Nicolas Sarkozy accumule les contentieux en Europe avec Bruxelles et ses partenaires
LE MONDE | 04.07.07 | 11h00 • Mis à jour le 04.07.07 | 11h01
Bruxelles, bureau européen
Confirmée mardi 3 juillet par François Fillon, la décision de la France de
reporter de 2010 à 2012 le rétablissement de son équilibre budgétaire
suscite un vif malaise à Bruxelles. Nicolas Sarkozy, qui a annoncé sa venue
à la réunion des ministres des finances de l'Eurogroupe, lundi 9juillet, est
attendu avec appréhension.
En dépit de l'accord sur le traité européen, auquel le président français a activement contribué, Paris accumule les contentieux avec les autorités bruxelloises et ses partenaires – sur le pacte de stabilité de la zone euro, la Turquie, la pêche, les paris sportifs.
En outre, les appels du nouveau chef de l'Etat français en faveur d'une Europe assumant un rôle plus protecteur face à la mondialisation divisent les Vingt-Sept : le nouveau gouvernement britannique de Gordon Brown fustige les conceptions de Nicolas Sarkozy, qui espérait nouer une bonne relation avec le successeur de Tony Blair.
La vision très patriotique de la politique industrielle affichée par M.Sarkozy met aussi mal à l'aise les Allemands, avec lesquels il tente de régler l'avenir du groupe EADS et d'Airbus.
En matière budgétaire, le commissaire en charge de l'euro, Joaquin Almunia, a rappelé à plusieurs reprises les engagements pris par Paris. La Commission juge qu'il n'existe aucune raison pour que la France soit autorisée à ralentir le redressement de ses comptes publics, surtout au moment où les autorités françaises demandent une meilleure gouvernance de la zone euro.
"LE PROTECTIONNISME EST AUSSI UTILE QUE L'A ÉTÉ LA LIGNE MAGINOT"
La Commission conteste également les critiques de Paris contre l'euro fort. Dans son rapport trimestriel, publié le 3 juillet, elle souligne que "le taux de change ne joue qu'un rôle limité dans les résultats des exportations des pays individuels", notant que la balance commerciale de la France s'est, elle, améliorée vis-à-vis des Etats-Unis mais détériorée vis-à-vis de l'Allemagne. "Il y a donc lieu de chercher ailleurs les causes des résultats décevants de certains membres de la zone euro en matière d'exportations", conclut le rapport.
La suppression, dans le futur traité, à l'insistance de la France, de la référence à la "concurrence libre et non faussée", n'améliore pas non plus l'image des Français. La commissaire à la concurrence, Neelie Kroes, s'est empressée de rappeler que "le protectionnisme est à peu près aussi utile que l'a été la ligne Maginot, il y a près d'un siècle, face à la guerre de mouvement".
M. Sarkozy se heurte aussi à la Commission et à la plupart des autres Etats membres sur les négociations d'adhésion avec la Turquie. La présidence portugaise a courtoisement écarté sa demande d'un débat sur les frontières de l'Union avant la fin de l'année et rappelé son attachement à la poursuite des négociations.
D'autres dossiers durcissent le climat. Comme celui du monopole de la Française des jeux et du PMU dans le domaine des paris sportifs, qui fait l'objet d'une procédure de la Commission, ou de la pêche à la thonaille, dont l'interdiction suscite la colère des pêcheurs de Marseille.
Thomas Ferenczi
Londres dénonce le "patriotisme économique"
Proche du nouveau premier ministre travailliste Gordon Brown, auquel il a succédé comme ministre des finances, Alistair Darling s'en prend avec véhémence, dans le Financial Times du 4 juillet, au "patriotisme économique" de M. Sarkozy.
Il estime qu'il y a une "bataille idéologique en cours en Europe" entre ceux
qui croient ou non au processus de Lisbonne pour moderniser l'économie
européenne.
"Je ne crois pas au patriotisme économique. Je pense que c'est un non-sens. C'est du protectionisme", dit-il en dénonçant la pratique française de défendre ses champions industriels nationaux.