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L'intérêt général démagnétisé, par Régis Debray

LE MONDE | 07.02.08

 

La photo de groupe du conseil municipal ? "J'ai mis deux ans, me répond le maire de Puy-Guillaume, en Auvergne, 2 700 habitants, avant de pouvoir réunir mes vingt-trois conseillers sur les marches de la mairie. Les agendas ne collaient jamais. Il y en avait toujours un avec un empêchement. Une belle-mère malade, des vacances au comité d'entreprise de la verrerie, une partie de pêche, le match de foot. Au club de sport de la commune, on ne trouve plus guère de bénévoles. Et quand l'instit annonce une grève, la réaction des parents n'est plus : "Zut, une journée d'école de perdue pour le petit", mais : "Qu'est-ce que je vais bien pouvoir en faire demain ?"" Le républicain à l'ancienne ne s'y reconnaît plus. Où est passé l'intérêt général ? Le long terme ? Le privé et l'immédiat ont tout avalé.
 

Ce "perso" d'abord, quel boute-en-train ne le déplore ? Casse-tête tous azimuts : trouver la bonne date. Amicale sportive, assemblée diocésaine, loge franc-maçonne, comité de rédaction, cellule ou section de parti, bureau de l'association : pas de chance, on est toujours pris ce jour-là. Certes, un vrai Parisien ne "zappe" pas un plateau télé, ni une réunion de copropriétaires, ni un dîner du Siècle. On a tous l'instinct de notre intérêt. Fric et frime nous assignent et mobilisent.

Mais dès qu'il ne s'agit plus de se faire voir, de gagner des sous ou de monter un coup, l'être-ensemble gratuit ou désintéressé semble avoir perdu le pouvoir de réquisition qui était le sien pour le meilleur et pour le pire, du temps où le devenir collectif polarisait nos petites vies individuelles. Et régulait d'autorité nos agendas, jours fériés compris. Dans une société qui se rêve conviviale et prend un échange d'informations pour un échange d'idées, le Net connecte tout en émiettant. Et le travail d'intérêt collectif est devenu une punition pénale. Malgré la loi de 1901 et la prospérité du monde associatif, la cause commune se démagnétise. Qui invite des amis à dîner doit désormais leur annoncer, pour contourner la belle-mère souffrante, que Madonna passera prendre le café (se plaindre au dessert que les avions ont toujours du retard).

Si le rassemblement se porte mal, pour cause d'assiduité et d'obligation, assimilé qu'il est à un enrégimentement, l'attroupement, lui, fait florès. Autour du dernier produit, des deux sexes, de la sélection télévisuelle, du plus glamour ou du plus inapte. Le mouvement de curiosité, c'est bref et sans lendemain. Indolore. L'électeur meurt en badaud, et le militant en fan.

A rapprocher d'un autre phénomène de contre-société : la nécessité où nous sommes désormais d'appeler, la veille d'un rendez-vous pris un mois un plus tôt, pour savoir "si ça tient toujours". Chacun vérifie par là que l'autre n'a pas trouvé mieux à faire entre-temps. Plus juteux ou plus marrant. Fin du "j'engageais mon honneur, engageant ma parole". Puisque l'instant commande, à la carte, les options restent ouvertes jusqu'à la dernière minute. S'engager a un double sens, et ce n'est pas un hasard : se mettre au service d'une cause et bloquer son agenda. Quand, maintenant, tout est maintenant, le nous n'a plus d'autorité sur le moi. C'est chacun pour soi, comme dans un naufrage. Enrichissez-vous dans votre coin et priez le bon Dieu de temps à autre. De cette effervescence concurrentielle découlera le Bien Commun. Postulat désormais commun à la gauche comme à la droite. Plus qu'un opportunisme, c'est une saison de l'âme.

L'utilité commune, l'avantage de tous, la volonté générale, la nation : ces mots étaient à l'honneur dans la Déclaration de 1789. Elle reconnaît des droits aux "membres de la société", aux hommes définis comme citoyens de par leur appartenance à un corps politique. Dans le préambule de la Charte européenne des droits fondamentaux, en revanche, la personne est le centre du monde, et la société a disparu comme sujet. Ce qu'elle est en maints articles de notre texte-phare. La pente est au nombril, en vidéosphère. Le petit écran est bonapartiste : pas de place pour une assemblée ni un plan d'ensemble. Le 4/3 écran plat incitera-t-il à plus d'abnégation ? Contrairement aux personnes physiques, les personnes morales (telle la République une et indivisible - ou pis encore, le peuple, la France, la classe ouvrière, etc.) garderont le défaut d'être invisibles au petit écran et de ne pas donner d'interviews à la radio. Pas vu, pas de vie. A quoi un spectre peut bien nous obliger ? Certains pensent, avec Adam Smith, que l'égoïsme de chacun apporte à tous la richesse économique. Les mêmes devraient constater que l'individualisme dit démocratique peut, passé un certain point, pulvériser la démocratie, barricader nos cités et ruiner jusqu'à la civilité.

Raison de plus pour faire l'honneur modeste d'un bulletin de vote à nos futurs édiles. Pas d'abstention. Des gens assez fous pour briguer un poste où il leur faudra se dévouer à des affaires qui ne sont pas directement les leurs, et qui tireront de ce renoncement à leur quant-à-soi plus d'ennuis que de gloire, et plus de plaintes en justice que de stock-options, méritent bien qu'on leur sacrifie dans l'isoloir un quart d'heure de nos sacro-saints loisirs. Pas plus ? Soit. Mais pas moins. Il en va dans ce devoir de générosité, pour nuisible qu'il soit au dimanche à la campagne, de notre intérêt perso. Deux dictatures menacent de tout temps le bonheur les citoyens : celle du tout sur la partie, et celle des parties sur le tout. A l'heure où le tout n'est plus rien, c'est bien le moins qu'on l'aide à redevenir quelque chose.


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Régis Debray est écrivain, directeur de la revue MédiuM.

 

 


 

Plus d'éoliennes, pas moins de CO2
LE MONDE | 14.02.08 | 14h36  •  Mis à jour le 14.02.08 | 14h36


Monsieur le maire est heureux : cinq éoliennes de 135 m de haut se dressent au-dessus de la plaine. Début février, la commune de Saint-André-Farivillers (Oise) a vu commencer à tourner les pales de son nouveau parc éolien, d'une puissance de 11,5 mégawatts (MW). Comme la compagnie exploitante, Enertrag France, versera chaque année à la commune une taxe professionnelle (environ 700 euros par MW et par point de taxe professionnelle), Claude Le Couteulx attend près de 40 000 euros de recettes supplémentaires.
 


"On a deux usines qui versent de l'ordre de 60 000 euros, précise-t-il. Cette nouvelle ressource est bienvenue. Je n'ai pas de terrain de football pour les jeunes. La signalisation, ça coûte la peau des fesses : on va faire un plan à l'entrée du village. Et puis, on va continuer à refaire les vitraux de notre église du XVe siècle. De plus, avec les éoliennes, il a fallu élargir les chemins communaux à quatre mètres, et il va falloir les entretenir." L'édile espère aussi aider les plus pauvres de ses 550 administrés à payer la rénovation de l'assainissement individuel de leur maison, obligatoire.
Le projet, porté avec enthousiasme par le maire, n'a suscité presqu'aucune critique dans le village. Le directeur d'Enertrag, Philippe Gouverneur, se félicite de ce bon accueil. Son entreprise attend du parc, qui nécessite un investissement de l'ordre de 16 millions d'euros, une rentabilité moyenne dépassant 10 % par an.
Le développement de l'éolien est incontestablement une bonne affaire pour les communes comme pour les entreprises qui s'y emploient. Bien que l'électricité produite par le vent soit actuellement parmi les plus coûteuses, sa rentabilité est assurée par une taxe prélevée sur les factures de tous les abonnés. L'objectif est précisément d'encourager la croissance de cette énergie renouvelable.
Mais ce qui est bon pour les communes et pour les entreprises l'est-il pour la collectivité ? Les éoliennes sont-elles un moyen efficace de lutter contre le changement climatique ? La réponse semblait évidemment oui. Jusqu'à la publication d'une étude réalisée par la Fédération environnement durable, rassemblant des associations opposées aux éoliennes, qui jette un pavé dans la mare (voir
http://environnementdurable.net).
L'auteur de l'étude, Marc Lefranc, vice-président de la fédération, a comparé l'évolution des émissions de CO2 (gaz carbonique), le principal gaz à effet de serre, des pays qui ont le plus développé en Europe les éoliennes. Logiquement, puisque les éoliennes n'émettent pas de CO2, ces pays devraient présenter un bilan particulièrement favorable.
Mais les chiffres de l'office statistique européen Eurostat montrent que l'Allemagne, malgré un parc éolien de plus de 18 000 MW, a vu les émissions de CO2 par habitant provenant du secteur de l'énergie non pas décroître mais augmenter de 1,2 %, entre 2000 et 2005. L'Espagne, avec plus de 10 000 MW, a connu une augmentation de 10,4 % sur la même période. Le Danemark, champion mondial des éoliennes compte tenu de sa faible population, connaît une baisse de 11 %. Mais, en fait, observe M. Lefranc, le doublement des importations d'électricité du Danemark explique en grande partie ce bon résultat. Au total, résume le document, le développement de l'éolien présent un bilan "très décevant du point de vue économique et environnemental".
Certes, il faut tenir compte des circonstances. Ainsi, l'Espagne a-t-elle connu un développement économique très important, qui a fait exploser la consommation d'électricité. L'Allemagne a intégré sa partie orientale, dont la consommation électrique a fortement augmenté pour rejoindre le niveau de la partie occidentale. Et l'on peut se demander si, sans éoliennes, leurs émissions n'auraient pas été encore plus élevées.
Mais l'étude pose une question étonnamment négligée par les institutions énergétiques : dans quelle mesure l'éolien peut-il réduire les émissions de CO2 ? L'Agence internationale de l'énergie est muette sur le sujet ; l'Agence de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ne fournit pas de réponse. Une analyse a été menée indirectement, en France, par Réseau de transport d'électricité (RTE), sur le problème de l'intermittence de la fourniture d'électricité par les éoliennes. Celle-ci peut contraindre à recourir à des centrales thermiques quand des pointes de consommation, en hiver, se conjuguent à une absence de vent. En fait, observe RTE dans son Bilan prévisionnel 2007, les "excursions de puissance à satisfaire par les équipements thermiques" sont accrues "de manière de plus en plus conséquente quand le parc éolien s'étoffe".
Les experts favorables à l'éolien ont du mal à répondre à la question posée par l'étude de la Fédération environnement durable. "Si la consommation augmente quand la population augmente, cela absorbe le petit gain permis par l'éolien", observe Pierre Radanne, expert indépendant. "Il est sûr que, si l'on ne fait pas d'effort d'économies d'énergie, l'éolien ne sert à rien", dit Raphaël Claustre, directeur du Centre de liaison des énergies renouvelables.


"RÉDUIRE LES CONSOMMATIONS"
En fait, l'éolien n'a de sens que dans le cadre d'une politique globale de l'énergie visant à maîtriser la consommation d'électricité : "La première chose à faire est de réduire les consommations, note Jean-Louis Bal, chargé des énergies renouvelables à l'Ademe, mais personne ne le fait."
Le raisonnement est confirmé par Jean-Marc Jancovici, ingénieur et membre du comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot : "Ce qu'on voit en Allemagne et en Espagne, c'est que plus d'énergies renouvelables ne signifie pas forcément moins de combustibles fossiles. En fait, les promoteurs de l'éolien font comme les promoteurs du nucléaire : ils favorisent une politique de l'offre, alors que c'est une politique de la demande qui est nécessaire. Mieux vaut inciter la société à accepter une hausse du prix de l'électricité qui la poussera à réduire sa consommation, que de développer l'éolien."
Alors que l'on prévoit 7 000 MW d'énergie d'origine éolienne en France en 2012, le parc de centrales thermiques à gaz devrait aussi augmenter de près de 10 000 MW. Un exemple de ce paradoxe se trouve près de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor), où Gaz de France projette une centrale à gaz de 232 MW tandis que Poweo prépare un parc éolien en mer de puissance comparable. Une expertise réalisée à la demande d'élus a montré qu'il y aurait du coup plus d'énergie que le département n'en a besoin.
"Les éoliennes me font penser aux agrocarburants de première génération, explique Marc Lefranc. Au début, on pensait que c'était bien, et puis quand on a fait le bilan environnemental, on s'est aperçu que c'était très discutable. Par rapport au changement climatique, la première chose à faire est de mettre en place les techniques d'économies d'énergie. Et ensuite, de hiérarchiser les énergies renouvelables pour investir à bon escient."

Hervé Kempf
Article paru dans l'édition du 15.02.08

 

 


 

Collectif "Sauvons le Climat"
Site: " http://www.sauvonsleclimat.org "
Mel: " contact@sauvonsleclimat.org "
Président : Hervé Nifenecker
 

Emissions de CO2 :
L’Europe récompense les mauvais élèves
 
Le nouveau paquet « énergie et climat » de la commission européenne a été largement commenté. Nous avons nous-mêmes regretté que la commission propose de courir trois lièvres à la fois et ne se concentre pas sur l’objectif unique de diminution des émissions de Gaz à Effet de Serre. Nous avions souhaité que la CE fixe à chaque pays un objectif de réduction et le laisse « se débrouiller » pour l’atteindre (voir notre Communiqué du 27-01-2008) .
Une lecture attentive des textes proposés au vote du Parlement Européen montre qu'ils enlèvent aux états leur possibilité d’intervention sur la politique d’émission de Gaz à Effet de serre dans les secteurs les plus importants : production d’électricité, métallurgie, papier-carton, l’industrie minérale en attendant la production d’aluminium et la pétrochimie.
Ces industries sont ou seront soumises au Système Communautaires d’Echange de Quotas d’Emission de Gaz à Effet de Serre (SCEQE). Jusqu’en 2013 les états établissent des Plans d’Allocation des Quotas échangeables (PNAQ) qu’ils distribuent gratuitement aux entreprises et installations. Celles-ci doivent payer des amendes si elles ne respectent pas leurs quotas.
A partir de 2013 les quotas devraient être vendus aux enchères aux entreprises et installations, le montant total des droits à émettre étant fixé par la Commission et devant diminuer progressivement de 21% à l’horizon 2020. A ce niveau les états n’interviendront donc plus.
Par contre ils seront chargés de percevoir les revenus de la vente des quotas. Ils devront utiliser 20% de ces droits pour diverses actions liées au réchauffement climatique et au développement des énergies renouvelables. Pour le reste il semble qu’ils soient libres de les utiliser à leur gré tout en informant la CE de leurs destinations.
Les nouvelles règles de fonctionnement du SCEQE sont un véritable bouleversement. Si le principe d’une vente aux enchères des permis d’émission constitue un progrès, sa mise en œuvre comporte un motif d’indignation et quelques motifs d’inquiétude :
Un motif d’indignation
Les revenus de la vente des quotas d’émission seront considérables. Par exemple, le secteur électrique allemand émet environ 350 millions de tonnes de CO2. En admettant un prix modeste de la tonne de CO2 de 10 Euros le gouvernement allemand bénéficiera d’une rente de 3,5 milliards au frais des consommateurs d’électricité, soit environ 10% du montant de leur facture, alors que le gouvernement français devra se contenter de 420  millions pour des émissions de 42 millions de tonnes. Au fur et à mesure que le montant des quotas diminuera leur prix augmentera si bien que les revenus de leur vente croîtront.
Les bonnes performances environnementales du système électrique français sont le résultat de décisions politiques courageuses face à la propagande des mouvements antinucléaires. Est-il admissible qu’elles soient ainsi l’objet d’une sanction financière de fait ?
Le même raisonnement, mutatis mutandis, peut, évidemment, être tenu dans une comparaison entre le Danemark et la Suède.
Si le principe d’une vente aux enchères des quotas présente de l’intérêt, les revenus de cette vente devraient revenir à l’union européenne et non aux états les plus polluants et de toutes façons devraient être entièrement consacrés au financement de la réduction des émissions de GES.
Des motifs d’inquiétude
La nouvelle réglementation ôtera aux états une de leur dernières responsabilités concernant le secteur électrique. Certes, les achats de quotas constitueront un avantage pour les opérateurs d’installations non émettrices de CO2, comme EDF. Que feront ces opérateurs de leur « rente nucléaire » ? En feront ils profiter leurs clients, leurs actionnaires ? Se lanceront-ils dans des opérations de croissance externe ou en profiteront-ils pour développer leur investissements ?
L’électricité se stockant difficilement (essentiellement indirectement, grâce aux barrages) il faut assurer sur le long terme l’équilibre entre consommation et production. Pour cela, il faut que les moyens de production soient susceptibles de faire face à la demande maximale envisageable. L’expérience de la Californie et de l’Italie a montré que les mécanismes de marché seuls sont incapables d’assurer cette condition. Compte tenu des délais nécessaires à la construction des gros moyens de production faiblement émetteurs de CO2 (centrales à flamme équipées de systèmes de captage-stockage ou centrales nucléaires) une planification à long terme des investissements est nécessaire. Elle est encore assurée par l’état français avec la Programmation Pluriannuelle des Investissements. Au cas où un insuffisance d’investissements amènerait à une situation de crise l’état français serait encore considéré comme responsable. Pour combien de temps ? La tendance est de transférer ces responsabilités sur la Commission Européenne dans le cadre d’un grand marché de l’électricité. L’Europe aura-t-elle la volonté d’en assurer une évolution harmonieuse sur le long terme ? Et si elle avait cette volonté, aurait elle les moyens de la mettre en œuvre ? Les états conservent et conserveront sans doute pour longtemps le contrôle des autorisations de construction des centrales. Même si les responsables européens ont reconnu la nécessité de recourir au nucléaire, ils n’ont pas les moyens de l’imposer aux états qui n’en veulent pas. On va donc vers une situation où la responsabilité de la politique énergétique sera ôtée aux états qui garderaient toutefois les moyens de l’exercer pour être transférée à l’Union Européenne qui, au contraire, ne disposera pas de l’autorité pour y faire face. N’y aura-t-il plus de pilote dans l’avion ? Peut-on accepter que ce qui reste de pilotage soit le monopole d’organismes techniques politiquement irresponsables comme les commissions de régulation ? En tout cas, il nous semble que les responsabilités doivent se situer au niveau politique et que des transferts de souverainetés des états membres vers l’Union Européenne doivent être accompagnés des moyens de l’exercer.


Le collectif "Sauvons le climat " fondé en mai 2004, association loi 1901 depuis Décembre 2005, a pour ambition d’informer nos concitoyens, de manière indépendante de tout groupe de pression ou parti politique, sur les problèmes relatifs au réchauffement climatique et sur les solutions proposées pour le ralentir. Il est doté d’un comité scientifique, présidé par Michel Petit, ancien responsable du groupe français d’experts au GIEC. Son manifeste a  été signé par plusieurs milliers de personnes.
La signature du manifeste et les adhésions sont possibles sur le site "http://www.sauvonsleclimat.org ".


 

La révolte d'un juge financier
Propos recueillis par Jérôme Bouin (lefigaro.fr)
15/02/2008


INTERVIEW - Après dix années au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, la juge d'instruction Dominique de Talancé a choisi de s'en aller. Elle déplore l'obstruction du parquet et à travers lui l'abdication du pouvoir face aux délits financiers.
Elle a passé vingt années comme juge d'instruction, dont dix au prestigieux pôle financier du tribunal de grande instance de Paris. Dominique de Talancé a quitté le 23 janvier dernier les bureaux du boulevard des Italiens à Paris pour rejoindre la cour d'appel de Versailles. Elle en a profité pour pousser un «coup de gueule», le 13 février sur l'antenne de RTL, contre l'action du parquet de Paris. Une action qui contribuerait, selon elle, à réduire le champ d'investigation du pôle financier. Pour lefigaro.fr, elle a accepté de revenir sur cette prise de position très virulente.

 

lefigaro.fr. - Pourquoi avoir choisi de prendre la prendre la parole aujourd'hui ?

Dominique de Talancé. - Parce que je pense que cela intéresse les gens de savoir ce qui se passe au sein du pôle financier, très médiatisé. Et puis parce que ce pôle financier est aujourd'hui, selon moi, vidé de sa substance.

Le parquet, directement lié à l'exécutif, est juge de l'opportunité de poursuites. C'est lui qui décide si telle ou telle affaire mérite d'être poursuivie. S'il décide qu'on ne la poursuit pas ou qu'on va différer cette poursuite, le pôle financier ne travaille pas. Les juges d'instruction ne pouvant pas s'autosaisir. Résultat : nous sommes dépendants de l'idée qu'a le pouvoir politique en place de ce qu'il doit réprimer ou pas. Et aujourd'hui, le parquet de Paris fait en sorte que les affaires financières complexes ne soient plus instruites par les juges du pôle financier. J'ai donc choisi de partir pour ne pas servir d'alibi.

 

Derrière ces propos il y a en creux une accusation du pouvoir politique. Quel message souhaitez-vous faire passer à la classe politique ?

Je n'ai rien envie de leur dire, il faut que les choses soient bien scindées : il y a le pouvoir politique d'un côté et le pouvoir judiciaire de l'autre. Simplement le pouvoir judiciaire, malheureusement, est totalement dépendant de la politique qu'entend mener l'exécutif. Nous sommes parfaitement empêchés de travailler. Les juges financiers sont renvoyés au chômage technique.

 

Jean-Claude Marin, le procureur de Paris, vous a répondu, évoquant une politique «déterminée et sans failles» à l'égard de la délinquance financière. Il a aussi cité plusieurs cas de poursuites engagées actuellement par le parquet dans des affaires financières.

Oui mais quand on enlève la Société générale et l'UIMM, il ne reste plus que des affaires assez anciennes. Il n'y a aucune nouvelle affaire. Aujourd'hui, le pôle financier ne se penche plus que sur des petites affaires. Il est totalement bloqué par le parquet. D'autre part, le discours de rentrée qu'a tenu Jean-Claude Marin devant les magistrats aurait plutôt tendance à prouver l'inverse de ce qu'il m'a répondu. Il a très brièvement évoqué les délits financiers, et encore c'était pour évoquer les pouvoirs d'investigation du parquet au détriment des juges.

 

Qui peut changer les choses puisque vous ne semblez pas croire en l'action des politiques ?

J'espère que la France sera sensible aux injonctions des diverses institutions internationales parmi lesquelles le conseil de l'Europe. Et puis je crois surtout que le public va se rendre compte que finalement ces grands scandales financiers lui sont préjudiciables et va se mobiliser. Le scandale du Crédit Lyonnais par exemple, c'est une somme d'argent prélevée à chaque Français. Je ne pense pas que le pouvoir politique, qui raisonne à court terme, ait l'intention de faire changer les choses.