Une directive européenne « sociale » peut cacher un recul social !

Le projet de Constitution pour l’Europe prévoit que :

« Toute personne qui réside et se déplace légalement à l'intérieur de l'Union a droit aux prestations de sécurité sociale et aux avantages sociaux, conformément au droit de l'Union et aux législations et pratiques nationales. » (Article II-94 paragraphe 2)

A aucun moment, le texte n’explicite le « droit de l’Union » en la matière ; il ne pose pas de principe semblable à celui de notre Sécurité sociale basé sur une cotisation obligatoire et une double solidarité entre malades et bien-portants, actifs et inactifs. Ce faisant, il offre un marché considérable aux assureurs privés dont la philosophie est la cotisation volontaire pour couvrir une série de risques préalablement établis. Désormais, foin de solidarité ! L’objectif est d’assurer le risque, au tarif le plus lucratif pour l’assureur. Plus le risque est élevé plus la prime d’assurance est conséquente[1]… Ainsi, au motif d’une longévité statistiquement supérieure et de « risques » d’utilisation des soins de santé plus importants, du fait notamment des grossesses, les assureurs proposent des contrats d’assurance santé plus chers pour les femmes que pour les hommes !

 « Scandalisée » par une telle pratique, que fort justement elle juge discriminatoire, la Commission européenne, a souhaité qu’avant mars 2005 soit adoptée une proposition de directive [COM(2003)657] interdisant « les discriminations fondées sur le sexe dans l’accès et la fourniture des biens et services … et donc tout traitement défavorable en raison de grossesse et de maternité… »

En mars 2004, le Parlement européen a adopté à une large majorité le rapport de Christa Prets (PSE Autriche) favorable à la proposition de la Commission. L’adoption formelle par le Conseil est intervenue le 13 décembre 2004. Seul le Comité économique et social européen a émis une timide réserve, il « appelle à veiller scrupuleusement à l'évolution des coûts répercutés sur les consommateurs à la suite de l'uniformisation des primes et des prestations. »

Dans les jours qui viennent, à l’occasion du 8 mars, les tenants du oui au référendum pourraient bien exhumer cette directive comme preuve qu’une Europe sociale c’est possible ! Or il ne s’agit nullement d’un progrès, mais bien d’un recul social ! Les « pratiques nationales » auxquelles fait référence l’article II-94 (la Sécurité sociale et les mutuelles en France), étant mises à mal par des politiques gouvernementales corsetées par le pacte de stabilité, il est logique que les assureurs privés « attaquent » le marché. Pratiquant d’abord des prix attractifs, ils ne tarderont, comme ils l’ont fait pour les femmes, pas à adapter leur offre à la réalité du marché : augmentation des prix avec l’élévation des risques, rétrécissement de l’éventail des risques couverts.

A tous nos concitoyens, hommes ou femmes, qu’ils soient ou non  descendus dans la rue pour affirmer que « La Sécu c’est vital », il convient de rappeler que construction de l’Europe libérale et saccage de notre protection sociale vont de pair !

 

Aimée Gourdol

Secrétaire nationale aux droits des femmes

et à l’égalité femmes hommes


 

[1] Les offensives des assureurs pour atteindre cet objectif explique les attaques dont les mutuelles sont aujourd’hui l’objet.