« Avec Jean-Pierre Chevènement, la République, c’est royal »

 

Ainsi donc le MRC et Jean-Pierre Chevènement font partie maintenant des soutiens de Ségolène Royal.

C’est une démarche que nous partageons et qui s’inscrit dans la logique de C2R, celle de l’influence.

Quelques uns d’entre nous ont le sentiment de découvrir une dimension du réel encore inconnue il y a peu. Ce sentiment est d’ailleurs sans nul doute partagé au-delà de nous. D’ailleurs, nous croisons les regards éberlués de ceux qui nous ont enterré vingt fois et de ceux – un peu torves – à qui nous servions de référence lointaine ayant le bon goût de rester du domaine de l’archéologie.

Tous ceux-là n’ont trouvé qu’une explication rationnelle à ce brusque basculement de la réalité : un marchandage électoral dont les termes seraient notre survie contre le soutien.

En tant que tel, l’existence d’une telle transaction n’aurait rien de honteux.

Nous avons tous un coté stendhalien avec un petit goût pour la consumation sublime sur l’autel de la vertu républicaine. On ne se refait pas mais nous pouvons peut-être nous accorder un petit répit avant le départ pour Sirius.

La réalité est là et, comme l’a fort justement rappelé Georges Sarre dans son intervention à la convention nationale du MRC qui a décidé du soutien à Ségolène Royal, le sens de notre action politique est avant tout de changer le réel et non de porter témoignage.

Mais pour agir, il faut être en état de le faire.

Nous pouvons inviter ces citoyens qui se désespèrent du cynisme de la décision, à prendre en compte cette dimension. Quant à ceux qui nous en font grief de l’extérieur, ils parlent d’or et nous reprochent des turpitudes qu’ils connaissent bien.

Mais il faut nous convaincre que cet accord impacte bien davantage que notre survie. Sans crainte d’une forme de grandiloquence, cet accord politique est bon pour la France, pour nos idées et pour le Mouvement Républicain et Citoyen.

Cet accord, car il s’agit bien d’un accord, est d’abord bon pour la France parce que son contenu, inopinément, pulvérise un nombre appréciable de tabous politiques qui ont été établis par le politiquement correct – nous reviendrons sur leur contenu- depuis l’ouverture de la « parenthèse libérale ». Il est fort probable que la candidate socialiste se serve de nous comme prétexte à cet « outing » républicain.

Sans doute certains de ses proches justifieront-ils auprès d’autres leaders ces griffures au politiquement correct par la nécessité de nous amadouer. La belle affaire !!! Ce qui est signé est signé surtout quand cela vient en ressort d’autres coups de canif, qui de loin en loin, émaillent le discours de Ségolène Royal et qui dessinent une direction : le retour du peuple, de ses aspirations, de ses doutes, de sa vie mais aussi de son pouvoir.

Parce que Jean-Pierre Chevènement est l’homme qui ne plie pas, parce qu’il incarne l’exigence républicaine, il est clair que cet accord constitue un point d’appui, arrive en caution et qu’il valide la démarche. Pour ceux qui s’en souviennent, le premier slogan du MDC était « relever la gauche avec la France ». Nous n’en sommes pas si loin et c’est bien là le chemin de la reconquête de l’électorat populaire. Nous n’en sommes pas les vecteurs principaux et sans doute seulement les révélateurs. Peut être est-ce frustrant. Mais, pour le service du pays, c’est un point d’appui très positif qui peut changer la donne politique pour laquelle nous militons depuis des années aux côtés de Jean-Pierre Chevènement.

D’autant, que, sur le fond, il serait malséant de faire la fine bouche. Réorientation de la construction européenne, refus d’une nouvelle constitution européenne, remise en cause de l’indépendance et des missions de la banque centrale européenne, primat de la constitution française, réaffirmation de l’Etat fort et stratège, rôle de la loi, lien entre le social et la Nation, acceptation du choix des citoyens de Corse exprimé lors du référendum insulaire, préservation du nucléaire… La moisson n’est pas si mauvaise.

Il faut inviter tout un chacun à lire l’accord politique conclu entre les deux formations qui est accessible ci-après. Il n’est pas un des paragraphes qui ne mérite d’être souligné. Juste pour prendre la mesure du chemin qu’a parcouru l’un et l’autre, prenons un seul passage :

«  Le MRC et le PS entendent réorienter la construction européenne pour la mettre au service de l’emploi et de la croissance concertée. Pour cela, ils proposent de réformer le pacte de stabilité pour en faire un pacte de croissance, d’instituer un gouvernement économique de la zone euro, capable de mettre en œuvre cette priorité à la croissance, de réformer les statuts de la Banque centrale européenne pour inscrire dans ses missions la recherche d’un haut niveau d’activité et d’emploi. La lutte contre l’euro cher sera une de nos priorités. »

Lors du congrès du MRC, ceux d’entre nous qui en sont militants avaient proposé que notre mouvement poursuive une stratégie d’influence auprès de la gauche. Elle trouve là une réalisation rapide que nous n’aurions pas espérée. Car, honnêtement, qui a fait le chemin ?

Là encore, le doute peut se comprendre quant à la conviction réelle de nos partenaires : Jean Pierre Chevènement n’est il pas l’auteur du programme socialiste de 1981 ?

Mais l’histoire ne bégaie pas toujours. Cela lui arrive même rarement. Ni la gauche, ni la France de 2006 ne sont celles de 1981 ou de 2002. La crise est non seulement sociale mais elle est aussi morale et politique.

Elle est telle que même un raisonnement cynique et intéressé peut pousser vers nos idées, simplement parce qu’elles permettent aux citoyens de situer le chemin du redressement. Et puis, à la suite du référendum du 29 mai 2005, la simple existence de ce discours républicain installe une nouvelle hégémonie au sens de Gramsci.

Cela étant, des désaccords subsistent. Ainsi, la nouvelle définition de la décentralisation n’est elle pas exempte d’ambiguïté. Ces désaccords ne doivent pas nous « rassurer » comme preuve de notre identité mais nous pousser à poursuivre le débat.

Considérons ceux qui veulent aujourd’hui « sauver l’honneur du oui », considérons les commentateurs qui se désolent de la « chevènementisation » de la campagne de Ségolène Royal, considérons les articles qui s’effraient du retour de la République, et mesurons,  à l’aune du dépit de nos adversaires, la force de notre réhabilitation.

Car il faut bien conclure par cela. Cet accord est bon aussi pour Jean-Pierre Chevènement et pour le Mouvement Républicain et Citoyen auquel nombre d’entre-nous appartiennent ou ont appartenu.

Cela pour trois raisons. La première a été énoncée plus haut : pour combattre, il faut survivre. Ayons un regard lucide sur ce que nous sommes pour estimer ce que nous avons obtenu : la capacité à avoir des parlementaires, car comment porter des idées, un projet, sans femmes et hommes pour les faire entendre ?

La seconde, là aussi déjà décrite, c’est que Jean-Pierre Chevènement y trouve une réhabilitation complète. Est-ce négligeable ? Pour le considérer tel, il faut ne rien avoir vécu de la période qui vient de s’écouler depuis 2002 !

On nous a voulu morts, on nous redécouvre utiles et toujours vivants ! Car la « réhabilitation » de la mouvance chevènementiste n’est pas que la fin de sa stigmatisation. Elle est la reconnaissance de sa « valeur ajoutée » politique, de sa raison d’être en tant que formation politique. Il y a même une ironie douce amère à observer les déboires d’un certain nombre de nos anciens camarades qui ont cru voir dans l’anti-libéralisme une porte de sortie militante. Etre « anti », ce n’est pas une raison d’être politique suffisante.

Et puis la dernière raison qui fait que cet accord est bon pour notre mouvement, est qu’il le sort de son autisme. La période qui s’ouvre va nous donner peu de loisirs pour nous gargariser de notre posture. C’est notre action qui fera notre force et sans aucun doute aussi notre unité.

Tout n’est pas réglé dans un Mouvement Républicain et Citoyen qui reste à construire. Tout n’est pas écrit ni garanti. Mais – si vous me tolérez cette douce provocation – il y a dans les « retrouvailles historiques » avec Jean-Pierre Chevènement saluées par Ségolène Royal, une réalité incontestable : nous sommes au centre du jeu.

Et Jean-Luc Laurent a eu raison de dire à la Convention nationale qu’une nouvelle période s’ouvre désormais à gauche pour les républicains.

A nous tous de nous mettre en mouvement !

 

Guillaume Vuilletet