Paris,
le 15/11/2001
l'école est l'institution majeure de la République |
Quels sont les principes généraux défendus
par le MDC en matière d'éducation? Nous souhaitons recentrer l'Ecole sur sa mission première,
l'instruction, à la fois sur le plan des savoirs et de la culture,
qui sont la base de l'éducation. Il faut éviter les réformes
multiples, qui donnent le tournis, angoissent et génèrent
l'absence de règles et de repères. Il est nécessaire
d'avancer lentement, de travailler sur une génération,
de valoriser ce qui est juste et pas forcément ce qui est neuf.
Pour jouer son rôle, l'école doit d'abord être elle-même.
Il faut revenir sur les illusions parfois démagogiques, sur l'ouverture
de l'école, et faire en sorte que l'école ait un minimum
d'autonomie à l'égard du monde, qu'elle soit un espace
de tranquillité et de sérénité. En outre,
il ne faut pas considérer que la finalité de l'école
est l'enfant mais envisager celui-ci en tant qu'élève,
dans son rapport à l'école. Enfin, il faut réinstituer
le sens du travail, le goût de l'effort, et rétablir
la notion de mérite républicain.
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17% des élèves ne maîtrisent pas
le français à l'entrée en classe de sixième |
Sur quels savoirs l'école doit-elle se concentrer ?
Les élèves doivent acquérir des
bases solides dans chaque discipline et, pour cela, il faut relever
le niveau des exigences dans chaque cycle. S'adapter au niveau de
la misère sociale n'est pas un moyen d'aider les jeunes à
s'élever. Notamment, il ne faut pas permettre les passages
automatiques dans la classe supérieure, en particulier
si les bases en français ne sont pas acquises. Comme Jean-Pierre
Chevènement l'a souligné lors du lancement de sa campagne
à Vincennes, le 9 septembre 2001, 17% des élèves
ne maîtrisent pas le français à l'entrée
en classe de sixième. L'important est de viser le meilleur
pour tous et de ne pas créer de classes au rabais. Le rôle
des inégalités sociales est d'autant plus fort que l'Etat
est affaibli. Rétablir plus d'Etat, c'est rétablir plus
d'égalité. Il ne faut pas diminuer le nombre d'heures
enseignées sous prétexte que les programmes sont trop
lourds. Quand l'école enseigne moins, les familles les moins
favorisées ne peuvent pas compenser le déficit.
On peut en revanche alléger les programmes et développer
le soutien et les internats. Et être plus volontariste en ZEP,
dédoubler les classes, ne pas prévoir uniquement des
ouvertures vers le domaine socioculturel et choisir la solution la
plus efficace par rapport à une situation donnée.
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le système actuel aboutit à une multiplication
des examens |
Que proposez-vous pour l'enseignement supérieur ?
Nous sommes partisans d'une évolution du système
actuel de semestrialisation. Il est important de garder le contrôle
continu, mais sans faire une évaluation complète en fin
de premier semestre puis à nouveau en juin. Le système
actuel aboutit à une multiplication des examens, et les enseignants
se plaignent de devoir évaluer sans avoir eu le temps de transmettre
les connaissances à évaluer. Nous estimons également
nécessaire de revaloriser la culture générale dans
l'enseignement supérieur, pour mieux assurer l'apprentissage
des méthodes universitaires et atténuer les problèmes
posés par la délicate question de l'orientation. Par ailleurs,
nous estimons que, à l'instar des grandes écoles, les
universités doivent former les élites et pour cela mieux
encadrer leurs étudiants. Il y a également des choses
à faire dans le domaine de la recherche, car les enseignants-chercheurs
sont absorbés par les tâches administratives et de gestion
et, faute de temps, font de moins en moins de recherche.
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les futurs enseignants doivent avoir conscience qu'ils
seront des acteurs de la société |
Comment envisagez-vous l'évolution du métier
d'enseignant ? Il faut redonner son sens à la mission des enseignants.
Les enseignants sont des professionnels qui doivent maîtriser
les savoirs et développer des qualités pédagogiques.
Ils sont aussi des fonctionnaires d'Etat chargés de former les
futurs citoyens. C'est une mission particulière. Ils doivent
former des hommes qui auront à exercer un métier mais
qui seront des citoyens avant tout. Pour inciter les jeunes à
choisir cette profession, il ne faut pas faire de la publicité
uniquement autour du métier, car les futurs enseignants doivent
avoir conscience qu'ils seront des acteurs de la société,
qu'ils auront un rôle social à jouer. Il devront aussi
être davantage qu'aujourd'hui des chasseurs de talents et devront
soutenir les élèves méritants pour contribuer à
leur réussite, dans un objectif de promotion sociale. Il faut
leur redonner toute autorité dans l'exercice de leur mission
et arrêter de les solliciter dans toutes les directions.
Vous insistez sur le fait que les enseignants doivent
former les futurs citoyens. Cela passe-t-il par un renforcement de l'éducation
civique ?
Nous étions favorables d'emblée à
l'extension au lycée de l'éducation civique. Nous envisageons
même de l'étendre à l'enseignement supérieur.
Mais il faut être attentif à ce que l'ECJS ne se résume
pas à des séances de débat argumenté. Pour
éviter la parlote, les élèves doivent avoir un
certain niveau de connaissances préalable. Par ailleurs, l'absence
de formation des professeurs de lycée et collège à
l'éducation civique est un scandale. Ils sont obligés
de s'autoformer. A tous les niveaux, l'éducation civique doit
être renforcée.
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La réforme de Jack Lang ne va pas dans le bon
sens. |
Approuvez-vous la réforme de la formation
des enseignants mise en place par Jack Lang, ministre de l'Education
nationale ? La réforme de Jack Lang ne va pas dans le bon sens.
Il demande aux IUFM de former 185 000 nouveaux enseignants d'ici dix
ans, soit deux fois plus qu'actuellement, avec le même encadrement,
ce qui signifie donc une réduction du nombre d'heures de formation.
Nous estimons qu'il faut assurer deux années pleines de formation
associant contenus disciplinaires et questions de pédagogie,
et créer une troisième année à temps partiel
avec pratique de classe et compléments de formation. Il faut
inscrire les IUFM dans un cadre national et ne pas séparer la
pédagogie des contenus disciplinaires. Il existe des formes et
des méthodes pédagogiques multiples: on ne peut prétendre
imposer une théorie pédagogique qui serait supérieure
aux autres, et dans toutes les disciplines. Par ailleurs, la formation
des professeurs des écoles est beaucoup plus complète
que celle des professeurs de lycée et de collège, qui
doit être améliorée.
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remettre le français au coeur des instructions
officielles |
Quelles sont vos propositions concernant l'école
primaire ? Pour la maternelle, la principale question est celle de
la scolarisation des moins de trois ans. On ne peut pas établir
de règle unique. Il y a des enfants de deux ans pour lesquels
il n'est pas bénéfique d'aller si jeune à la maternelle,
parce qu'ils ne sont pas encore capables d'aborder le processus de socialisation
de groupe. Mais si un enfant est délaissé dans sa famille,
il vaut mieux pour lui qu'il aille à l'école. On ne
peut prétendre avoir de position dogmatique sur cette question.
Par ailleurs, il faut laisser la possibilité que l'entrée
se fasse progressivement au cours de l'année scolaire et pas
forcément à la rentrée.
A l'école élémentaire, la grande
affaire doit être de transmettre les savoirs de base, la lecture
et l'écriture en tout premier lieu. Il faut remettre le français
au coeur des instructions officielles, et non pas demander aux enseignants
de multiplier les enseignements: cela ne marche pas, ils sont obligés
de faire un tri, qui se révèle très différent
d'un établissement à l'autre, ce qui nuit à l'égalité.
En outre, il faut réviser l'organisation du primaire en trois
cycles, en rétablissant des objectifs et un niveau d'exigences
précis pour chaque année.
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Nous sommes favorables à la semaine de cinq jours
avec une coupure le mercredi |
On évoque un retour à la semaine de
cinq jours à Lyon. En ce qui concerne les rythmes scolaires,
quelle est votre préférence ?
Nous sommes favorables à la semaine de cinq jours
avec une coupure le mercredi, qui semble plus adaptée aux enfants.
Les travaux sur les rythmes des enfants ne disent pas qu'il leur faut
un week-end de repos. On cherche par là à satisfaire
la conception des loisirs des classes moyennes et supérieures.
Jean-Pierre Chevènement, lorsqu'il était ministre, avait
introduit le rythme annuel de sept semaines de classe et deux semaines
de repos, qui nous semble toujours bon. Mais on se heurte là
à l'industrie touristique.
Etes-vous favorable à la réintroduction
d'une orientation en fin de cinquième ?
Nous sommes soucieux de conserver l'acquis démocratique
du collège, mais nous n'estimons pas choquant de revenir sur
l'égalitarisme formel. Un forme d'orientation plus progressive
doit être réintroduite à partir de la cinquième
et de la quatrième, dès lors que l'on maintient pour
tous les bases d'une culture générale, dans une logique
d'options renforcées ou de filières souples, avec des
passerelles. On ne peut pas fonctionner en classes hétérogènes,
si tant est qu'elles le soient réellement: elles sont hétérogènes
en principe, mais les parents les mieux informés savent choisir
les meilleures classes.
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Là encore, il faut éviter les positions
dogmatiques. |
Quelle est votre position quant à la généralisation
des TPE et à leur évaluation au baccalauréat ?
Là encore, il faut éviter les positions
dogmatiques. Nous ne sommes pas des fanatiques des systèmes
transversaux. Déjà, chaque discipline scolaire est relativement
interdisciplinaire: l'histoire fait appel à l'économie,
à la sociologie... Nous ne sommes pas hostiles aux TPE, mais
cela ne doit pas se faire au détriment des savoirs disciplinaires.
En revanche, nous ne sommes pas partisans de leur évaluation
au baccalauréat, qui doit conserver un caractère anonyme
et national. L'introduction du contrôle continu signerait la
fin du bac. Au lycée, il faut revenir aux horaires d'enseignement
en vigueur avant les allègements mis en place par Claude Allègre,
et faire en sorte que les familles identifient bien les trois voies
d'accès au baccalauréat. Cela passe par la réduction
du nombre de filières, tout en gardant une diversification.
Il faut rendre lisible le système. Il faut là aussi
maintenir le niveau d'exigence culturel, pour valoriser l'école
publique, alors que l'école privée gagne de nombreux
élèves dans les banlieues.
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nous sommes hostiles à l'immersion sur le plan
pédagogique |
Le Conseil d'Etat a suspendu le
protocole d'intégration des écoles Diwan dans l'Education
nationale. Qu'en pensez-vous ?
Nous retirons une grande satisfaction du jugement du Conseil
d'Etat sur cette affaire, qui ne concerne pas uniquement l'école.
Dans le principe de l'enseignement par immersion, le français
n'est plus qu'une langue étrangère. Nous sommes hostiles
à l'immersion sur le plan pédagogique: il y a déjà
beaucoup d'élèves qui maîtrisent mal le français,
qui est la langue d'intégration sociale et politique. Il ne faut
pas leur compliquer la tâche. Sur le plan politique, il y a sur
cette question une alliance des libéraux et des libertaires qui
n'aiment pas les conceptions républicaines. Le processus de résurrection
des langues régionales s'accroche très souvent à
des conceptions ethniques et terriennes de la nation, à des principes
d'Ancien régime. De fait, un tel ressourcement identitaire est
inoffensif pour les intérêts des marchés économiques
défendus par les champions de l'Europe des régions. C'est
l'unité et l'égalité républicaines qui sont
menacées par ces dérives identitaires et ethniques.
Contact: MDC, 03 23 23 16 42
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