CHRONIQUE D'EVARISTE

Communautarisme corse : la direction du PS est à jamais irredressable !

 

François Hollande s'est encore surpassé. Voulait-il être certain de passer des vacances tranquilles en Corse ? Toujours est-il que nous apprenons, à la lecture d'un article de Christophe Forcari, dans « Libération » du 11 août, que celui qui n'avait rien trouvé de mieux pour vanter le « oui » que de poser avec Nicolas Sarkozy à la une de Paris-Match, qui a insulté les partisans du « non » tout au long de la campagne, a encore fait preuve d'un sens politique hors du commun en parlant du dossier Corse !

 

Dans une interview accordée à « Corse Matin », il réussit à se plaindre de « la stagnation des décisions politiques au sujet de la Corse » et, cerise sur le gâteau, a à dire que « le gouvernement Jospin était le seul qui avait réussi à réunir tous les partenaires sur la politique à tenir en Corse ».

 

Passons sur la cruauté de l'actualité pour l'auteur de ces paroles inoubliables. Les nationalistes corses ont fait un bide, lors de leur classique université d'été de Corte. Profondément divisés, marginalisés, ne se remettant pas de la victoire du « non » au référendum de 2003, leur leader mafieux Charles Pieri emprisonné pour dix ans, Talamoni discrédité, les ethnicistes militants de la mouvance nationaliste sont au fond du gouffre, malgré une capacité de nuisance qui n'a pas été totalement éradiquée.

 

Signe des temps, Alain Ferrandi, le commanditeur de l'assassinat du préfet Erignac, emprisonné à perpétuité à Clairvaux, a été agressé à coups de boules de pétanque par d'autres détenus, et sérieusement amoché. Une manifestation de soutien à ce « crime soutenu par l'Etat colonial français » n'a pas réuni cent personnes, à Ajaccio.

 

Par contre, allant encore plus loin que son chef, le porte-parole du PS Julien Dray, affirme : « En 2007, il faudra repartir du projet élaboré par Lionel Jospin. On n'a pas trouvé mieux. Nous avions d'ailleurs milité pour le oui au référendum en 2003 parce que c'était la ligne des accords de Matignon. La question institutionnelle se posera alors ».

 

Emile Zuccarelli, la maire de Bastia, s'est montré indigné par de tels propos. « Je vois mal quelles décisions politiques autres que la conduite du développement économique et la poursuite de la lutte contre les dérives mafieuses pourraient utilement être prises en Corse. Sauf à renouer avec les réformes institutionnelles politiques qui ont conduit à la division de la gauche et à des dégâts considérables pour la Corse. ». Souvent menacé de mort, victime d'attentats, le maire de Bastia, sait de quoi il parle, lui qui a toujours courageusement défendu les valeurs de la République, et n'a jamais cédé un pouce de terrain aux communautaristes de l'Ile.

 

On ne peut en dire autant de la direction du PS. Il en faut du mépris pour l'expression du peuple pour tenir les propos de Hollande et de Dray. Déjà au lendemain du 29 mai, elle avait su montrer le peu d'estime qu'elle avait pour le vote des citoyens, et notamment celui des 60 % d'électeurs socialistes qui ont voté non au traité libéral qu'on voulait nous imposer. Elle franchit cette fois une étape en affirmant tout de go qu'elle s'assoira sur le vote des électeurs corses, qui, en 2003, avaient refusé le projet de Sarkozy, soutenu par l'ensemble des forces politiques, des nationalistes à l'UMP en passant par l'UDF, le PS, les Verts et la partie droitière du PRG. Seuls, Emile Zuccarelli et quelques communistes comme le maire de Sartène, Dominique Bucchini, feront courageusement campagne pour le non, ainsi que quelques militants isolés de droite. Majoritairement attachés aux valeurs de la République, les Corses, malgré un matraquage médiatique et le soutien de 85 % des forces politiques, ont refusé, à 51 %, d'approuver ce texte, faisant un pied de nez à toute la classe politique, et surtout aux amis de Talamoni, fort dépités du résultat.

 

Julien Dray n'a raison que sur une chose, ce référendum, proposé par Sarkozy, qui, en bon communautariste, avait les yeux de Chimène pour les autonomises corses, reprenait effectivement l'esprit des accords de Matignon. Là est le problème. Rappelons tout de même ce qu'ils étaient, et le contexte dans lequel ils furent signés. Lionel Jospin, dans une période où l'extrême droite corse multipliait les attentats, avec la bienveillance du journal « Le Monde » et de son directeur, Jean-Marie Colombani, qui continuait à parler des « combattants corses », avait mis fin au préalable du renoncement à la violence. Il avait décidé, suite à des tractations où furent mouillés quelques franc-maçons qui avaient oublié leurs fondamentaux, d'associer Talamoni et les siens à un « processus de paix ». Le résultat fut à la hauteur des interlocuteurs choisis.

 

Chose unique dans la République où la loi doit être la même pour tous, des pouvoirs législatifs spécifiques furent accordés au Parlement corse, où les nationalistes, en jouant les arbitres, auraient fait la pluie et le beau temps. On donna satisfaction à une autre vieille revendication des autonomistes, l'apprentissage obligatoire du Corse dans toutes les écoles de la République, bonne façon d'imposer la corsitude des emplois dans la fonction publique. La Charte des langues régionales, votée en 1999 par le Parlement européen, mais refusée par la France, parce qu'elle tournait le dos à sa Constitution en ne reconnaissant plus le Français comme langue unique, unificatrice de la Nation, pouvait donc s'appliquer en Corse. Cela aurait signifié, outre l'apprentissage obligatoire du Corse à l'école, le devoir pour l'Etat d'exécuter des actes administratifs en langue corse, et d'embaucher dans la fonction publique des traducteurs corses, comme le réclame par ailleurs les communautaristes basques, bretons, occitans et tous ceux qui veulent en finir avec l'Etat-Nation, et aller vers l'Europe des Régions !

 

Emile Zuccarelli, bête noire des racketteurs-plastiqueurs, qui protesta contre cette volte-face, fut viré du gouvernement.

 

Cela lui évita d'en démissionner, comme le fit Jean-Pierre Chevènement, totalement court-circuité par Jospin et son directeur de cabinet Olivier Schramek. Jean-Luc Mélenchon, à l'époque ministre, fit connaître son indignation devant cette pantalonnade, mais se vit rapidement rappelé à l'ordre, et au silence !

 

En préférant les communautaristes aux Républicains, en abandonnant les habitants de l'Ile à des mafieux, Lionel Jospin et son gouvernement préparaient le 21 avril. Le résultat du référendum corse, à peine une année après, confirmait de manière cinglante l'aveuglement des dirigeants socialistes, mais aussi de toute la classe politique, depuis des années, et le rejet de la population des assassins poseurs de bombes et leurs revendications communautaristes.

 

Il est totalement cohérent qu'Emile Zuccarelli, Jean-Luc Mélenchon et Jean-Pierre Chevènement, les trois personnalités qui protestèrent le plus fort contre la mascarade de Matignon, se soient retrouvé, avec un discours républicain, dans le camp du « non », en 2005, deux ans après le référendum corse.

 

Il est surtout extraordinaire que les dirigeants socialistes affichent aussi ouvertement un tel mépris pour le suffrage populaire, leur incapacité à imaginer une Corse républicaine, et disent cyniquement qu'ils ne tiendront pas compte du suffrage de 2003 s'ils revenaient au pouvoir. Il est vrai que Strauss-Kahn a osé reprocher à Chirac d'avoir organisé un référendum en 2005 sur le TCE.

 

Coupés du peuple, méprisant ses choix, les énarques de la rue de Solférino osent espérer revenir en 2007. Mais qui pourrait avoir envie de reconfier le pays à des communautaristes militants comme Jack Lang ou Martine Aubry, à Dominique Strauss-Kahn, ou bien à l'éternel revenant Jospin ? Ils sont à jamais irredressables !