de travail soit intégralement compensée ; pour les entreprises de 50 à 500 salariés, l'exonération se fera en contrepartie d'embauches
  • Le passage aux 35 heures se fait dans un cadre hebdomadaire et non annuel pour prévenir toute détérioration des conditions de travail. L'annualisation du temps de travail est conseillée pour les personnels d'encadrement ; dans les autres cas l'annualisation s'accompagnera d'une réduction du temps de travail à 32 heures
  • le dispositif retenu de se traduira pas par une augmentation des aides publiques : l'aide accordée aux entreprises de moins de 500 salariés se traduira par un manque à gagner pour l'UNEDIC compensé largement par le surcroît de cotisations patronales lié au renchérissement des heures supplémentaires, la baisse des indemnités de chômage consécutive aux embauches dans les entreprises de 50 à 500 salariés acquises en contrepartie des exonérations sociales et la diminution des charges du budget de l'Etat suite à l'abrogation de la loi dite "de Robien".