Remonter

L’après loi Fillon a commencé.


L’adoption par l’Assemblée Nationale du « socle commun de connaissances et de compétences » constitue pour notre démocratie un dangereux tournant.

En quelques semaines, du rapport Thélot à la loi Fillon, l’école se retrouve défaite d’une des ambitions les plus ancrées au cœur de notre démocratie : faire accéder le plus grand nombre aux savoirs et à la réussite scolaire.

Qu’il ait pu y avoir, durant un temps, l’esquisse d’un consensus sur cette disposition révèle combien, en matière éducative aussi, le libéralisme triomphant a gagné bien largement les esprits.

Car il s’agit notamment, dans la loi, de remplacer le savoir par la compétence. C’est du même coup nier toute une partie de la dimension émancipatrice de l’école. Et pour une parfaite adéquation des salariés aux besoins des entreprises, la représentation nationale sera consultée tous les 3 ans « sur la manière dont les programmes prennent en compte le socle commun »…

Notre système éducatif est aujourd’hui profondément remis en cause par ce texte. Faut-il rappeler que pour beaucoup de français l’égalité demeure un puissant facteur d’intégration… à condition bien sûr de s’en donner les moyens.

L’opposition légitime des lycéens à ce qu’ils considéraient comme un baccalauréat au rabais, risquant de ramener ce premier diplôme universitaire à un simple certificat de fin de scolarité, par nature discriminant, est bien l’expression et la claire conscience que l’un des derniers symboles d’égalité dans l’éducation ne pouvait être remis en cause sans le début d’un débat et d’une concertation.

Le socle commun des connaissances est le symbole d’un système éducatif tiré vers le bas, qui renonce à l’égalité des chances face au savoir, mais aussi l’habillage conceptuel destiné à maquiller la purge budgétaire à l’œuvre depuis 3 années.

Car d’une certaine manière, avant d’être votée, la loi Fillon est déjà appliquée.

Pendant que la commission Thélot inventait les syntagmes et les paradigmes d’une école réduite aux indispensables, le gouvernement Raffarin lui supprimait déjà, couperet rectoral en main, les postes d’enseignants et les heures d’enseignement par milliers.

Pendant que le Ministre « dépité » selon la presse « lisait ses textos » en séance, l’Académie de Paris présentait, à la dérobée, sa carte scolaire 2005 et la fermeture nette de 24 classes dans le premier degré pour 500 élèves de plus à la rentrée prochaine ainsi que la suppression de 119 postes d’enseignants dans le second degré.

De Lille à Marseille la politique mise en œuvre procède des mêmes méthodes. D’un coté on affaiblit l’école maternelle en lui refusant les moyens indispensables pour assurer la scolarisation des plus jeunes. De l’autre on sacrifie l’enseignement professionnel, par transfert ou redéploiement.

D’un coté l’on entretient le mécontentement des familles et des enseignants, en augmentant le nombre d’élèves par classes, de l’autre l’on diminue les moyens alloués aux établissements scolaires.

A ce jeu, il fait peu de doutes que l’objectif poursuivi ne se réalise : réduire le périmètre de l’école, encourager la fuite vers l’enseignement privé, créer les conditions d’une école à plusieurs vitesses, et demain d’une école livrée au commerce.

C’est dire si, de la directive « Bolkestein » sur la libéralisation des services, à la loi Fillon, la cohérence d’une politique destinée à privatiser le service public de l’éducation paraît évidente.

Et si certains supplient les Français de ne pas « se tromper de colère », comment ces derniers ne pourraient-ils pas faire ce lien, chaque jour plus éclatant, entre une construction européenne d’abord libérale et un système éducatif toujours plus affaibli !

Face à l’obsession qui anime les libéraux de réduire l’école à une peau de chagrin, la gauche doit construire une alternative, en se défaisant de ses vieilles querelles et en replaçant l’égalité d’accès et l’égalité des chances au cœur de son projet éducatif.



Eric FERRAND
Adjoint au Maire de Paris
Chargé de la vie scolaire
Conseiller Régional d’Ile de France
MRC