Le chef de l'Etat a reçu, vendredi à l'Elysée, les représentants des organisations syndicales et patronales

M. Sarkozy lâche du lest sur le service minimum

LE MONDE | 26.05.07 | 12h47


 

C'est peut-être la force de la méthode Sarkozy. En sortant de leur rencontre avec le président de la République, vendredi 25 mai, chacun des partenaires sociaux a cru entendre dans ce que lui disait Nicolas Sarkozy une confirmation de ce qu'il était plus ou moins venu chercher. Ce qui, à la sortie, donne des syndicalistes et des patrons plutôt contents. Le risque existe alors, une fois les éclaircissements apportés, de la déception.

Souriant et ne perdant jamais l'occasion de prendre par le bras son visiteur ou de lui mettre la main sur l'épaule, le président a raccompagné successivement sur le perron de l'Elysée Jean-François Roubaud (CGPME), Jean-Claude Mailly (FO), Pierre Martin (UPA), Jacques Voisin (CFTC), François Chérèque (CFDT) et, en fin de journée, Bernard Van Craeynest (CFE-CGC). Mardi 29 mai, il recevra le numéro un de la CGT, Bernard Thibault, puis le lendemain Laurence Parisot, la présidente du Medef.

Avec chacun, il a étudié l'ensemble des projets de réformes qui pourraient donner lieu soit à des négociations, soit à des concertations, une nuance importante pour les syndicats comme pour le patronat. Pour l'Elysée, les choses sont claires. "Le président a clairement exprimé son désir de privilégier systématiquement la négociation, de laisser la main aux partenaires sociaux", explique-t-on dans l'entourage de M. Sarkozy. Et, dès qu'une négociation sera ouverte, précise-t-on encore, il n'y aura pas d'interférence de la part du gouvernement.

Cette méthode devrait avoir des conséquences pratiques. Ainsi, les conférences annoncées pour le mois de septembre ne se tiendront pas toutes à cette date. Celle prévue sur l'égalité salariale entre hommes et femmes pourrait s'ouvrir au thème plus global de l'égalité homme-femme dans le travail. Une conférence plus générale sur les revenus aurait été aussi annoncée et celle sur les conditions de travail sera maintenue.

Les conférences prévues sur le thème de l'emploi (flexicurité, contrat de travail unique) seraient, elles, reportées. En effet, les partenaires sociaux rencontrés vendredi ont manifesté leur volonté d'ouvrir des négociations entre eux sur les thèmes du contrat de travail, de la sécurisation des parcours professionnels ou encore de l'avenir de l'assurance-chômage. A charge pour eux de les mener à bien dans un délai raisonnable.

M. Fillon avait évoqué la fin de l'année comme date butoir pour le contrat unique. "L'important n'est pas le délai, mais notre capacité à avancer concrètement sur un dossier", lui a répondu M. Chérèque (CFDT). Celui-ci estime qu'un délai de six à huit mois paraît raisonnable pour négocier sur le contrat de travail qui, pour les syndicats, ne saurait être unique. Une autre conférence prévue en septembre devait se tenir sur la démocratie sociale et la représentativité. Devant le président de la République, les partenaires sociaux auraient manifesté leur volonté de négocier là aussi entre eux. Ce qui, de fait, reporterait la tenue de la conférence gouvernementale sur ce même thème.

Hors négociation et vite bouclé, le projet de loi sur la défiscalisation des heures supplémentaires, leur exonération de charges donnera lieu à des concertations conduites, la semaine prochaine, par le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, M. Borloo.

Au centre des entretiens, la mise en place du service minimum a donné lieu à des interprétations très différentes. La confusion est totale si l'on en croit les commentaires de M. Voisin, de M. Chérèque ou encore de M. Van Craeynest. Le premier a compris qu'une loi cadre demanderait aux entreprises d'ouvrir des négociations sur la mise en place de systèmes d'alerte, de prévention des conflits. Dans ce scénario, place serait faite aux partenaires sociaux pour négocier par entreprise. M. Chérèque, pour la CFDT, assure que la loi n'interviendrait qu'après les négociations par branche ou par entreprise. Ce qui correspond à la conception cédétiste de la primauté du contrat sur la loi. Dernier sorti de l'Elysée, M. Van Craeynest n'a pas, lui, entendu parler de loi. "Il y a suffisamment de textes, dont les réquisitions, pour ne pas en rajouter", a-t-il commenté.

Il semble cependant qu'existe bien le scénario d'une loi-cadre incitant à la négociation par entreprise sur les systèmes d'alerte et renvoyant aux donneurs d'ordre et aux collectivités territoriales le soin d'organiser avec les entreprises de transport ce service minimum dont les syndicats ne veulent pas entendre parler. Un scénario qui, toutefois, doit encore être soumis au secrétaire général de la CGT et au Medef. Le ministre du travail, M. Bertrand, va rencontrer dès la semaine prochaine syndicats et patronat notamment sur ce dossier.

 

Rémi Barroux

Article paru dans l'édition du 27.05.07