Silence ! L'Europe brade les droits des femmes !

 

Le 17 janvier 1975 paraissait au journal officiel la loi légalisant l'interruption volontaire de grossesse, dont nous venons de fêter les 30 ans.

 

Personne, à droite comme à gauche, n'a manqué de saluer le courage de Simone Veil qui a tenu bon face aux attaques, parfois odieuses, des députés de son propre camp. Juste reconnaissance envers celle qui a su dire NON !

 

Avant toute chose rappelons que si l'on peut déplorer l'importance du nombre d'IVG (plus de 200 000 par an en France), la légalisation de l'acte, en protégeant les femmes des affres de l'avortement clandestin, leur évite bien des drames et demeure un bienfait pour leur santé.

 

Ceci étant dit, force est de constater, que les commémorations officielles ont peu commenté l'ambiance de l'époque. Pourquoi en 1972 Marie-Claire Chevalier, jeune avortée de seize ans, a-t-elle été acquittée par le tribunal pour enfants de Bobigny ? Parce qu'elle était défendue par Gisèle Halimi, avocate de talent et de conviction ? Certainement, mais pas seulement !

 

Passer sous silence les milliers de manifestantes qui assiégeaient les abords du tribunal, ne pas s'interroger sur le fait que la loi Veil a été votée avec une majorité de voix de gauche, c'est tout simplement prendre des libertés avec la réalité historique.

 

Ce voile pudique jeté sur des luttes trentenaires n'est pas fortuit, il permet de taire les insuffisances : la faible rémunération de l'acte place les centres d'IVG en grande difficulté, le personnel y est vieillissant ; les carences dans la formation des professionnels sont inacceptables ; le manque d'information sur les méthodes contraceptives modernes et les tarifs pratiqués compromettent l'objectif affiché d'une baisse du nombre d'IVG.

 

Surtout, dans les salons officiels, les congratulations consensuelles ont permis de faire silence sur un autre thème consensuel, celui du oui au prochain référendum ! Car il faut bien le reconnaître, en la matière, le terrain est miné ! Songez donc, les Irlandaises, les Portugaises n'ont pas le droit à l'avortement ; en 1993 les Polonaises l'ont perdu (preuve s'il en fallait que la vigilance n'est pas superflue) ; quant aux Maltaises, privées elles aussi de ce droit, il faut qu'elles sachent qu'elles n'ont rien à attendre de l'Europe. En effet, leur gouvernement n'a accepté l'entrée dans la communauté qu'à la condition expresse qu'«aucune disposition du traité établissant une Constitution pour l'Europe ni des traités et des actes le modifiant ou le complétant n'affecte l'application, sur le territoire de Malte, de la législation relative à l'avortement.» (article 62 du protocole annexé au traité d'adhésion).

 

Enfin, il faut savoir que malgré (ou à cause de) ces inégalités entre les Européennes, le projet de traité, qui s'il était adopté supplanterait la loi française, n'a pas posé le droit des femmes à choisir leur maternité ! En revanche, il précise que l'Union maintient avec les églises « un dialogue ouvert, transparent et régulier » (article I-52). Faut-il préciser que les églises se sont toujours opposées aux droits des femmes, particulièrement en matière d'avortement ?

 

Les tenants du oui prétendent que le texte soumis au vote ne comporte que des avancées et aucun recul. Mensonge ! Le projet de traité constitutionnel fragilise les droits des femmes !

 

Envers les femmes d'Europe qui risquent leur vie en pratiquant des avortements clandestins, notre solidarité s'impose comme une évidence. Cette solidarité, nous l'avons criée dans la rue le 15 janvier dernier lors de la manifestation fêtant la loi Veil ; mais cela ne suffit pas, il faut reléguer aux archives de l'histoire ces textes d'un autre âge !

 

Le référendum nous offre l'opportunité de mettre un coup d'arrêt à la dérive rétrograde de l'Europe, l'opportunité de témoigner notre solidarité à l'égard des femmes qui souffrent des dangers de l'avortement clandestin. Ne manquons pas ce rendez-vous de l'histoire !

 

Votez citoyennes ! Votez NON !

 

Aimée Gourdol

Secrétaire nationale aux droits des femmes