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LE MONDE |
13.10.05 | 14h03 • Mis à jour le 13.10.05 |
14h03
Que le ministre
britannique des affaires étrangères, Jack Straw, triomphe est légitime.
L'ouverture des négociations d'adhésion avec
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Ils sont venus, ils sont tous là ! Les forces politiques de gauche - quatre d’entre elles (PC, PS, Verts, LCR), avaient signé un appel commun à manifester - étaient largement présentes dans le cortège parisien entre République et Bastille. Plusieurs d’entre elles avaient organisé le long du défilé des points de rendez-vous animés par des groupes de militants qui distribuaient leurs tracts. Tandis que le député socialiste des Landes Henri Emmanuelli avait décidé de prendre place dans le défilé, Jean-Luc Mélenchon et ses amis de Pour une république sociale s’étaient positionnés face au Cirque d’Hiver. Non loin de là, les militants de l’Appel du 29 mai (ex-Appel des 200) distribuaient leurs invitations au meeting contre le retour de la circulaire Bolkestein, pour le 10 octobre à la Mutualité. Au-delà, la banderole de Lutte ouvrière réclamait « une contre-offensive du monde du travail ».
Un peu plus loin sur le parcours, ce sont les diffuseurs de Rouge, le journal de la LCR qui haranguaient les manifestants. Sous son ballon, le MRC de Jean-Pierre Chevènement appelait à « refonder la gauche ». Dénonçant « une politique de droite, libérale et conservatrice », les députés des Verts, Noël Mamère, Yves Contassot et Martine Billard avec leur secrétaire national Yan Wehrling s’étaient installés place de la Bastille. C’est là aussi qu’était, un peu plus loin, le point de ralliement des militants communistes. Un tract saluant « la dynamique populaire pour résister et construire » en main, ils accueillaient les manifestants en compagnie de Marie-George Buffet et des députés communistes ceints de leurs écharpes.
Ceux-ci avaient en effet décidé de « sécher » l’ouverture de la session parlementaire pour participer aux cortèges, laissant au président du groupe, Alain Bocquet, le soin d’interpeller le gouvernement avant de rejoindre à son tour le défilé. Pour Claude, directeur d’école qui porte un badge de la FSU, « c’est la moindre des choses que la gauche soit présente. C’est intéressant ce qui se passe, cette union nouvelle qui se construit. Espérons que ce sera vraiment à gauche ». Clotilde, salariée de la fonction publique territoriale, non syndiquée estime « qu’il est normal que la gauche soit avec les syndicats. Mais, ajoute la jeune femme, le message des manifestants, c’est à la droite qu’il s’adresse. »
Olivier Mayer
Bruxelles recommande la
baisse des salaires pour contrer la panne de croissance
La croissance en zone
euro pourrait n'atteindre que 1,2 % en 2005, selon la Commission. Une baisse de
4 % des salaires générerait 1 % de croissance dans la zone
euro.
Un nouveau pessimisme souffle sur
les prévisions de croissance pour la zone euro. Selon le rapport trimestriel de
la Commission européenne, publié hier, la croissance économique de la zone
pourrait n'atteindre que 1,2 % en 2005, si elle reste sur son rythme actuel.
Jusqu'à présent, la Commission soutenait que la croissance s'élèverait à 1,6 %.
Cette nouvelle projection se rapproche des prévisions des autres institutions
internationales et des analystes financiers : le Fonds monétaire international
(FMI) prévoit une croissance de 1,2 %, la Banque centrale européenne (BCE) et
l'OCDE de 1,3 %. Bruxelles a également revu à la baisse la croissance du premier
trimestre, à 0,4 %, contre 0,5 % précédemment
La Commission estime que le maintien
de prix élevés du pétrole fait peser un risque important sur la croissance de la
zone euro. Selon le rapport, le maintien d'un prix supérieur à 60 dollars
entraînerait "une perte de croissance de 0,4 point de PIB la première année et
de 0,2 point la deuxième année". La Commission a profité de l'annonce de ces
mauvais chiffres pour réaffirmer l'importance des réformes à conduire. Bruxelles
estime notamment que les salaires devraient être revus à la baisse (à hauteur de
3,7 %), afin de gagner 1 % de croissance dans la zone euro.
Un
objectif.
La Commission prend néanmoins garde
d'expliquer que le "choc salarial" initial serait rattrapé en quelques années,
grâce aux augmentations autorisées par la croissance retrouvée. Il n'est pas
certain, pour autant, qu'une telle politique soit très populaire dans la France
post-référendaire ou dans l'Allemagne post-électorale. Le directeur général en
charge des affaires économiques, Klaus Regling, souligne pourtant qu'il ne
s'agit pas, pour lui, d'une simple hypothèse de travail, mais bel et bien d'un
"objectif" que doit se fixer l'Union européenne, ou à tout le moins la zone
euro.
La Commission a en outre souligné
hier que la flambée des prix de l'énergie entraînerait une augmentation de
l'inflation : celle-ci a accéléré à 2,5 % sur un an en septembre dans la zone
euro, après 2,2 % en août, nourrie principalement par la flambée des prix du
pétrole. Elle s'élève ainsi nettement au-dessus de l'objectif de 2 % de la BCE.
Pourtant, la BCE a choisi de laisser son taux directeur inchangé à 2 %, à
l'issue de sa réunion mensuelle de politique monétaire, tenue également hier. Le
taux de la BCE n'a pas été modifié depuis juin 2003, malgré le regain de
tensions sur le front de l'inflation. Le président de l'institution, Jean-Claude
Trichet, a lui-même mis en garde contre la multiplication de risques
inflationnistes liés notamment au pétrole cher, qui exige une "grande
vigilance".
À noter enfin que le commissaire
européen aux Affaires économiques, Joaquin Almunia, a de son côté fustigé le
recours de certains États européens (en particulier la Grèce) aux services de
banques d'affaires pour habiller leurs comptes et dissimuler l'ampleur réelle de
leur déficit public, comme le rapportait hier le Financial
Times.
La Tribune - Grégoire Pinson,
à Bruxelles et Céline About
par Raoul Marc JENNAR URFIG
Contrairement à ce que laisse entendre un message démobilisateur évoquant des «questions de procédure», ce qui s’est passé le mardi 4 octobre au Parlement européen, en commission du marché intérieur, est d’une importance politique certaine.
La commission devait procéder à des votes. Le premier devait porter sur le rejet de la proposition Bolkestein. S’il n’obtenait pas de majorité, les votes auraient alors porté sur les amendements au texte.
Dans cette perspective, des amendements de compromis avaient été élaborés entre représentants de tous les groupes politiques. Ils atténuaient fortement le champ d’application de la directive (en excluant, notamment, les services publics et les services éducatifs, culturels, environnementaux et de santé) et remplaçaient le principe du pays d’origine (PPO) par un dispositif, certes insatisfaisant à mes yeux, mais moins nocif que le PPO.
Alors que ces amendements prenaient en compte certaines propositions de parlementaires de droite qui s’étaient exprimé dans ce sens, les partis de droite ont décidé de faire taire ces velléités de modifier substantiellement la proposition Bolkestein et ils ont tenté un coup de force. Ils ont déposé la veille de la réunion des amendements au nom des groupes parlementaires du PPE (dans lequel se trouve l’UMP), des Libéraux (dans lequel se trouve l’UDF) et de l’UEN (dans lequel se trouvent des élus d’extrême-droite de différents pays). Ces amendements, tout en faisant croire à des modifications de fond, visent à protéger le principe du pays d’origine et à empêcher toute limitation du champ d’application de ce principe.
Ils ont été déposés alors qu’ils n’avaient pu être examinés. Très logiquement, le président de la commission du marché intérieur, avec le soutien des élus de gauche, a constaté que cette initiative remettait en cause les compromis intervenus et qu’il était impossible de procéder aux votes prévus. Ceux-ci sont reportés au 22 novembre (et non le 21 comme annoncé par certains).
Trois leçons à tirer de cet épisode :
1. la pression des citoyens sur les élus produit ses effets et la gauche manifeste sa vigilance ;
2. la droite jette le masque : elle renie ses propos sur la nécessité de « remettre à plat » la directive et n’hésite pas à s’allier avec l’extrême-droite pour présenter des amendements qui ne changent rien, mais font croire à un changement ;
3. conséquence heureuse de ce report : le texte sera adopté par le Parlement en janvier (en première lecture). Il sera ensuite soumis au Conseil des Ministres. Celui-ci ne sera plus, alors, présidé par la Grande-Bretagne qui avait inscrit l’adoption de la proposition Bolkestein telle qu’elle comme une des grandes priorités de sa présidence.
Plus que jamais, la pression sur les parlementaires européens s’impose !
Pierre
Avril LE FIGARO
[05 octobre 2005]
LA PARTIE de ping-pong engagée il y a deux semaines entre la France et la Commission européenne sur le dossier Hewlett-Packard a connu hier un rebondissement inattendu. Cette fois, l'échange a frôlé l'incident diplomatique.
A l'issue d'une rencontre avec le numéro italien Silvio Berlusconi, Jacques Chirac a de nouveau reproché à Bruxelles de ne pas «s'impliquer» dans la restructuration du géant informatique qui conduira à la suppression de 6 000 emplois en Europe, dont 1 240 en France.
«Ce n'est pas normal», a ajouté le président de la République, et c'est «l'une des raisons qui expliquent le désaveu actuel de l'Europe».
Réplique, une heure plus tard, de la Commission : «C'est plutôt le contraire.» «Nous nous sommes mis en contact immédiatement avec les autorités françaises», a expliqué le porte-parole du commissaire aux affaires sociales, Vladimir Spidla, avant de rappeler les initiatives prises par ses services : proposition de rencontre avec les syndicats d'HP et réaménagement du fonds social européen afin d'atténuer l'impact des licenciements.
L'Europe est «attachée» au secteur industriel
Plus incisif encore, c'est le président de la Commission lui-même, José Manuel Barroso, qui a critiqué «ceux qui veulent attribuer aux institutions européennes un rôle de bouc émissaire».
Il a appelé les dirigeants des vingt-cinq, «face aux défis qui sont les nôtres, à faire preuve d'engagement européen», a rapporté son porte-parole, Françoise Le Bail. Une lance qui vise directement le chef de l'Etat.
Cette sortie, plutôt inhabituelle dans la bouche de Barroso, était également dictée par d'autres critiques françaises, relatives cette fois à la gestion, par Bruxelles, des négociations commerciales de l'OMC. «La Commission, qui évolue de concession en concession, ne donne pas le sentiment de défendre l'intérêt européen», avait déclaré le président de la République, en référence au volet agricole. Toujours en présence de Silvio Berlusconi.
Déficit de compétitivité
D'ordinaire réservée, Bruxelles n'a pas supporté, cette fois, les reproches du chef de l'Etat. La Commission fait remarquer qu'elle s'est entretenue du dossier Hewlett-Packard avec le ministre délégué aux Affaires européennes, Catherine Colonna.
L'institution souligne que ce sont les Etats membres qui, lors des négociations budgétaires, avaient refusé d'allouer 7 milliards d'euros à un «fonds d'ajustement à la mondialisation» proposé par l'exécutif.
S'agissant de l'OMC, elle rappelle que lors du sommet du G 8, en juillet dernier, face aux attaques du premier ministre Tony Blair, Barroso avait fait cause commune avec Chirac sur le dossier agricole, défendant l'accord de 2002 sur la PAC. «Nous n'avons jamais eu l'intention de faire des concessions unilatérales», se défend la Commission.
Cet échange marque une nouvelle étape dans le conflit opposant la France à la Commission, jusqu'alors centré sur le dossier Hewlett-Packard.
Paris demandait à l'exécutif européen d'intervenir. Ce dernier répliquait en expliquant qu'il n'avait pas les compétences pour interdire des licenciements. Bruxelles craignait d'être instrumentalisée à des fins de politique intérieure, sans oser le dire publiquement.
Cet épisode rappelle celui de la directive Bolkestein, lorsque, en pleine campagne sur le référendum, Jacques Chirac avait demandé à José Manuel Barroso de «remettre à plat» le texte sur la libéralisation des services, chaudement défendu par la Commission.
Au printemps dernier, Barroso avait cédé aux demandes du chef de l'Etat. Cette fois, il a voulu lui tenir tête.