Le service minimum de M. Sarkozy
irrite les régions dirigées par la gauche
LE MONDE | 28.07.07
Les régions vont-elles freiner la mise en place du service
minimum ? Contraintes par la future loi sur le dialogue social et la continuité
du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs de
négocier avec les transporteurs un service minimum, elles devront définir, ainsi
que le précise l'actuel projet, "les dessertes à assurer (...) en cas de
perturbation prévisible du trafic".
Mais les régions, dont 21 sur 22 en métropole sont tenues par la gauche, n'apprécient guère. Le président de l'Association des régions de France (ARF), Alain Rousset, président du conseil régional d'Aquitaine (PS), accompagné de Martin Malvy, son homologue de Midi-Pyrénées, chargé des transports à l'ARF, devraient l'expliquer au ministre du travail, Xavier Bertrand, lundi 30 juillet. "Les conflits sociaux ne sont pas responsables des plus graves dysfonctionnements, dit M. Malvy, et ce n'est pas cette loi qui va régler le problème." Mais, ajoute-t-il, "on est coincés. Si la loi est votée, nous l'appliquerons d'autant que, précise le projet, si on ne le fait pas, ce sont les préfets qui le feront".
Autre président socialiste, Jacques
Auxiette (Pays-de-la-Loire) s'insurge. "Le gouvernement fait preuve d'hypocrisie
et manque de courage, assène-t-il. S'il veut limiter le droit de grève, il ne
doit pas se décharger sur les autorités organisatrices de transport", soit les
régions, les départements et les communes. De plus, dit-il, toutes les
conventions actuellement négociées avec la SNCF prévoient des clauses sur un
service garanti, assorties de pénalités en cas de non-respect.
Michel Destot, président du Groupement des autorités responsables de transports
publics, prévient aussi : "Nous aurions préféré une démarche contractuelle et
pas législative et nous savons qu'il ne sera pas possible de tenir les délais
prévus par la loi, soit le 1er janvier 2008." Le député (PS) de l'Isère ajoute
que, "dans les petites agglomérations, les départements, cela va être dur de
négocier avec toutes les sociétés de cars par exemple, cela sèmera le trouble
alors qu'il n'y a jamais de problème ; on sera hors délai". Selon lui, "pour le
gouvernement, cela ne compte pas, l'important c'est l'affichage politique et que
la loi soit votée".
Autre point possible de blocage, dans les actuels exécutifs régionaux, la
responsabilité des transports est très fréquemment confiée à des communistes :
c'est le cas dans 13 régions sur 22. Premier d'entre eux, l'ex-ministre des
transports de Lionel Jospin, Jean-Claude Gayssot, chargé de ce dossier en
Languedoc-Roussillon, rappelle les liens entre son parti et l'entreprise
nationale SNCF, relation étroite aussi avec la CGT, premier syndicat chez les
cheminots. "François Mitterrand, en 1981, a confié ce ministère à Charles
Fiterman, communiste, et ces liens ont toujours existé", explique l'ex-cheminot
M. Gayssot. Dit autrement par le socialiste chargé des transports en
Rhône-Alpes, Bernard Soulages : "La plupart des régions choisissent des gens en
phase avec la SNCF, ses agents... et la CGT."
M. Gayssot affirme son opposition à la
loi examinée par les députés à partir de lundi et qui a été votée par les
sénateurs le 19 juillet : "Comme vice-président de la région
Languedoc-Roussillon, je ne participerai pas, ni de près ni de loin, à la remise
en cause du droit de grève."
Et ses collègues communistes lui emboîtent le pas. "C'est M. Sarkozy qui veut
cette loi, dit Daniel Beurdeley, vice-président PCF de Picardie, il n'a qu'à se
débrouiller." Pour lui, la plupart des régions ont déjà négocié avec la SNCF, et
il n'est pas question de recommencer. "Je voudrais que l'on fasse de la
résistance, souhaite M. Beurdeley, par rapport à ce gouvernement de combat."
"Je ne serai pas zélé dans la mise en oeuvre de la loi, renchérit Gérard Lahellec, vice-président pour la Bretagne, communiste lui aussi. "Je considère que les dispositions allant au-delà de la convention que l'on vient de renouveler avec la SNCF, précise-t-il, remettent en cause le droit de grève et je ne mangerai pas de ce pain-là."
Rémi Barroux
Article paru dans l'édition du 29.07.07