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Femmes ! Ils espèrent votre abstention, dites leur NON !

A trois jours d’intervalle, les 17 et 20 mars, la surprise fut de taille : 51 % contre 49 % puis 52 % contre 48 % en faveur du NON au traité constitutionnel. Même si l’histoire récente nous a appris la prudence à l’égard des sondages, nous voyons dans ces chiffres un signe d’encouragement.

Reste qu’une majorité de l’électorat ne se prononce pas encore et parmi celle-là « près d'une femme sur deux ne répond pas à la question d'intention de vote » (Le Forum d’Ipsos du 17 mars 2005.) Selon Pierre Giacometti « plus la différence entre hommes et femmes est importante dans les enquêtes d'opinion politique, et plus on touche à de l'abstraction. Ici, dans la perception de l'interviewé, le sujet renvoie à une politique éloignée du quotidien ».

Le quotidien des femmes serait-il éloigné de celui des hommes au point que leur intérêt pour la chose politique « abstraite » les pousserait davantage à l’abstention ?

Aujourd’hui, plus des trois quart des femmes de 15 à 59 ans sont présentes sur le marché du travail (temps complet 48 %, temps partiel 21 %, chômage 8 % - Insee Regards sur la parité 2004). Toujours selon l’Insee, les rôles restent nettement différenciés sur la répartition du travail domestique : les femmes y consacrent deux fois plus de temps que les hommes. Dans ces conditions, on comprend que la place des femmes dans l’activité économique du pays est très dépendante de la politique familiale.

Initialement, en France, la politique familiale s’est construite autour du travail du mari, pourvoyeur de revenu familial, la femme recevant le statut (peu enviable) d’ayant-droit. Une telle politique sous-entend d’une part la stabilité du mariage et d’autre part la garantie de l’emploi du mari. Autant dire que l’augmentation du nombre des divorces, la précarisation de l’emploi et les aspirations des femmes à une indépendance économique ont mis à mal cette conception de l’aide publique aux familles. Aujourd’hui, la politique familiale fait cohabiter des mesures incitant les femmes les moins qualifiées à retourner à la maison[1] avec d’autres mesures permettant à celles qui ont un niveau d’études supérieur de poursuivre leur carrière lors de l’arrivée d’un enfant[2]. Enfin, la politique familiale tente d’encourager les naissances : le troisième enfant permet de déclarer une part supplémentaire contre une demi-part pour les deux premiers.

Quel doit être le rôle de l’Etat en matière de politique familiale ? Il doit permettre aux couples d’avoir le nombre d’enfants qu’ils désirent sans que pour autant l’un des deux parents (la mère) renonce à tout ou partie de sa carrière professionnelle. Une politique familiale n’est donc pas une politique nataliste mais une politique d’équipements sociaux pour la prise en charge des enfants et plus généralement de toutes les personnes dépendantes. Une politique familiale c’est aussi une politique de prestations sociales adaptées : il n’est par exemple pas acceptable que les allocations familiales cessent dès les 21 ans de l’enfant, qu’il soit ou non dépendant financièrement, alors que le RMI n’est accessible qu’aux personnes de 25 ans et plus.

Le forum Ipsos du 17 mars 2005, relève que « la présence du NON est forte dans les milieux confrontés à la vie active, salariés, tranches d'âges intermédiaires. » Il faut voir dans cette remarque une part d’explication au désir d’abstention plus massif des femmes, qui sont d’autant plus tournées vers la bonne marche du foyer que les services publics sont défaillants.

Alors il faut expliquer qu’une politique familiale, pièce maîtresse du dispositif permettant la participation égalitaire des femmes et des hommes à l’activité économique, ne peut s’accommoder de budgets corsetés par un pacte de stabilité asphyxiant les services publics ! Mais il faut aussi prévenir, dans le traité constitutionnel il y a pire ! Les services publics garants de la protection sociale disparaissent au profit des « services d’intérêt économique général ». Ces derniers doivent fonctionner « sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions » (Article III-122) mais restent « soumi[s] aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de la concurrence » (Article III-166) et ne peuvent recevoir d’aides de l’Etat déclarées « incompatibles avec le marché intérieur » (Article III-167).

 

Citoyennes, si le traité constitutionnel était adopté, il faudrait s’attendre à une aggravation des conditions d’exercices d’une activité professionnelle pour les femmes !

Le travail, c’est le moyen de votre indépendance économique, vous l’assumez malgré toutes les difficultés quotidiennes, ne laissez pas les libéraux décider de votre vie !

Ils comptent sur votre abstention, dites leur NON !

 

Aimée Gourdol

Secrétaire nationale aux droits des femmes