Le Comité Valmy qui rassemble les diverses sensibilités de l’arc républicain publie ici, un texte de l’un de ses responsables gaulliste de gauche :

 

Conférence de Gilles BACHELIER
devant les JEUNESSES CITOYENNES,  du MRC.  Paris le 3 décembre 05 .

LE GAULLISME SOCIAL,
UNE HISTOIRE, UN AVENIR .

   Le Général de Gaulle est mort le 9 novembre 1970, il y a maintenant 35 ans. La Société française et le monde d¹aujourd¹hui ne ressemblent pas à la société française et au monde qu¹il connut et où il évolua comme un acteur majeur de la scène politique française et internationale.

   Au monde bipolaire de l’après guerre caractérisé par la rivalité de deux grandes puissances antagonistes, la puissance libérale américaine et la puissance communiste soviétique a succédé un monde unipolaire, dominé par la seule hyper-puissance américaine et par le seul modèle économique ultralibéral que cette grande puissance impose au reste du monde depuis la disparition de l¹Union soviétique.

   Les transformations sociales et économiques du quart de siècle sont considérables. Elles ne sont pourtant le produit ni du hasard ni de la nécessité. La mondialisation économique libérale qui s¹est répandue sur la totalité de la planète à la suite de la contre-révolution reagano-thatchérienne n¹est rien d¹autre que l¹internationalisation des marchés financiers, désormais maîtres du monde.

   Les solutions alternatives au marché ont été systématiquement détruites afin d¹assurer le règne sans partage d¹une politique unique, d¹un bout à l¹autre de la terre, la politique ultra-libérale. Une politique à laquelle adhèrent toutes les institutions internationales et européennes, tous les grands partis de gouvernement de droite comme de gauche, la quasi totalité des médias et la plupart des dirigeants syndicaux.

   Dès lors, l¹idéologie économique ultra-libérale incite les classes dirigeantes à changer leur politique et à troquer un système d¹économie mixte, acceptant une certaine redistribution des revenus, en échange d¹un capitalisme débridé et sans contre-pouvoir, aux ordres de la finance internationale.. Pour les uns, une infime minorité, c¹est un avantage énorme, un enrichissement exponentiel, dû à un profit maximal. Pour les autres, l¹écrasante majorité, c¹est la régression sociale, la précarité, la paupérisation, la misère, l¹insécurité et l¹exploitation.

   Au lieu de lutter, au nom de l¹intérêt général, contre ce système esclavagiste et inégalitaire, les gouvernements, feignant de le croire irréversible, préfèrent s¹y adapter grâce à ce qu¹ils appellent des « réformes nécessaires », toutes orientées vers les privatisations, la flexibilité de l¹emploi qui engendre la précarité, le démantèlement des services publics, de la protection sociale, du code du travail, du système de santé et du système éducatif.

   Dès lors, la question se pose de savoir si, dans ce contexte nouveau dominé par le culte de l¹individualisme et du profit maximum, on peut encore se réclamer aujourd¹hui du gaullisme et en particulier du gaullisme social . C’est-à-dire se réclamer d’une politique au service des intérêts de la collectivité.

   Pour ma part, je réponds oui et je vais tenter d¹en expliquer les raisons.

   Force est de constater que depuis de nombreuses années, l¹ensemble de la classe politique a renoncé à toute référence au gaullisme, à commencer par le parti qui a succédé à ce que l¹on appelait encore autrefois le « mouvement gaulliste ». De trahisons en revirements successifs, ce parti est devenu sous la direction de Jacques Chirac, puis désormais de Nicolas Sarközy, une machine de guerre électorale au service exclusif de son président. L¹UMP ne défend pas les intérêts de la collectivité et de la nation, c¹est un parti privatisé.

   Quant à l’orientation politique de ce parti, elle reþète tout naturellement la pensée unique dominante, l’ultra- libéralisme, avec depuis quelques temps une radicalisation de plus en plus accentuée et inquiétante caractérisant une droite dure, autoritaire, populiste et xénophobe, sur le modèle du courant néo-conservateur américain.

   Dès lors, il ne faut pas s¹étonner du fait que ce parti s’en prenne désormais aux fondements mêmes du socle républicain : le pacte social, le principe d¹égalité qu¹on cherche à remplacer par le concept anglo-saxon d¹équité, ce qui n¹est pas du tout la même chose et qui est de nature à justifier les inégalités sociales, la laïcité qu¹on veut remettre en cause en introduisant le communautarisme religieux, la liberté au nom de la répression policière, érigée en panacée universelle et de la fraternité, au nom d¹un individualisme forcené et du culte de la concurrence de tous contre tous.

   Bref, voilà un condensé de tout ce que le Général de Gaulle détestait et combattit toute sa vie, lui qui méprisait les partis, lui qui n¹agissait qu¹en fonction de l¹intérêt général, de la solidarité nationale et des principes de la République, Une et Indivisible. Il faut rappeler tout d¹abord qu¹à aucun moment, dans aucun discours ni écrit, le Général de Gaulle ne s¹est réclamé de la droite.

   À Robert Buron, son ministre des Travaux publics et des transports, qu¹il sentait sur la réserve, le Général tint en 1959 ces propos qui en disent long sur son état d¹esprit et qui peuvent s¹appliquer encore parfaitement à la situation politique actuelle de notre pays, 46 ans après.
Qu¹on en juge !
« La droite, disait le Général de Gaulle, ne peut pas réussir.
   Le Français est généreux, le programme de la droite, égoïste, conservateur, ne conviendra jamais à la France.
   La gauche, elle a son programme, bien sûr ! Mais elle est bavarde, divisée, inef-ficace? Les jeunes génération jugent sur l’efficacité.
   Voyez-vous, ce qu¹il faut appliquer, c¹est un programme de gauche, avec des manières de droite. Et cela, il  n¹y a que de Gaulle qui puisse le faire. »

   Le Général de Gaulle avait eu également cette formule, propre à inquiéter nos prétendues « élites » dirigeantes :
   « Quand la lutte s¹engage entre le peuple et la Bastille, c¹est toujours la Bastille qui Þnit par avoir tort. »

   Si le Général de Gaulle n¹a plus d¹héritiers sur la scène politique, il n¹en reste pas moins qu¹il demeure paradoxalement le personnage historique que les Français admirent le plus, quelle que soit leur sensibilité politique, gauche et droite confondues.

   À ce sujet, le grand écrivain Romain Gary, alias Émile Ajar, qui fut un aviateur de la France libre et un compagnon de la Libération, écrivit ces lignes prémonitoires à la mort du Général de Gaulle :
   « L¹homme n’est plus mais ce qui demeure, et qui mènera la vie dure aux médiocres, aux menteurs, aux truqueurs, aux accapareurs du pouvoir et autres cyniques, c’est un précédent, lui-même magnifié par la stature de l¹homme qui aura créé ce précédent. Pour la première fois de toute son histoire le peuple français a un point de référence. Et c¹est pourquoi, il se pourrait bien que la plus grande oeuvre de De Gaulle soit posthume et que sa disparition marque le pays beaucoup plus profondément que ce qu¹il aura pu accomplir en tant que Chef d¹État. Il se pourrait bien qu¹à sa mort, de Gaulle exerce plus de pouvoir qu¹il n¹en a jamais exercé de son vivant.Š    
   Plus que jamais, il est à présent, ce qu¹il n¹a cessé d¹être pour nous depuis le début, une force morale, un courant spirituel, une foi dans l¹homme, dans l¹ultime triomphe de l¹homme, une lumière. »

   Mais le Général de Gaulle n¹est pas seulement un personnage historique charismatique,  une sorte de statue du commandeur ! Appelant sans relâche au rassemblement des Français, il a incarné depuis le fameux appel à la Résistance du 18 Juin 1940 « une certaine idée de la France ». Cette idée, c¹est celle d¹une France libre, maîtresse de son destin, républicaine, humaniste, généreuse, démocratique, héritière de la période des lumières et de la Révolution française.

   Une France qui a combattu la barbarie nazie. Une France du grand large, ouverte sur le monde. Cette France-là est en opposition complète avec la France asservie de Vichy, celle de l¹ex-maréchal Pétain, qui était une France repliée sur l¹hexagone, réactionnaire, antisociale, antirépublicaine, étriquée, collaborationniste, dictatoriale, raciste et xénophobe. Et ce clivage entre deux conceptions opposées de la France, on le retrouve toujours aujourd’hui entre ceux qui croient à la République et ceux qui n¹y croient plus.

   C¹est dès l¹époque de la guerre qu¹apparaît le gaullisme social. En novembre 1943, le Général de Gaulle s¹adressait ainsi à l¹assemblée consultative provisoire à Alger :
   « La France veut que cesse un régime économique dans lequel les grandes sources de la richesse nationale échappaient à la nation, où les activités principales de la production et de la répartition se dérobaient à son contrôle, où la conduite des entreprises excluait la participation des organisations de travailleurs et de techniciens dont cependant elle dépendait. Il ne faut plus qu¹on puisse trouver un homme ou une femme qui ne soient assurés de vivre ou de travailler dans des conditions honorables de salaire, d¹alimentation, de loisir, d¹hygiène et d¹avoir accès  au savoir et à la culture. »

   Le 15 mars 1944 est diffusé avec le titre « Les jours heureux » et sous la responsabilité du Général de Gaulle, le programme du Conseil National de la Résistance (CNR), organisme changé d¹assurer en France, la coordination des mouvements de résistance, des maquis, de la presse et des représentants des partis opposés à Vichy. Le CNR avait été voulu par le Général de Gaulle et mis en place, grâce à l¹action héroïque et au sacriÞce de Jean Moulin, le représentant du Général de Gaulle en France occupée. Or, le programme du Conseil National de la Résistance traduisait une volonté très affirmée de transformation sociale et de retour aux valeurs de la République, foulées aux pieds par le régime de Vichy.

   Fait exceptionnel, ce projet très ambitieux était porté par un remarquable consensus. Élaboré dans la clandestinité, il avait été approuvé par toutes les composantes de la Résistance. Ce texte, pour la première fois dans notre histoire, donnait sa dimension sociale à la République. Un texte véritablement révolutionnaire et qui est aujourd’hui encore d¹une brûlante actualité. Il réclamait l¹instauration d¹une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l¹éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l¹économie et préconisant la « participation des travailleurs à la direction de l¹économie », le fameux concept de participation que le Général de Gaulle reprendra sous la Ve République.

   Le programme du Conseil National de Résistance demandait aussi la nationalisation des grands moyens de production monopolisés, des sources d¹énergie et des richesses du sous-sol, un plan complet de sécurité sociale, le droit au travail et la sécurité de l¹emploi, la garantie du pouvoir d¹achat, une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours, le droit à l¹instruction pour tous. Enfin, le Conseil National de la Résistance voulait « assurer la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l¹égard de l¹État, des puissances d¹argent et des influences étrangères. »

   Le programme du CNR fut appliqué après la libération par le gouvernement provisoire du Général de Gaulle qui regroupait toutes les forces de la Résistance et au sein duquel figuraient à juste titre des ministres communistes. Furent ainsi créés la Sécurité sociale, les retraites généralisées, les grands services publics, les comités d¹entreprises, les lois sociales agricoles, le droit à la culture pour tous.

   À l¹heure où ce pacte social et républicain que nous devons au Général de Gaulle et qui régit notre pays depuis 60 ans est brutalement remis en cause et menacée d¹anéantissement par la « nécessaire adaptation à la mondialisation », en un temps où les groupes Þnanciers et industriel font peser de plus en plus leur pouvoir sur une presse muselée, le gaullisme social de la guerre reste une référence pour tous ceux qui ont décidé de résister et de se battre contre l¹idéologie ultra-libérale, actuellement dominante. Le retour du Général de Gaulle aux Affaires, en 1958, ne verra aucune remise en cause du pacte social conclu à la libération.

   Le vaste secteur nationalisé industriel et financier restera intact. Et le Général de Gaulle qui était un très ferme partisan de la planification, qualifiée par lui-même d¹ »ardente obligation », veillera à ce que les gouvernements successifs de Michel Debré, Georges Pompidou et Maurice Couve de Murville fassent preuve de dirigisme en matière économique et ne se laissent pas dicter leurs lois par les féodalités financières et industrielles.

   C¹est bien le progrès social qui était alors à l¹ordre du jour comme en fait preuve l¹allongement de la scolarité jusqu¹à l¹âge de 16 ans, décidée en 1959 par le Général de Gaulle, et que M. de Villepin vient tout juste de remettre en cause. Une idée originale en matière sociale allait progressivement se développer et devenir la préoccupation majeure du Général de Gaulle : la Participation, qu¹il souhaitait absolument mettre en pratique mais qui se heurta à l¹hostilité de son propre premier Ministre, Georges Pompidou, des plus conservateurs de ses partisans, des milieux d¹affaires et des syndicats, peu soucieux de passer d¹un rôle de revendication à un rôle de gestion.

   En revanche, les gaullistes de gauche avec à leur tête René Capitant, Louis Vallon et Jacques Dauer, ce dernier étant de plus chef d¹entreprise, se firent les propagandistes les plus déterminés et les plus enthousiastes de la Participation. Cette grande ¦ouvre, freinée par Georges Pompidou et abandonnée par les successeurs du Général, ne subsiste qu¹à l¹état d¹ébauche.   

   Limitée par quelques ordonnances à l¹actionnariat salarié et à l¹intéressement des salariés, jamais appliquée dans sa partie la plus importante, celle des responsabilités qui rejoint en partie le concept d¹autogestion, la participation conserve de nos jours un caractère marginal et inachevé. C¹était pourtant une grande idée que le Général de Gaulle voulait étendre à bien d¹autres secteurs qu¹à celui de la seule entreprise, notamment aux régions et aux universités. Une grande idée qui ne demande qu¹à resurgir dans la société de 2005 où l¹on n¹a jamais tenu aussi peu compte de l¹avis des salariés comme de l¹avis des citoyens.

   Malheureusement,  le temps et les soutiens manquèrent au Général de Gaulle pour réaliser ce qui aurait pu être une véritable révolution sociale et l¹échec du référendum du 27 avril 1969 sur la régionalisation devait l¹amener à quitter le pouvoir sans qu¹il ait pu mener à bien ce grand dessein.

   Féru d¹histoire et de culture humaniste, le Général de Gaulle fut toujours habité par la préoccupation constante de la justice sociale, liée à une volonté d¹efficacité économique. Il voyait dans l¹aliénation des travailleurs salariés, entraînés dans un engrenage, qui fait d¹eux des instruments, une anomalie moralement inacceptable, un facteur permanent de frustrations et de révoltes. Il dénonçait selon ses propres termes « l¹infirmité morale du capitalisme » et « les insatisfactions massives et perpétuelles » causées par la doctrine basée sur le laisser-faire, laisser-passer.

   Aussi cherchait-il à sortir de l¹opposition entre capitalisme et communisme par la recherche d¹une troisième voie qui aurait permis aux travailleurs d¹être associés non seulement au capital, aux résultats mais surtout aux responsabilités des entreprises.

   Dans ses Mémoires d¹Espoir inachevés, écrits en 1970, peu après son départ de l¹Élysée et peu avant sa mort, le Général décrivait la Participation comme « un nouveau régime qui règle les rapports humains de telle sorte que chacun participe directement aux résultats de l¹entreprise à laquelle il apporte son effort et revêt la dignité d¹être pour sa part, responsable de l’oeuvre collective dont dépend son propre destin. »
   « N¹est-ce pas la transposition sur le plan économique, compte tenu des données qui lui sont propres, de ce que sont dans l¹ordre politique les droits et les devoirs du citoyen ? »
   « C’est dans ce sens que je tenterai d¹ouvrir toute grande en France la porte à la participation qui dressera contre moi, l¹opposition déterminée de toutes les féodalités économiques, sociales, politiques, journalistiques qu¹elles soient marxistes, libérales ou immobilistes. Leur coalition, en obtenant du peuple que dans sa majorité, il désavoue solennellement de Gaulle, brisera sur le moment, la chance de la réforme en même temps que mon pouvoir. Mais, par delà les épreuves, les délais, les tombeaux ce qui est légitime peut un jour être légalisé, ce qui est raisonnable peut finir par avoir raison. »

   En ce qu¹elle vise à mettre fin à l¹aliénation des travailleurs salariés, la participation s¹intègre parfaitement à l¹axe principal de la pensée politique et sociale du Général de Gaulle, laquelle peut se définir par trois objectifs :
       1°) le liberté;
       2°) la maîtrise par chacun de son propre destin;
       3°) l¹accession de tous, à commencer par les plus défavorisés, à la dignité.`

   Toute l¹action historique du Général de Gaulle s’ordonne autour de ces trois objectifs. On peut, en faire un récapitulatif éclairant à cet égard.
       - la résistance contre le nazisme et la Libération de la France occupée;
       - le retour, dès la victoire, aux libertés démocratiques et républicaines;
       - le pacte social qui nous régit encore en 2005;
       - le droit de vote accordé aux femmes;
       - le respect du peuple souverain par le recours constant au référendum;
       - l¹élection du président de la République au suffrage universel;
       - l¹émancipation des peuples colonisés et leur accès à l¹indépendance;
       - l¹ambition de créer une Europe des peuples et des nations et non une Europe supranationale dirigée par des technocrates échappant à tout contrôle démocratique;
       - le refus de toute hégémonie au niveau international et notamment de l¹hégémonie américaine;
       - le retrait de la France de l¹OTAN afin d¹assurer son indépendance;
       - la réaffirmation obstinée du droit des peuples à disposer d¹eux-mêmes, proclamée en tout lieu, aussi bien à Montréal (Vive le Québec libre) qu¹a Phnom Penh , pour réclamer le retrait des troupes américaines du Viêt-nam;
       -la reconnaissance officielle de la Chine, jusque là mise à l¹écart de la scène internationale;
       - la volonté de rapprocher les peuples du monde autour de nos trois principes républicains de Liberté, d¹Égalité et de Fraternité.

   Le gaullisme social et toutes les actions que je viens d¹énumérer avaient un seul et même but : libérer les hommes et les peuples de tout ce qui les opprime, les asservit et les humilie. Une incitation à la résistance contre toutes les tyrannies, contre toutes les situations d¹aliénation, au nom de la défense et de la promotion de la dignité humaine : « Le combat pour l¹homme est le seul combat qui vaille » disait-il dans l¹affirmation d¹un principe de portée universelle.

   C¹est la raison pour laquelle ce symbole de liberté que représente le Général de Gaulle, ce NON à la fatalité historique et à la résignation au monde tel qu¹il est, cet esprit de résistance, représentent un formidable encouragement aux luttes que nous devons entreprendre aujourd’hui pour améliorer le monde qui nous entoure.

   Le gaullisme social doit dès lors être considéré comme une puissante arme révolutionnaire, à utiliser pour nous libérer de l¹idéologie ultra-libérale qui nous enserre à l¹échelle mondiale et qui réduit les hommes à n¹être que de simples instruments livrés à la loi de la jungle, propice à ces grands prédateurs que sont les grandes puissances financières et les multinationales.

   Tous les Français, qui ont voté NON au référendum du 29 mai 2005 et qui ont participé au réveil du peuple français contre les forces de la servitude, ne doivent avoir aucun complexe à se réclamer du Général de Gaulle et du gaullisme social. Chaque citoyen de notre pays peut légitimement se revendiquer de son exemple au nom de la défense de la République et de la France.

   Pas de la France antigaulliste dont nous avons honte, cette France réactionnaire et xénophobe qui déteste les étrangers et qui veut en faire les boucs émissaires de nos difÞcultés pour faire oublier ses propres responsabilités. Mais de la France que nous aimons et dont nous pouvons être Þers. La France qui, tout au long de son histoire, se dressa pour défendre les opprimés, les offensés, les humiliés, les plus défavorisés. La France des Lumières et de la Révolution française. La France des soldats de l¹An II et de la bataille de Valmy.

   La France de Victor Hugo et des Misérables. La France de Victor Schoelcher et de l¹abolition de l¹esclavage. La France de la République. La France de Jaurès et de la Justice sociale. La France de la Résistance. La France de Jean Moulin et du Maréchal Leclerc. La France du Général de Gaulle. La France qui reste pour beaucoup d¹étrangers de par le monde, la patrie des Droits de l¹Homme et le symbole de la Liberté.

   La refondation de la République à laquelle appelle à juste titre Jean-Pierre Chevènement implique que nous nous inspirions à nouveau du Général de Gaulle et de son modèle social. L¹article 1er de la Constitution de la Ve République, dont il fut le fondateur, proclame avec force que « la France est une République laïque, démocratique et sociale. Elle assure l¹égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d¹origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

   Un texte fondateur qu¹il nous appartient de faire respecter par tous: des responsables politiques aux simples citoyens. Nous devons rappeler à ceux qui l¹auraient oublié que nous ne sommes pas une nation à fondement ethnique ou religieux, mais une nation de citoyens libres et égaux en droits  et en devoirs.
   Face à la grave crise sociale des banlieues, il nous appartient de condamner toute violence d¹où qu¹elle vienne, mais aussi toute ségrégation ou apartheid susceptibles de frapper nos compatriotes issus de l¹immigration qui appartiennent souvent aux catégories les plus défavorisées et qui sont cependant des Français comme les autres.

   Pour nous le République ce n¹est ni l¹exclusion, ni la xénophobie, ni la répression policière aveugle, érigée en panacée universelle. La République, c¹est la compréhension des problèmes l¹égalité et la fraternité. C’est aussi un ordre public qui repose sur la justice sociale.

   Et c¹est au nom de la France et au nom de la République que nous devons appeler su renversement d¹un système qui opprime l¹ensemble de la planète. Deux politologues américains : Seymour Martin Lipset et Gary Mars ont dressé ce constat lucide : « Le mouvement de bascule apparemment universel en faveur du capitalisme pourrait ne pas durer. Le capitalisme, le marché ne constitue pas une utopie, même au seul plan économique. Au mieux, il fait miroiter la promesse d¹une loterie, mais comme toutes les récompenses de ce genre, le gros lot n’échoit qu¹à une petite minorité de joueurs, le capitalisme qui ne promet d¹éliminer ni la pauvreté, ni le racisme, ni le sexisme, ni la pollution, ni la guerre, fait très peu appel à l¹idéalisme des jeunes et des intellectuels. De nouveaux mouvements, quand ils laissent espérer réformes et utopies vont apparaître. Le combat n¹est pas terminé. »

   Pour clore mon exposé, j¹aimerai rendre hommage à un éminent gaulliste de gauche qui nous a quittés il y a un peu  plus d¹un an : Paul-Marie de la Gorce en vous lisant la très émouvante conclusion de sa monumentale biographie consacrée au Général de Gaulle et qui sera aussi ma conclusion :
   « Quand tout est dit sur les nations, les États, les sociétés, le monde et l¹histoire, reste l¹irréductible. Ce qui restera de l¹aventure que de Gaulle a vécue et fait vivre. La fureur devant la défaite de 1940, le dégoût pour les partisans de la servitude. La passion sans mesure qui emporta les Français libres et les Résistants. La force de lutter qui accompagna les déportés jusque dans leur calvaire. La fraternité des combattants et des clandestins dont tous ceux qui l¹ont connue gardent l¹indicible nostalgie. Et les fusillés sans nom qui sont tombés en criant « Vive de Gaulle ». L¹histoire, sans doute, recouvrira tout. En fin de compte, restera, peut-être, quelque chose de plus que l¹Histoire. »