Contre la franchise médicale, par Dr. Elie Arié
LE MONDE | 21.07.07
Lors de l'instauration de la franchise de 1 euro en 2004, le Conseil
constitutionnel avait estimé qu'une somme aussi faible ne portait pas atteinte
au droit à l'égalité des soins mais avait émis les plus expresses réserves au
cas où cette somme viendrait à être augmentée : ce qui est bien le cas avec ce
nouveau projet de franchises.
Chacun peut vérifier sur le site du Conseil constitutionnel la teneur de la
décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004, liée à la réforme Douste-Blazy
instituant la franchise de 1 euro, dans laquelle on peut lire : "Considérant, en
troisième lieu, que le montant de la majoration de la participation de l'assuré
devra être fixé à un niveau tel que ne soient pas remises en cause les exigences
du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946." A savoir : "La
nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux
travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les
loisirs."
Quant à l'idée de Martin Hirsch, que j'ai connu mieux inspiré dans le passé, de
moduler le montant des franchises en fonction du revenu, elle constitue à la
fois une usine à gaz qui obligera à communiquer aux caisses chaque année les
revenus du ménage (dont les membres peuvent appartenir à des régimes
différents), un archaïsme au moment où la notion de ménage est en pleine
révolution dans notre société et un bouleversement de la Sécurité sociale, qui
ne connaît pas des "ménages", mais uniquement des assurés et des ayants droit.
Il faut rajouter que l'idée initiale d'interdire aux complémentaires de
rembourser ces franchises est contraire aux conventions de l'UE sur les
assurances, selon lesquelles on ne peut pas interdire à un assureur d'assurer ce
qu'il veut. Le gouvernement semble d'ailleurs s'être rendu compte de cette
difficulté, puisqu'il n'est plus question de cette disposition... Tout comme il
a abandonné depuis longtemps le prétexte de "responsabilisation" qui se voulait
la justification de cette mesure.
Les franchises médicales sont une idée improvisée à la va-vite pendant la
campagne électorale, sans aucune réflexion juridique, économique, sociale ni
sanitaire préalable, et le gouvernement serait bien inspiré d'abandonner ce
piège dans lequel il a été s'enferrer tout seul. Reste à trouver le moyen de ne
pas perdre la face.
Dr. Elie Arié
Cardiologue, enseignant-associé à la Chaire d'économie et gestion des services
de santé au Conservatoire national des arts et métiers
Article paru dans l'édition du 22.07.07