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Pour son premier déplacement à l'étranger depuis qu'il s'est porté candidat à la présidence de la république française en septembre dernier, Jean-Pierre Chevènement a choisi de se rendre dans les trois principaux pays du Maghreb : la Tunisie, l'Algérie et le Maroc. Une autre visite en Afrique est déjà programmée. Ce choix est loin d'être électoraliste. Il reflète une constante dans le projet politique du fondateur du Mouvement des Citoyens, né, faut-il le rappeler, en réaction contre l'embrigadement de la France dans la Tempête du désert, sous la bannière américaine. Grand ami et connaisseur du monde arabe, il avait très tôt mis en garde contre les terribles ondes de choc que ce conflit allait provoquer : l'intégrisme qui se nourrit de l'injustice, du déni de droit et de la politique de "deux poids deux mesures" dont sont victimes les peuples de cette région. Un intégrisme avec lequel les Etats-Unis s'accommodaient si bien, pensant à tort qu'ils pouvaient le manipuler à l'infini pour déstabiliser des régimes arabes récalcitrants afin d'y asseoir leur mainmise sur les réserves pétrolières de la région, et par ricochet, maintenir l'Europe, aujourd'hui dépourvue de toute politique étrangère planétaire, sous leur coupe. Les attentats du 11 septembre, commis par les anciens de l'International Djihad Entreprise en Afghanistan, nourris au sein même de l'Amérique, vont-ils enfin produire le sursaut tant attendu, en amenant Washington à revoir sa stratégie et à s'attaquer à la fois au terrorisme et aux causes du terrorisme ? Rien n'est moins sûr, si l'on observe comment l'administration Bush persiste et signe dans son aberrante politique moyen-orientale qui avait justement enfanté ce monstre nommé Ben Laden. |
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J-P. Chevènement n'a de cesse, depuis qu'il dirigeait le CERES, l'aile la plus progressiste au sein du Parti socialiste dans les années soixante-dix, de militer pour une refondation de la politique française en direction du monde arabe, une politique fondée sur le codéveloppement, la justice, la modernité, la laïcité et la démocratie. Une politique qui encouragerait l'intégration interarabe, condition préalable à l'instauration d'un véritable partenariat avec l'Europe sur un pied d'égalité. Ce n'était pas l'approche, on s'en souvient, d'un Jacques Delors, l'ancien président de la Commission européenne, qui avait justement pour mission d'unifier le vieux continent, qui déclare, à la veille de la guerre du Golfe en 1990, que le monde arabe ferait mieux de ne plus courir derrière l'Union arabe, qui n'est rien d'autre qu'une utopie ! On est loin, très loin de la vision d'un J-P. Chevènement qui écrit cinq plus tard (1) : "Il faut redonner aux masses arabes l'espoir d'améliorer leur vie et d'accéder à la dignité. Le nationalisme arabe exprimait une double aspiration : à l'identité et à la modernité. Ces deux revendications sont légitimes. Il serait criminel de vouloir les séparer en isolant d'une masse vouée à l'obscurantisme, une petite élite occidentalisée et coupée de son peuple. Il faut satisfaire ensemble dans des formes à renouveler ces deux aspirations légitimes à la modernisation et à l'existence nationale". |
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C'est ce message inhabituel de la part d'un homme
politique français que le député-maire de Belfort est
venu réaffirmer à ses interlocuteurs en Algérie, en
Tunisie et au Maroc. Message reçu cinq sur cinq à la fois
au niveau officiel et populaire. En témoigne l'accueil très
chaleureux qui lui a été réservé et dont le
quotidien Libération de l'USFP résumait par cette manchette
: "Bienvenu le "Che", notre ami". Le tapis rouge a été
déroulé devant cet ami du Maghreb, une attention jamais accordée
à une personnalité non officielle. Il sera partout reçu
par les plus hautes autorités du pays. Par le président Bouteflika
et le chef du gouvernement Benflis, à Alger, par le président
Ben Ali à Carthage, par le roi Mohammed VI et le Premier ministre
Youssoufi, à Rabat avec des égards réservés
aux hôtes de marque.
Au cours de l'audience accordée à Jean-Pierre Chevènement,
le chef du gouvernement algérien, M.Ali Benflis, a salué
"les positions de principe qui ont caractérisé le parcours
politique de M. Chevènement et son attachement au renforcement
des relations bilatérales algéro-françaises et à
l'avènement d'un ordre international bâti sur plus de justice
et d'équité". |
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Parallèlement aux activités officielles et
protocolaires, le "Che" a tenu à rencontrer les élites
du pays pour débattre avec elles de l'après-11 septembre.
Au cours d'une conférence-débat animée à l'Ecole
nationale d'administration (ENA), en présence d'un aréopage
d'intellectuels, de parlementaires et d'hommes politiques, il fera remarquer
que "les événements du 11 septembre ont mis fin à
cette illusion que le monde occidental et les Etats-Unis en particulier
sont invulnérables (
). Ils ont mis fin à cette illusion
qu'il ne suffit pas de prêcher les droits de l'homme pour aboutir
à une normalisation universelle". |
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"La France, ajoute-t-il, tente d'avoir un langage de
sagesse et elle doit faire prévaloir un débat dans les trois
mois à venir sur ces sujets". Se référant aux
dernières déclarations américaines sur l'après-taliban,
il a exprimé ses inquiétudes sur une possible extension
de la guerre contre d'autres pays tel que l'Irak, qui est sous embargo
depuis plus de onze ans. "J'ai visité l'université
de Bagdad et je n'ai pas trouvé une seule publication après
1990. Les frappes contre l'Irak ne feront qu'apporter de l'eau au moulin
des intégristes". Concernant l'amitié franco-algérienne
le président du MDC reconnaît que pour lui, l'Algérie
est "un coup de cur". |
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Sur la question très frustrante des visas, dont le
nombre était tombé de 500. 000 en 1992 à 50.000 seulement
en 1997, il y a eu, souligne l'ancien ministre de l'Intérieur,
une amélioration progressive depuis sa nomination au gouvernement
Jospin. "De 50.000 visas en 1997, on est passé à 150.000
puis à 300.000 en 2001. Cela va encore se développer, promet
Chevènement, avec l'ouverture du consulat de France à Annaba
et à Oran". |
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Le drame que vit le peuple palestinien, tout comme
le blocus barbare imposé depuis bientôt douze ans à
l'Irak, ont été aussi abordés avec franchise. Sur ces
deux sujets, le fondateur du MDC ne mâche pas ses mots : il faut lever
immédiatement l'embargo et reconnaître aux Palestiniens d'avoir
enfin un véritable Etat indépendant. Car, dit-il à
l'adresse du gouvernement israélien, "on ne peut traiter les
problèmes par les missiles et les bombes". Tout au long de ce périple, tant à Alger qu'à Tunis ou à Rabat, c'est ce message de dialogue, d'espoir et de foi en l'avenir des relations franco-maghrébines que J.-P. Chevènement est parvenu à établir avec ses interlocuteurs. |
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Un homme de conviction |