« Nous avons interpellé le
président de la République depuis une semaine sur la question de
l'indépendance et de la liberté de la presse. Et depuis, rien. »
Hier, à l'aube d'une
nouvelle journée de grève, les membres de la société des journalistes
(SDJ) des Echos oscillaient
entre déception et colère. Le 28 juin, la menace du rachat de leur titre par
Bernard Arnault engendrait un événement inédit en France : les SDJ de 27
rédactions
écrivaient à Nicolas Sarkozy « en
tant que garant des règles constitutionnelles » pour réclamer une
loi encadrant l'indépendance des rédactions. Conseillé par des avocats, le
Forum permanent des sociétés de journalistes avançait même des propositions
concrètes : reconnaissance juridique des SDJ, droit de veto sur la
nomination d'un directeur de la rédaction, présence au Conseil
d'administration… Des garanties minimales. Mais leur missive est restée sans
réponse. A croire que l'hyperprésident, qui est pourtant sur tous les
fronts, ne fait pas grand cas de ce dossier.
Dialogue de sourds
Contacté par Marianne2007.info, Franck Louvrier, conseiller chargé de la
communication à l'Elysée, refuse de répondre. Un peu agacé, il renvoie sur
la ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, qui
« suit le dossier ». Même son de
cloche du côté du l'ancien journaliste George-Marc Benamou, promu conseiller
culturel à l'Elysée. Quant à Christine Albanel, si elle s'est effectivement
entretenue avec les représentants de la rédaction des
Echos la semaine dernière, elle
n'a pas daigné recevoir le Forum permanent des sociétés de journalistes. Et
pour cause : lors de son entretien avec les journalistes des
Echos, elle s'est réjouie de
voir Bernard Arnault « un grand
industriel français » (par ailleurs témoin de mariage de Nicolas
Sarkozy et parrain de son fils) racheter le titre au groupe Pearson. Un vrai
dialogue de sourds. Pour la ministre, les précédents sont encourageants :
après tout, Serge Dassault est bien propriétaire du
Figaro et Martin Bouygues de
TF1… En quoi cela pourrait-il nuire à l'indépendance de l'information que
ces médias produisent ? Pauvre argumentaire : les exemples cités ne
constituent pas forcément des « modèles » d'indépendance à l'égard du
pouvoir politique et économique, et Christine Albanel doit se souvenir de la
campagne électorale de 1995, durant laquelle « son » candidat, Jacques
Chirac, pestait contre la balladurisation de TF1. Un exemple récent parmi
d'autres : le Image 7, grand cabinet de communication des groupes du CAC 40
dirigé par Anne Meaux, aurait, selon des sources internes au
Figaro, obtenu la mutation d'un
journaliste du service économique qui n'avait pas l'heur de plaire aux
patrons du secteur dont il s'occupait. Par ailleurs, le conflit des
Echos est aussi alimenté par
l'expérience très négative des journalistes de
La Tribune avec leur actionnaire
Bernard Arnault.
Finalement, tentant de combler le grand silence présidentiel, le
porte-parole de l'Elysée, David Martinon, et le Premier ministre, François
Fillon, ont donné leur sentiment sur les revendications des journalistes.
Martinon, interrogé par La Chaîne Public-Sénat, s'est dit estomaqué du fait
que les mêmes journalistes qui dénoncent l'interventionnisme de Nicolas
Sarkozy lui font confiance pour les protéger. François Fillon, lui, souligne
le vrai « problème de la presse »,
qui « n'est pas un problème
d'indépendance, mais de capital. La presse manque de lecteurs. »
Certes, mais capital et presse ne font pas forcément bon ménage :
La Tribune n'a jamais manqué
d'investissements mais de lecteurs et perd un million d'euros par mois ;
Le Figaro ne manque pas de fonds
mais de lecteurs et de recettes publicitaires. En revanche, on veut laisser
acheter Les Echos, qui
vendent chaque jour 128 000 exemplaires et affichent un exercice
bénéficiaire depuis leur création…
Jeudi 05 Juillet 2007
AB
Source :
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