La résistible
ascension des centrales à charbon et à gaz
Alors que l’Union Européenne se fixe l’objectif de
diminuer les émissions de CO2 de 20% en 2030, on apprend (voir, par exemple,
le New York Times du 23.04.08) que l’on envisage de construire, en Europe,
une cinquantaine de centrales au charbon dans les cinq ans à venir. Ces
centrales ne seront pas équipées de systèmes opérationnels de
captage-stockage de CO2. Chacune de ces centrales rejettera chaque année
plusieurs millions de tonnes de CO2 supplémentaires.
A titre d’exemple, face à l’envol des prix du pétrole, le
principal producteur d’électricité italien ENEL (« Ente Nazionale per l'Energia
Elettrica », l’analogue de l’EDF italien) convertit ses centrales au fioul
en centrales à charbon. La part de la puissance électrique générée par ENEL
grâce au charbon devrait atteindre 50% dans quelques années.
Pour la même raison, les Etats ainsi que les sociétés
productrices d’électricité n’hésitent pas à revenir au charbon. Son prix,
même s’il a triplé ces dernières années, reste relativement bon marché face
au pétrole ou au gaz, ses réserves sont plus abondantes et mieux réparties
dans les sous-sols du globe. Enfin, des installations vieillissantes comme
en Italie et en Allemagne couplées à une interdiction de construire des
centrales nucléaires expliquent le choix du charbon qui est pourtant la pire
des solutions en ce qui concerne les émissions de CO2 (deux fois plus de CO2
par unité d’électricité que le gaz naturel, et cent fois plus que le
nucléaire).
Un des climatologues les plus éminents au monde, James
E.Hansen du Goddard Institute for Space Studies de la NASA dénonce cette
ruée vers le charbon et réclame «un moratoire sur le charbon, avec un plan
de programmation d’arrêt des centrales existantes sur les vingt ans à
venir. » Un tel moratoire est, à tout le moins, indispensable tant que ne
sont pas maîtrisées et mises en œuvre les techniques de captage et stockage
du CO2.
Il existe une douzaine de projets expérimentaux de
capture du CO2 en Europe et aux Etats-Unis, l’Union Européenne reconnaissant
elle-même que ce n’est pas suffisant. De plus, fin janvier, l’administration
Bush a stoppé ce qui était de loin le plus grand projet d’expérimentation de
capture sur le site d’une centrale à charbon de l’Illinois, à cause
d’importants dépassements de budget. Certains ont comparé le chemin à
parcourir de l’étape du laboratoire à une technologie de capture du carbone
fiable, économique et sûre à l’envoi de l’homme sur la Lune: chaque année,
il faudra capturer et stocker, dans des conditions sûres, plusieurs
milliards de tonnes de CO2.
Même en imaginant que la capture du carbone soit un jour
possible, les centrales qui pourraient y être adaptées coûtent 10 à 20% plus
cher et seules une poignée d’entre elles existent aujourd’hui. On estime
qu’en France, la capture-séquestration du CO2 doublerait le coût de
l’électricité.
Reste ensuite la question du stockage du CO2.
Les sites potentiels n’ont pas encore fait l’objet d’études par les
géologues suffisamment poussées pour s’assurer qu’ils seraient sûrs pour le
stockage et étanches dans le temps.
En France la décision de ne pas augmenter le parc
nucléaire se traduit par la perspective de réalisation, d’ici 2015, de
centrales thermiques à flamme, pour une puissance quatre fois supérieure à
celle d’un EPR. Le scénario de référence de la DGEMP prévoit une
augmentation encore plus importante (essentiellement, il est vrai, de
centrales à gaz) de la puissance thermique équivalente à 10 EPR d’ici 2020
et à 16 EPR d’ici 2030. En 2030 l’augmentation de la consommation de gaz
pour la production d’électricité atteindrait 15 Mtep, c’est à dire les trois
quarts de l’augmentation de la contribution des énergies renouvelables à la
consommation finale d’énergie proposée dans le projet de loi « Grenelle ».
En d'autres termes les autres secteurs (transports, production de chaleur)
devront réduire leurs émissions de CO2 de 95 millions de tonnes plutôt que
de 70 millions de tonnes. Ajoutons que l’évolution du prix du gaz,
parallèle à celle du pétrole, crée un risque économique majeur.
Nous osons espérer que les propositions issues du
Grenelle de l’environnement ne feront pas l’impasse sur la question de la
production d’électricité d’origine fossile. Mais nous constatons avec regret
que les ONG qui ont été admises au Grenelle passent beaucoup plus de temps
et d’énergie à dénoncer la construction d’un EPR que celle des centrales
thermiques ; une fois de plus elles se trompent de combat.
Le collectif "Sauvons le climat " fondé en mai 2004,
association loi 1901 depuis Décembre 2005, a pour ambition d’informer nos
concitoyens, de manière indépendante de tout groupe de pression ou parti
politique, sur les problèmes relatifs au réchauffement climatique et sur les
solutions proposées pour le ralentir. Il est doté d’un comité scientifique,
présidé par Michel Petit, ancien responsable du groupe français d’experts au
GIEC. Son manifeste a été signé par plusieurs milliers de personnes.
La signature du manifeste et les adhésions sont possibles sur le site "http://www.sauvonsleclimat.org
".