Bruno Julliard tombe dans le piège de l'ouverture sarkozyste.
Personnalisant à outrance le syndicat qu'il préside, Bruno Julliard a joué les conciliateurs sur la réforme des universités pour préparer son avenir politique… Et est tombé dans le piège tendu par le président de la République.


« Le congrès m'a élu à l'unanimité. » Ainsi se défend Bruno Julliard quand on lui parle du fait qu'il est critiqué pour trop personnaliser sa gestion de l'UNEF. Egérie de la cause étudiante depuis la campagne contre le CPE, ce syndicaliste de 26 ans s'est une fois de plus fait remarquer pendant ces semaines de débat sur la réforme des universités en sortant de l'opposition au texte présenté par Valérie Pécresse. Or, Nicolas Sarkozy n'est pas étranger à ce fait : le point litigieux dont l'UNEF a salué la suppression (la sélection à l'entrée des masters) avait été ajouté par le président de la République et retiré par lui-même quelques semaines plus tard ! Bilan public de ce petit pas de deux : Sarkozy passe pour un homme souple et Julliard apparaît comme un habile négociateur. Vous avez dit gagnant-gagnant ?

Jouer l'endormissement
« On ne peut pas s'enfermer systématiquement dans cette obligation d'aller au front, explique Caroline de Hasp, secrétaire générale de l'UNEF. Le calendrier ne favorise pas la mobilisation étudiante. » Cela, le président de la République le sait bien, qui avait déjà été l'artisan du retrait du CPE qui avait propulsé Julliard à la une des médias. « Le gouvernement a manœuvré de façon à créer une division parmi les syndicats et faire passer son projet de loi en été, analyse Jean Fabbri, secrétaire général du syndicat d'enseignant Snesup-FSU. C'est une tentative d'endormissement : en remettant le débat sur la sélection à l'entrée du master à plus tard, ils amadouent les étudiants. »

Et les syndicats d'enseignants ont des raisons d'être en colère : lors des tables rondes organisées par Sarkozy, seuls les étudiants étaient invités. Le déjeuner du 10 juillet qui les avait réunis, aurait même été le lieu d'une déclaration peu diplomate du président : « Les profs sont des réacs », aurait-il lâché. Phrase immédiatement relevée et approuvée par… Bruno Julliard. « Il est dans un rapport de séduction incroyable avec Sarkozy, » assure-t-on dans le milieu syndicaliste. Un article de Libération paru le 24 juillet a d'ailleurs fait du bruit. On y lisait l'enthousiasme de Bruno Julliard face à Valérie Pécresse sur le ton de : « La rupture entre la jeunesse et la droite, elle ne s'y résigne pas. » L'embarras était tel que l'UNEF a ressenti le besoin de pondérer ces propos, assurant qu'ils avaient été déformés. Ce qui ne semble pas être l'avis au sein du syndicat où l'on rapporte qu'il « s'est sacrément fait taper sur les doigts. »

Une ouverture moins exigeante
Ceux qui imaginent Julliard à un poste de haut-commissaire seront néanmoins déçus. L'ouverture des sarkozystes vers la société civile n'a rien à voir avec celle qui s'opère vers les socialistes. Ainsi, l'économiste Jean-Paul Fitoussi qui a intégré un groupe d'expert, ou Jacques Attali, nouveau responsable d'une commission sur les freins à la croissance, sont appelés à l'invocation de l'intérêt général. Le second a même insisté sur le fait que ses travaux pourraient être utiles à gauche comme à droite. Pas besoin d'aller à un congrès de l'UMP pour jouer le jeu de l'ouverture. Qui plus est, en touchant au cœur l'un des principaux syndicats étudiants, Sarkozy joue les mouvements les uns contre les autres, comme il le fait au parti socialiste. En un mot comme en cent : diviser pour mieux régner.

Julliard est-il socialiste ?
Julliard candidat à l'ouverture ? Le président de l'UNEF balaye évidemment l'hypothèse, repoussant à la fin de son mandat toute ambition politique. L'indépendance dont il se réclame ne semble cependant convaincre personne : « Bien sûr qu'il est socialiste ! S'exclame un membre du Mouvement des Jeunes socialistes (MJS). Il a sa carte au PS depuis longtemps. » Razzye Hammadi, président du MJS ajoute: « Bruno participe à toutes les réunions du mouvement Transformer à gauche. » Le principal intéressé dément fermement l'un comme l'autre : « J'étais contre la création de ce groupe de réflexion », soutient-il. L'ambition du jeune homme est cependant reconnue par tous. Malek Boutih et d'autres ont jugé tout à fait naturel le bond de la société civile au parti socialiste. Le débat sur les universités est peut-être le petit coup de pouce dont le jeune syndicaliste a besoin pour se lancer.

Vendredi 27 Juillet 2007 - 16:09

Sylvain Lapoix et Johanna Nezri

Source :http://www.marianne2007.info