Le coût du "paquet fiscal" donne mauvaise conscience à la
majorité sénatoriale
LE MONDE | 26.07.07 |
Echanges feutrés au Palais du Luxembourg. Pour présenter aux sénateurs son projet
de loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (TEPA), mercredi 25
juillet, la ministre de l'économie, Christine Lagarde, avait mis de l'eau dans
son vin. Remisées, les formules et les citations dont elle avait largement usé,
quinze jours plus tôt, à l'Assemblée nationale. Se défendant de tout "idéologisme",
la ministre s'est retranchée derrière le "pragmatisme" d'une politique qui,
a-t-elle cependant reconnu, "repose sur un pari".
Il lui fallait en effet répondre aux rappels formulés par la commission des
finances quant aux "engagements en matière de retour à l'équilibre" dans son
rapport sur le débat d'orientation budgétaire. Le rapporteur général, Philippe
Marini (UMP), estime que, pour parvenir à concilier le financement du programme
présidentiel et l'équilibre promis des finances publiques, "l'effort d'économies
à atteindre d'ici à 2012, avec une croissance économique de 2,5 %, est de
l'ordre de 85 milliards d'euros".
Le président de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, exprime quant
à lui des doutes sérieux sur la "soutenabilité" des objectifs de ce projet de
loi, dont il juge que la seule "légitimité" réside dans le fait qu'"il transcrit
dans la loi les engagements du candidat à l'élection présidentielle".
"TRAVAIL FORMIDABLE"
Le sénateur (UC-UDF) de la Mayenne se dit réservé sur l'efficacité de ces
mesures, dont il n'est pas certain qu'elles contribueront à doper la croissance.
Se faisant l'interprète de la plupart des cercles économiques, M. Arthuis n'est
pas convaincu que les avantages fiscaux accordés par ce projet de loi aux
catégories supérieures seront réinjectés dans le circuit économique et
favoriseront les créations d'emplois.
En séance, le président de la commission a recouru à l'art de la litote. "C'est
un texte admirable que vous nous proposez, madame la ministre, a commencé, tout
sourire, M. Arthuis. Mais je persiste à penser que quelques-unes de ces mesures
sont peut-être coûteuses par rapport à ce qu'on peut en attendre." De ce texte
"admirable", il a souligné toutes les lacunes et les corrections à ses yeux
nécessaires pour le rendre "acceptable". Et de conclure en direction de la
ministre : "Avez-vous l'intention de le faire ? Cela nous permettrait de voter
ce bouclier avec un confort de conscience supplémentaire."
Car, après avoir dit tout le bien qu'ils pensent de ce texte, les sénateurs de
la majorité voteront d'un même élan en sa faveur. Ce que n'ignore pas le
gouvernement. Aussi la ministre, après avoir salué le "travail formidable" de la
commission des finances, a-t-elle tenu à la "rassurer". "Je ne désespère pas de
convaincre ceux d'entre vous qui ne le seraient pas encore", a-t-elle répondu.
Le pari sarkozien exposé par Mme Lagarde repose sur le principe que "c'est le
travail qui engendre le travail". "En dynamisant la croissance, on infléchit à
terme les chiffres du chômage", a-t-elle expliqué pour justifier les "13,8
milliards d'euros", soit 200 millions de plus qu'avant la première lecture à
l'Assemblée nationale, de dépenses engendrées par ce projet de loi.
Patrick Roger
Article paru dans l'édition du 27.07.07