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Recentrer l'école sur l'instruction
Par Cécile Blanchard cecile.blanchard@L-aef.com

Michel Vignal, secrétaire national à l'éducation du MDC (Mouvement des citoyens), juge "utile de rappeler que l'école est l'institution majeure de la République". "C'est par le savoir que l'on s'émancipe, que l'on s'élève dans sa dimension de citoyen." Il rappelle que l'éducation figure en deuxième position des priorités de campagne de Jean-Pierre Chevènement, qui entend "placer la transmission des savoirs et l'autorité des maîtres au centre de l'école". Michel Vignal présente à L'AEF la réflexion de son parti sur l'enseignement scolaire et supérieur.

Paris, le 15/11/2001

l'école est l'institution majeure de la République
Quels sont les principes généraux défendus par le MDC en matière d'éducation?

Nous souhaitons recentrer l'Ecole sur sa mission première, l'instruction, à la fois sur le plan des savoirs et de la culture, qui sont la base de l'éducation. Il faut éviter les réformes multiples, qui donnent le tournis, angoissent et génèrent l'absence de règles et de repères. Il est nécessaire d'avancer lentement, de travailler sur une génération, de valoriser ce qui est juste et pas forcément ce qui est neuf. Pour jouer son rôle, l'école doit d'abord être elle-même. Il faut revenir sur les illusions parfois démagogiques, sur l'ouverture de l'école, et faire en sorte que l'école ait un minimum d'autonomie à l'égard du monde, qu'elle soit un espace de tranquillité et de sérénité. En outre, il ne faut pas considérer que la finalité de l'école est l'enfant mais envisager celui-ci en tant qu'élève, dans son rapport à l'école. Enfin, il faut réinstituer le sens du travail, le goût de l'effort, et rétablir la notion de mérite républicain.

17% des élèves ne maîtrisent pas le français à l'entrée en classe de sixième

Sur quels savoirs l'école doit-elle se concentrer ?

Les élèves doivent acquérir des bases solides dans chaque discipline et, pour cela, il faut relever le niveau des exigences dans chaque cycle. S'adapter au niveau de la misère sociale n'est pas un moyen d'aider les jeunes à s'élever. Notamment, il ne faut pas permettre les passages automatiques dans la classe supérieure, en particulier si les bases en français ne sont pas acquises. Comme Jean-Pierre Chevènement l'a souligné lors du lancement de sa campagne à Vincennes, le 9 septembre 2001, 17% des élèves ne maîtrisent pas le français à l'entrée en classe de sixième. L'important est de viser le meilleur pour tous et de ne pas créer de classes au rabais. Le rôle des inégalités sociales est d'autant plus fort que l'Etat est affaibli. Rétablir plus d'Etat, c'est rétablir plus d'égalité. Il ne faut pas diminuer le nombre d'heures enseignées sous prétexte que les programmes sont trop lourds. Quand l'école enseigne moins, les familles les moins favorisées ne peuvent pas compenser le déficit. On peut en revanche alléger les programmes et développer le soutien et les internats. Et être plus volontariste en ZEP, dédoubler les classes, ne pas prévoir uniquement des ouvertures vers le domaine socioculturel et choisir la solution la plus efficace par rapport à une situation donnée.

le système actuel aboutit à une multiplication des examens
Que proposez-vous pour l'enseignement supérieur ?

Nous sommes partisans d'une évolution du système actuel de semestrialisation. Il est important de garder le contrôle continu, mais sans faire une évaluation complète en fin de premier semestre puis à nouveau en juin. Le système actuel aboutit à une multiplication des examens, et les enseignants se plaignent de devoir évaluer sans avoir eu le temps de transmettre les connaissances à évaluer. Nous estimons également nécessaire de revaloriser la culture générale dans l'enseignement supérieur, pour mieux assurer l'apprentissage des méthodes universitaires et atténuer les problèmes posés par la délicate question de l'orientation. Par ailleurs, nous estimons que, à l'instar des grandes écoles, les universités doivent former les élites et pour cela mieux encadrer leurs étudiants. Il y a également des choses à faire dans le domaine de la recherche, car les enseignants-chercheurs sont absorbés par les tâches administratives et de gestion et, faute de temps, font de moins en moins de recherche.

les futurs enseignants doivent avoir conscience qu'ils seront des acteurs de la société
Comment envisagez-vous l'évolution du métier d'enseignant ?

Il faut redonner son sens à la mission des enseignants. Les enseignants sont des professionnels qui doivent maîtriser les savoirs et développer des qualités pédagogiques. Ils sont aussi des fonctionnaires d'Etat chargés de former les futurs citoyens. C'est une mission particulière. Ils doivent former des hommes qui auront à exercer un métier mais qui seront des citoyens avant tout. Pour inciter les jeunes à choisir cette profession, il ne faut pas faire de la publicité uniquement autour du métier, car les futurs enseignants doivent avoir conscience qu'ils seront des acteurs de la société, qu'ils auront un rôle social à jouer. Il devront aussi être davantage qu'aujourd'hui des chasseurs de talents et devront soutenir les élèves méritants pour contribuer à leur réussite, dans un objectif de promotion sociale. Il faut leur redonner toute autorité dans l'exercice de leur mission et arrêter de les solliciter dans toutes les directions.

Vous insistez sur le fait que les enseignants doivent former les futurs citoyens. Cela passe-t-il par un renforcement de l'éducation civique ?

Nous étions favorables d'emblée à l'extension au lycée de l'éducation civique. Nous envisageons même de l'étendre à l'enseignement supérieur. Mais il faut être attentif à ce que l'ECJS ne se résume pas à des séances de débat argumenté. Pour éviter la parlote, les élèves doivent avoir un certain niveau de connaissances préalable. Par ailleurs, l'absence de formation des professeurs de lycée et collège à l'éducation civique est un scandale. Ils sont obligés de s'autoformer. A tous les niveaux, l'éducation civique doit être renforcée.

La réforme de Jack Lang ne va pas dans le bon sens.
Approuvez-vous la réforme de la formation des enseignants mise en place par Jack Lang, ministre de l'Education nationale ?

La réforme de Jack Lang ne va pas dans le bon sens. Il demande aux IUFM de former 185 000 nouveaux enseignants d'ici dix ans, soit deux fois plus qu'actuellement, avec le même encadrement, ce qui signifie donc une réduction du nombre d'heures de formation. Nous estimons qu'il faut assurer deux années pleines de formation associant contenus disciplinaires et questions de pédagogie, et créer une troisième année à temps partiel avec pratique de classe et compléments de formation. Il faut inscrire les IUFM dans un cadre national et ne pas séparer la pédagogie des contenus disciplinaires. Il existe des formes et des méthodes pédagogiques multiples: on ne peut prétendre imposer une théorie pédagogique qui serait supérieure aux autres, et dans toutes les disciplines. Par ailleurs, la formation des professeurs des écoles est beaucoup plus complète que celle des professeurs de lycée et de collège, qui doit être améliorée.

remettre le français au coeur des instructions officielles
Quelles sont vos propositions concernant l'école primaire ?

Pour la maternelle, la principale question est celle de la scolarisation des moins de trois ans. On ne peut pas établir de règle unique. Il y a des enfants de deux ans pour lesquels il n'est pas bénéfique d'aller si jeune à la maternelle, parce qu'ils ne sont pas encore capables d'aborder le processus de socialisation de groupe. Mais si un enfant est délaissé dans sa famille, il vaut mieux pour lui qu'il aille à l'école. On ne peut prétendre avoir de position dogmatique sur cette question. Par ailleurs, il faut laisser la possibilité que l'entrée se fasse progressivement au cours de l'année scolaire et pas forcément à la rentrée.

A l'école élémentaire, la grande affaire doit être de transmettre les savoirs de base, la lecture et l'écriture en tout premier lieu. Il faut remettre le français au coeur des instructions officielles, et non pas demander aux enseignants de multiplier les enseignements: cela ne marche pas, ils sont obligés de faire un tri, qui se révèle très différent d'un établissement à l'autre, ce qui nuit à l'égalité. En outre, il faut réviser l'organisation du primaire en trois cycles, en rétablissant des objectifs et un niveau d'exigences précis pour chaque année.

 

Nous sommes favorables à la semaine de cinq jours avec une coupure le mercredi

On évoque un retour à la semaine de cinq jours à Lyon. En ce qui concerne les rythmes scolaires, quelle est votre préférence ?

Nous sommes favorables à la semaine de cinq jours avec une coupure le mercredi, qui semble plus adaptée aux enfants. Les travaux sur les rythmes des enfants ne disent pas qu'il leur faut un week-end de repos. On cherche par là à satisfaire la conception des loisirs des classes moyennes et supérieures. Jean-Pierre Chevènement, lorsqu'il était ministre, avait introduit le rythme annuel de sept semaines de classe et deux semaines de repos, qui nous semble toujours bon. Mais on se heurte là à l'industrie touristique.

Etes-vous favorable à la réintroduction d'une orientation en fin de cinquième ?

Nous sommes soucieux de conserver l'acquis démocratique du collège, mais nous n'estimons pas choquant de revenir sur l'égalitarisme formel. Un forme d'orientation plus progressive doit être réintroduite à partir de la cinquième et de la quatrième, dès lors que l'on maintient pour tous les bases d'une culture générale, dans une logique d'options renforcées ou de filières souples, avec des passerelles. On ne peut pas fonctionner en classes hétérogènes, si tant est qu'elles le soient réellement: elles sont hétérogènes en principe, mais les parents les mieux informés savent choisir les meilleures classes.

Là encore, il faut éviter les positions dogmatiques.
Quelle est votre position quant à la généralisation des TPE et à leur évaluation au baccalauréat ?

Là encore, il faut éviter les positions dogmatiques. Nous ne sommes pas des fanatiques des systèmes transversaux. Déjà, chaque discipline scolaire est relativement interdisciplinaire: l'histoire fait appel à l'économie, à la sociologie... Nous ne sommes pas hostiles aux TPE, mais cela ne doit pas se faire au détriment des savoirs disciplinaires. En revanche, nous ne sommes pas partisans de leur évaluation au baccalauréat, qui doit conserver un caractère anonyme et national. L'introduction du contrôle continu signerait la fin du bac. Au lycée, il faut revenir aux horaires d'enseignement en vigueur avant les allègements mis en place par Claude Allègre, et faire en sorte que les familles identifient bien les trois voies d'accès au baccalauréat. Cela passe par la réduction du nombre de filières, tout en gardant une diversification. Il faut rendre lisible le système. Il faut là aussi maintenir le niveau d'exigence culturel, pour valoriser l'école publique, alors que l'école privée gagne de nombreux élèves dans les banlieues.

 

nous sommes hostiles à l'immersion sur le plan pédagogique
Le Conseil d'Etat a suspendu le protocole d'intégration des écoles Diwan dans l'Education nationale. Qu'en pensez-vous ?

Nous retirons une grande satisfaction du jugement du Conseil d'Etat sur cette affaire, qui ne concerne pas uniquement l'école. Dans le principe de l'enseignement par immersion, le français n'est plus qu'une langue étrangère. Nous sommes hostiles à l'immersion sur le plan pédagogique: il y a déjà beaucoup d'élèves qui maîtrisent mal le français, qui est la langue d'intégration sociale et politique. Il ne faut pas leur compliquer la tâche. Sur le plan politique, il y a sur cette question une alliance des libéraux et des libertaires qui n'aiment pas les conceptions républicaines. Le processus de résurrection des langues régionales s'accroche très souvent à des conceptions ethniques et terriennes de la nation, à des principes d'Ancien régime. De fait, un tel ressourcement identitaire est inoffensif pour les intérêts des marchés économiques défendus par les champions de l'Europe des régions. C'est l'unité et l'égalité républicaines qui sont menacées par ces dérives identitaires et ethniques.

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