La zone euro somme Sarkozy de tenir le cap sur les déficits

Reuters 09.07.07 | 20h39

Par Natacha Crnjanski et Yves Clarisse

 

BRUXELLES (Reuters) - Les partenaires européens de la France ont sommé lundi Nicolas Sarkozy de respecter l'engagement de Paris de ramener son déficit public à zéro dès 2010 et non en 2012, comme il en a exprimé l'intention.

Le président français a décidé de défendre en personne sa décision de reporter cette échéance lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro, fait rarissime.

Entouré d'un nuée de collaborateurs entassés dans une dizaine de limousines allemandes et devant une foule de journalistes attirés par l'événement, Sarkozy est entré en trombe dans le bâtiment du Conseil des ministres de l'UE.

Sa décision de reporter de deux ans l'assainissement des finances publiques pour créer un "choc fiscal", en contradiction avec les engagements pris à de multiples reprises avant les élections par le précédent gouvernement, a provoqué un tollé.

Le ministre allemand des Finances, Peer Steinbrück, a été extrêmement tranchant à son arrivée à la réunion.

"Je pense qu'il est nécessaire de parvenir au seuil de 0% de déficits en 2010. Il nous faut soutenir le Pacte de stabilité et de croissance, il nous faut soutenir la crédibilité du pacte. Je serais très heureux que la France fasse cela", a-t-il dit.

Il s'est également inscrit en faux contre les diatribes du président français fustigeant un euro fort qui handicaperait les exportations du Vieux Continent face à un dollar trop fort.

"Je ne suis pas préoccupé par un euro fort. J'adore l'euro fort", a ajouté le "grand argentier" allemand.

UN ENGAGEMENT "UN PEU RAPIDE"

Même l'ami de Sarkozy, le ministre belge des Finances Didier Reynders, s'est permis une critique de sa politique économique.

"L'objectif, c'est 2010. On ne peut s'imaginer reporter sans cesse des objectifs budgétaires", a-t-il souligné.

Mais il devrait s'agir d'un dialogue de sourds.

Le président français a en effet estimé lundi en conseil des ministres que l'engagement de Dominique de Villepin, "pris en avril 2007", de ramener la dette publique française à 60% du PIB et le déficit à zéro en 2010 n'avait pas "beaucoup de sens".

"Le président de la République a tenu à rappeler une chose: l'engagement de revenir à 2010 a été pris trois semaines avant le premier tour des élections présidentielles", a dit Laurent Wauquiez, porte-parole du gouvernement. "C'était peut-être un peu rapide pour prendre un engagement de cette nature."

Selon des responsables français, c'est ce qu'il a répété lundi à Bruxelles au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qui n'aurait guère apprécié cette position.

Le nouveau gouvernement foule en effet aux pieds le programme de stabilité approuvé le 30 janvier par l'UE et qui prévoit une réduction importante du déficit dès 2008, à 1,8% du PIB, alors que le nouvel objectif est une stabilisation à 2,5%.

L'échéance 2010 avait en outre a été solennellement réitérée en avril dernier par tous les ministres des Finances de l'euro.

En outre, les mesures françaises sont loin d'être considérées à Bruxelles comme des réformes structurelles.

Le seul coût du "paquet fiscal" soumis au Parlement est évalué à 0,6% du PIB par la déduction fiscale des emprunts immobiliers (0,3 point de PIB), la suppression des droits de succession (0,1 point) et l'exonération des charges sociales pour les heures supplémentaires (0,2 point).

MOYENS DE PRESSSION LIMITÉS

Or, loin de se stabiliser, la dette est repartie à la hausse au premier semestre pour atteindre environ 65% du PIB et le déficit français en fait le cancre de la zone euro, surtout par rapport à l'Allemagne, qui prévoit un déficit de 0,6% en 2007.

Mais les moyens de pression de l'UE sont limités.

Si le pacte de stabilité de l'euro permet de prendre des sanctions sévères contre les Etats membres qui dépassent la limite de 3% du PIB pour le déficit public, ce qui ne devrait pas être le cas pour la France, il n'y a aucune mesure contraignante tant que l'on reste dans les clous.

Il ne reste donc que la "pression des pairs" qui devrait toutefois être d'autant plus forte que l'Allemagne a retrouvé le chemin de la vertu budgétaire après des années de déficits.

Mais il y aura un prix à payer: la revendication française de créer un gouvernement économique de l'euro pour faire contrepoids à la BCE sera affaiblie par son cavalier seul.

Même si les dossiers sont séparés, la violation des engagements budgétaires ne constitue pas le meilleur argument de promotion de la candidature française pour la direction générale du Fonds monétaire international (FMI).

Nicolas Sarkozy appuie la candidature de l'ancien ministre socialiste de l'Economie et des Finances, Dominique Strauss-Kahn, à la succession de l'Espagnol Rodrigo Rato, qui démissionnera de ses fonctions en octobre.

Aucune décision n'est attendue lundi ou mardi, mais Strauss-Kahn a laissé un excellent souvenir à Bruxelles et l'Allemagne le considère comme un "bon candidat européen".

"Dominique Strauss-Kahn a toutes les qualités nécessaires pour devenir directeur général du FMI", a renchéri le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker.

Mais les Pays-Bas et l'Italie ont notamment des candidats à présenter et les pays du Tiers Monde veulent en finir avec la division des postes qui voit systématiquement les Etats-Unis obtenir le poste de directeur général de la Banque mondiale, tandis que le FMI est la chasse-gardée des Européens.