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Intervention de Georges SARRE

26 octobre 1999 - Assemblée nationale

DECLARATION DU GOUVERNEMENT SUR L'OMC

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I - Le peuple français contre la mondialisation libérale:
II - Une idéologie dangereuse:
III - La Commission relais de la mondialisation libérale :
IV - Reprendre en main les leviers de commande
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 I - Le peuple français contre la mondialisation libérale:  
La mondialisation libérale n'est pas un phénomène neutre, quasiment naturel qui résulterait simplement de la révolution technologique et informationnelle. Elle met en concurrence des systèmes sociaux, elle fait quelques gagnants et beaucoup de perdants. 

Elle tend à déconnecter l'économie du politique. 
Si l'on définit la mondialisation libérale comme un processus de transfert du pouvoir des Etats vers les multinationales, via des instances indépendantes ou largement autonomisées du contrôle démocratique, on peu constater que c'est le pouvoir politique qui s'est lui-même délesté de ses responsabilités. C'est le cas avec l'OMC.

II - Une idéologie dangereuse :

L'OMC est largement dominée par l'idéologie du libre échange généralisé et par un mélange subtil d'influence politique et de juridisme à l'anglo-saxonne faisant une large place au lobysme et à la technocratie. 

Si une ouverture maîtrisée des marchés, organisée dans un cadre régional relativement homogène socialement, stimule la croissance, l'abaissement généralisé des droits de douanes, négligeant les distorsions monétaires et sociales, constitue à l'inverse une source de désordre, de chômage dans les pays du Nord (délocalisations) et d'accroissement des inégalités Nord-Sud. 

force est de constater que face aux Etats-Unis et au Japon, l'Union européenne qui ne forme pas une nation, se trouve souvent en position d'infériorité
III - La Commission relais de la mondialisation libérale : 

Les Etats-Unis abordent les négociations de Seattle de manière moins offensive que l'on pourrait le penser. Certes, ils sont bien décidés à remettre en cause la politique agricole commune et trouveront des alliés au sein du groupe de CAIRNS. C'est l'Union européenne qui pousse à l'élargissement du champ des secteurs qui seront soumis à libéralisation. 
 Ainsi la commission a-t-elle recommandé d'inclure la protection des investissements dans le cycle de négociations de Seattle, ce qui revient à faire rentrer l'AMI par la fenêtre de l'OMC, alors même que la France était parvenue à l'expulser par la grande porte de l'OCDE ! 
 Si l'OMC est d'abord le lieu d'affrontements des grands blocs commerciaux du monde, force est de constater cependant que face aux Etats-Unis et au Japon, l'Union européenne qui ne forme pas une nation, se trouve souvent en position d'infériorité, la Commission qui négocie en lieu et place des Etats européens n'étant pas une instance adossée au suffrage universel au contraire des gouvernements japonais et américains. 

le comité des représentants permanents des Etats membres formé de fonctionnaires est parvenu à un accord à minima
Le dernier épisode en date est de ce point de vue très significatif. 
 Alors que l'Allemagne et la France étaient restées fermes lors de la récente réunion du Conseil "Affaires générales" du 11 octobre sur les normes sociales et l'exception culturelle, le comité des représentants permanents des Etats membres (COREPER) formé de fonctionnaires est parvenu à un accord à minima. Il n'est plus question d'un groupe de travail au sein même de l'OMC sur les normes sociales, tel que le réclamait à juste raison le gouvernement Allemand, sans doute aiguillonné par ses défaites électorales à répétition liées au tournant libéral de sa politique. On se contentera de la création d'un forum entre l'OMC et l'OIT. Mieux, la recommandation du COREPER, si l'on croit le texte disponible uniquement en anglais, insiste, je cite " sur la ferme opposition de l'UE à toute approche basée sur des sanctions " dans le domaine du respect des normes sociales. Il n'est plus question non plus de l'exception culturelle mais du respect de la diversité culturelle ce qui laisse la porte ouverte à des négociations. 
Le compromis élaboré par les fonctionnaires aurait dû être discuté pour ratification par les ministres compétents
Mais le plus éclairant n'est pas là. Le compromis élaboré par les fonctionnaires aurait dû être discuté pour ratification par les ministres compétents, lors du prochain conseil " affaires générales " du 15-16 novembre. 

Or une dépêche d'agence tombée lundi 25 octobre, nous indique que c'est le conseil des Ministres de la pêche qui devrait sans débat entériner l'accord mardi 26 octobre. 

 Dans ces conditions, je m'interroge sur l'opportunité d'élargir le champ des secteurs soumis à négociations alors même que ce n'est pas la France, mais la Commission qui va négocier, d'autant que M. Pascal Lamy, nouveau commissaire européen en charge du commerce a déclaré, je cite, lors de son audition d'investiture devant le Parlement européen : " la libéralisation est une bonne chose pour des raisons économiques et à la limite pour des raisons philosophiques, voire idéologiques. ". 

Trois propositions

placer l'OMC sous contrôle démocratique

agir au plus vite pour que la Chine et la Russie rejoignent l'OMC

promouvoir un développement du libre échange maîtrisé dans le cadre de zones régionales

IV - Reprendre en main les leviers de commande :
 

Le préalable à toute évolution vers une OMC moins asservie aux multinationales passe par une reconquête politique du terrain perdu par les Nations. C'est d'ailleurs cette quête de souveraineté populaire qui est au cœur des trois mouvements anti-mondialisation vécus en France depuis 1995 : défense du service public à la française, souveraineté alimentaire, défense des créations en langue française, intervention publique en matière culturelle ou lutte contre l'hégémonie américaine. 

La première proposition préalable à toutes les autres consisterait à placer l'OMC sous contrôle démocratique en redonnant la primauté aux élus sur les technocrates et aux Nations sur les multinationales. Les Parlements nationaux devraient disposer de moyens de contrôle et d'action permanents. 

La seconde proposition consisterait à agir au plus vite pour que la Chine et la Russie rejoignent l'OMC, afin que nous sortions du face à face USA-UE. 

La troisième serait de promouvoir un développement du libre échange maîtrisé dans le cadre de zones régionales auxquelles s'arrimeraient les pays en développement proches de chacun des 3 grands pôles industrialisés - USA - UE - Japon. 
Chacun des partenaires formerait alors l'un des piliers d'une organisation tripolaire, seule apte à assurer une co-responsabilité dans la gestion du monde de demain.

Evidemment, l'organisation d'un libre échange maîtrisé par zones régionales va à l'encontre de la stratégie mondiale des multinationales.

La quatrième proposition serait d'inclure les négociations commerciales dans un cadre plus large que la libre concurrence afin que d'autres préoccupations - droit du travail, variations monétaires, normes environnementales - soient réellement prises en compte
La quatrième proposition serait d'inclure les négociations commerciales dans un cadre plus large que la libre concurrence afin que d'autres préoccupations - droit du travail, variations monétaires, normes environnementales - soient réellement prises en compte ce qui revient à proposer d'une part, un moratoire sur toute nouvelle négociation permettant de faire le bilan économique et social des 5 premières années d'existence de l'OMC et d'autre part, la modification des statuts de l'organisation. 

 Monsieur le Premier Ministre, les négociations de Seattle seront un test de la capacité de la France à éviter la création d'une économie administrée par les multinationales. 

 Le gouvernement doit s'appuyer sur la prise de conscience citoyenne qui se fait jour dans l'opinion publique pour résister au besoin en disant non, afin que demain le peuple français ait encore envie de dire oui à la majorité plurielle. 

Ma dernière phrase, Monsieur le Premier Ministre, a pour objet de formuler une requête : si comme je le crains les négociations montrent que des pans entiers de notre économie et des millions de Français et d'autres encore en Europe sont menacés par les résultats annoncés de la discussion, nous vous demandons de proposer un moratoire pour permettre de faire le point, avant d'aller plus avant.