Armement libyen: réglement de compte chiraco-sarkoziste
Par Bakchich 14H28 01/08/2007
Barbouzes françaises et libyennes, com’ mystérieuses et manoeuvres politiques:
les ingrédients d’une sympathique histoire de vente d’armes qui n’a pas fait
plaisir à la Sofema...
Le fort amusant milieu de l’armement en est tout émoustillé. Le groupe Sofema,
dans un été fort peu ensoleillé, subit un petit coup de chaud. En fait, un sale
virus chopé en Libye menace de le mettre sur le flanc.
À l’origine, un joli contrat se profilait pour cet office d'armement en décembre
dernier: booster douze mirages libyens. Le boulot serait réalisé par Sagem, à
charge pour la Sofema d’organiser la transaction... A la clé, un pactole de 117
millions d’euros, avec seulement 15 millions de commissions diverses et variées
pour de menus intermédiaires. Soit un "contrat nickel et dans les clous des
normes OCDE" dixit l’un des négociateurs du dossier.
Las, le bel oeuvre a été saccagé. D’abord, campagne présidentielle oblige, par
de basses querelles pécuniaires et politiques. Réputée proche de la chiraquie,
la Sofema a vu débouler dans ses pattes l’inénarrable Ziad Takkiedine, alors
bien en cours en Sarkozie (lire Chirac vs. Sarkozy, des équipements de pointes
nourrissent la guéguerre). L’objectif à peine voilé consistait à empêcher que
les com’ ne viennent garnir les finances électorales d’un hypothétique rival de
Sarko, Michèle Alliot-Marie pour ne pas la citer. Manoeuvre plus que réussie.
La sarabande a quelque peu agacé le si subtil guide libyen Mouammar Kadhafi. Le
chef de la Jamahiriya s’est même vu obliger de dépêcher quelques-unes de ses
barbouzes à Paris pour démêler le fil de l’affaire et ramener le calme. Fort
indisposé, l’ami Kadhafi s’est par la suite fâché tout rouge, quand il s’est
rendu compte qu’une partie des commissions s’est volatilisée. Huit des quinze
millions d’euros promis ont bien été versés, mais sans aucune trace. Ni lettre
de crédit, ni facture.
Humaniste mais pas trop, Kadhafi a immédiatement dépêché une enquête sur ses
débonnaires généraux qui ont suivi le dossier. Et fait savoir qu’il ne
traiterait plus avec la Sofema sur le dossier. Soupe au lait, Muhammar a même
menacé de ne plus jamais traiter avec les entreprises françaises. Avant de se
raviser et d’annoncer que ses Mirages seraient remis en état par Dassault
Système ou par personne.
Bien marris, les actionnaires de la Sofema demandent depuis la tête du président
du groupe, le bon Général Norlain. L’ancien est même cloué au pilori. En vrac,
lui sont reprochés sa gestion olé-olé du dossier libyen, son manque d’entrain à
dégager Ziad Takkiedine de l’affaire, l’évaporation des huit millions d’euros de
commissions, mais aussi sa gestion financière opaque. De mauvaises langues
l’accusent même de malversations et abreuvent les célèbres milieux autorisés
d’infos exclusives : "Un abus de bien social n’est pas à exclure."
Charmant. D’autant que l’éviction de Norlain, déjà actée, a plus d’un avantage.
D’abord de déchiraquiser une officine dont la réputation de fidélité à l’Ex se
révèle un brin encombrante sous Sarko Ier. Ensuite, éviter que les ratés du
contrat libyen n’éclaboussent trop de monde, tant au niveau industriel que
politique. Au hasard Patrick Ollier, très actif dans ce qui a trait à la Libye
et par ricochet sa ministre de l’Intérieur de compagne, MAM, déjà empêtrée dans
la saga Clearstream. Mais aussi, les dirigeants de Safran, dont Sagem est une
des composantes. Puissance agissante dans la carambouille libyenne, la direction
internationale de Safran (actionnaire de Sofema) a senti le vent du boulet.
Heureusement, entre gens de bonne compagnie, tout se passe dans les formes. Pour
dézinguer Norlain –mais pas trop– un poste de Directeur général a été créé à la
Sofema, et confié à Guillaume Giscard d’Estaing. À charge pour lui de fouiner
dans tous les dossiers auxquels a touché Norlain et de le court-circuiter, avant
que le vieux ne dégage tout simplement. Ancien adjoint du patron de
l’international à Safran, Giscard protège ainsi son ancien patron, François
Courtot, qui a plus que milité pour l’installer au poste. Et a fait passer la
pillule en faisant un joli paquet cadeau à la Sofema: elle gèrera les contrats à
l’international de Sagem. Une externalisation en bonne et due forme.
Bref, un bien joli bordel. "C’est une caricature cette histoire!, lâche,
admiratif, un joyeux drille de ce milieu. Tous les clichés sur les offices
franchouillards sont réunis." L’exception culturelle est à ce prix.
Xavier Monnier, article publié le mercredi 18 juillet 2007