Les députés
du Mouvement des citoyens, qui font passer l'emploi avant la monnaie,
ne sont pas catastrophés par l'Euro faible. |
I L'impasse
de la monnaie unique :
Les députés du Mouvement des citoyens, qui font passer
l'emploi avant la monnaie, ne sont pas catastrophés par l'Euro
faible. Le principal risque lié à l'actuelle situation
de l'Euro serait que les autorités monétaires européennes
indépendantes en rajoutent dans l'orthodoxie monétaire
et étouffent l'actuelle croissance soutenue qui demeure le
principal vecteur du recul du chômage.
L'obsession
de la monnaie forte ne doit pas conduire au retour des « années
de plomb » où se sont combinés monnaie surévaluée,
taux d'intérêts assassins, déflation et rigueur
salariale. Ces recettes n'effaceront pas la réalité
politique ; l'Euro n'est pas crédible comme monnaie unique
parce qu'une monnaie unique doit être le couronnement et non
le point de départ d'une identité politique unique.
Et toutes les propositions fantasmagoriques qui sont faites aujourd'hui
sont autant de fuites en avant. Elles se briseront sur la réalité
tant qu'il n'y aura pas en Europe un peuple, une nation, une langue,
toutes les réformes institutionnelles, un président,
une constitution sont des rêves dangereux.
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Repousser
l'introduction de l'Euro dans les porte -monnaies des citoyens, pour
réfléchir à une monnaie commune préservant
les monnaies nationales. |
Par
contre il est encore temps, Monsieur le Premier Ministre, de sortir
par le haut de cette contradiction en repoussant l'introduction
de l'Euro dans les porte -monnaies des citoyens, pour réfléchir
à une alternative plus crédible, une monnaie commune
préservant les monnaies nationales. L'Europe se doterait
d'une identité monétaire vis-à-vis de l'extérieur
tout en donnant à chaque nation des marges de manuvre
intérieure.
Malgré les théories du « post-national »,
malgré les critères de convergence, malgré
le pacte de stabilité, les politiques économiques
divergent à nouveau au sein de la zone Euro.
Chaque gouvernement doit assurer le mandat que lui a confié
le peuple et mener une politique conforme à ses réalités
nationales. La monnaie unique veut tenter de cacher au monde cette
réalité. La monnaie commune prendrait acte du fait
que l'Europe n'est pas une Nation.
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Le sommet
de Lisbonne marque une nouvelle étape, à bien des égards
inquiétante, des progrès de la culture ultra libérale. |
II
Les inquiétantes conclusions du sommet de Lisbonne :
Ce sommet, curieusement, n'a pas eu un écho extraordinaire
en France alors même qu'il marque une nouvelle étape,
à bien des égards inquiétante, des progrès
de la culture ultra libérale.
La France a semblé isolée, ne parvenant pas à
obtenir de ses partenaires un engagement précis sur des objectifs
à atteindre en matière de croissance et d'emploi.
On peut nourrir des craintes pour l'avenir des services publics.
Le principe de la libéralisation totale du gaz, de l'électricité,
de l'eau, des services postaux et des transports figurent dans les
conclusions du sommet de Lisbonne même si le gouvernement
français est parvenu à éviter que le conseil
fixe des dates précises. Les marchés des télécommunications
doivent être en revanche libéralisés en 2001
et la concurrence des réseaux locaux d'accès intensifiée
avant la fin de l'année.
Que vont devenir nos services publics ?
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Les partis
de gauche sont majoritairement aux affaires mais on tarde à percevoir
les effets bénéfiques de ce changement en terme de réorientation
de la construction européenne. |
III
L'union européenne
relais de la mondialisation libérale :
Dans le débat entre partisans de gauche du traité
de Maastricht et ceux qui avaient défendu un « non
de gauche » au référendum, les premiers disposaient
en 1992 d'un argument recevable. Reconnaissant avec les opposant
à Maastricht l'orientation trop libérale de la construction
européenne, les partisans du « oui » expliquaient
cette situation par la présence d'une majorité de
gouvernements de droite chez nos principaux partenaires. L'idée
de ne pas casser la dynamique européenne en ratifiant Maastricht
et de tabler sur l'arrivée de gouvernements de gauche pour
réorienter l'Europe a été défendu par
nombre de ceux, qui comme vous, Monsieur le Premier Ministre, étaient
à la fois circonspects sur les mérites du traité
et soucieux de poursuivre l'avancée de la construction européenne.
Aujourd'hui, la situation a changé. Les partis de gauche
sont majoritairement aux affaires mais on tarde à percevoir
les effets bénéfiques de ce changement en terme de
réorientation de la construction européenne. Ce qui
n'a pas changé en effet, c'est le contenu du traité
de Maastricht, aggravé à Amsterdam.
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Loin de
contester l'ordre mondial, les traités et institutions européennes
le confortent. |
Ce
qui n'a pas changé, c'est la volonté des institutions
européennes de traiter conformément à l'idée
cardinale de Maastricht, tous les domaines de l'activité
humaine à partir du dogme de la libre concurrence. Nos concitoyens
le perçoivent à travers des dossiers qui peuvent apparaître
sectoriels, mais qui touchent de près beaucoup de français
et qui sont donc très pédagogiques. Je pense par exemple
à la marchandisation du sport à travers l'arrêt
Bosman de la cour de justice ou à la marchandisation de la
protection sociale à travers les directives européennes
tendant à livrer les activités mutualistes aux assureurs
privés.
Aux yeux des citoyens , l'Union européenne n'apparaît
pas comme un outil de lutte contre la mondialisation libérale
mais plus sûrement le cheval de Troie de cette mondialisation.
Le comportement de la commission pendant les négociations
préparant le sommet de l'OMC à Seattle comme les conclusions
de Lisbonne en attestent. Loin de contester l'ordre mondial, les
traités et institutions européennes le confortent.
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La résurgence
de l'extrême droite pose, au delà d'une riposte morale,
la question de la capacité de la gauche européenne à
porter les intérêts des plus défavorisés. |
Monsieur
le Premier Ministre, l'échec de Monsieur D'Allema en Italie,
les difficultés de l'attelage SPD-Verts en Allemagne sauvé
par la caisse noire de la CDU plus que par les résultats
de sa politique et le cuisant échec électoral de Monsieur
Blair doivent interroger sur le rapport de force qu'il est possible
d'instaurer en Europe.
La résurgence de l'extrême droite en Autriche, sa montée
en Italie, pose, au delà d'une riposte morale, la question
de la capacité de la gauche européenne à porter
les intérêts des plus défavorisés, de
ceux, nombreux, que la mondialisation laisse de côté,
comme cloués au sol. L'agenda social européen dont
ni Monsieur Prodi, ni la présidence Portugaise n'ont parlé
lors de la conférence de presse finale de Lisbonne doit être
pour la France un dossier prioritaire de sa présidence.
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Malgré
les incertitudes, les contradictions, les difficultés actuelles,
le fédéralisme avance cependant masqué, sans réel
débat démocratique, par simple adhésion des élites. |
IV Vers
l'Europe fédérale ?
Malgré les incertitudes, les contradictions, les difficultés
actuelles, le fédéralisme avance cependant masqué,
sans réel débat démocratique, par simple adhésion
des élites. Le
dossier de la charte des droits fondamentaux en constitue un exemple
frappant. Présenté à l'origine comme un simple
travail de codification à droit constant, qui ne créait
pas de principe juridique nouveau, l'orientation donnée par
Monsieur Herzog au sein d'une enceinte autoproclamée «
Convention » est d'une tout autre nature. On semble s'orienter
vers un texte contraignant traitant des libertés fondamentales,
des droits réservés aux citoyens de l'Union et des
droits économiques et sociaux. Si une telle charte devait
être inscrite dans le traité, cela reviendrait sans
le dire, à créer une constitution européenne.
L'introduction de la charte au traité donnerait compétence
à la cour de justice européenne pour l'appliquer en
concurrence avec la cour européenne des droits de l'homme,
ce qui créerait un désordre dans l'ordre institutionnel
européen.
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Donner
plus de poids au Conseil des Ministres européens par rapport
à la Commission, associer des parlements nationaux serait nécessaire
pour redonner un peu de légitimité démocratique
à l'Europe. |
Mais
ce serait surtout une atteinte majeure et décisive à
la souveraineté nationale. C'est l'ordre constitutionnel
qui serait mis en cause dès lors que la CJCE pourrait interpréter
un vaste ensemble de droits et libertés qui pour une part
recoupe les « principes fondamentaux » reconnus
par les lois de la République.
Le Parlement national et notre Constitution seraient directement
mis hors jeu.
L'adoption de cette charte au terme de la présidence française,
si elle devait être intégrée au traité,
changerait fondamentalement la nature de la construction européenne.
Une telle évolution nécessiterait que le peuple français
se prononce par référendum.
Programmé depuis la chute du mur de Berlin, l'élargissement
de l'Union européenne met également à jour
les contradictions entre les intérêts nationaux. La
réforme de la commission, la pondération des voix
au sein du Conseil, l'extension du vote à la majorité
qualifiée, voilà autant de questions que la présidence
française aura à traiter mais qui ne seront sans doute
pas réglées facilement. La France doit avoir le souci
de préserver des marges de manuvre pour ses intérêts
vitaux, comme elle a su le faire sur le dossier de la vache folle.
Elle doit aussi agir pour donner plus de poids au Conseil des Ministres
européens par rapport à la Commission. Une meilleure
association des parlements nationaux apparaît également
nécessaire pour redonner un peu de légitimité
démocratique à l'Europe.
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L'exigence
de voir les responsables politiques reprendre en main les leviers
de commande.
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Dans le temps
qui m'est imparti, il n'est pas possible d'aborder tous les sujets.
J'aurais souhaité dire un mot de l'Europe de la défense
inféodée à l'OTAN qui limite sa capacité
à exister par elle même.
De même une initiative européenne pour l'Afrique, qui
n'est pas prête pour la mondialisation libérale, serait
le seul moyen de l'aider. On ne peut fermer les yeux devant ce continent
oublié, sacrifié, livré à la famine ,
la maladie, la guerre.
CONCLUSION :
Monsieur le Premier Ministre, le maintien d'une croissance forte,
la baisse du chômage, constituent des éléments
favorables qui ne peuvent faire oublier la persistance d'inégalités
sociales fortes.
La prise de conscience par une partie chaque jour plus nombreuse des
citoyens des effets de la mondialisation libérale s'accompagne
de l'exigence de voir les responsables politiques reprendre en main
les leviers de commande. L'Europe pourrait être, en théorie,
un outil pour y parvenir. Il reste beaucoup à faire pour que
cet outil virtuel devienne réellement opérationnel.
Puisse la présidence française y contribuer.
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