OGM : l’obscurantisme ça suffit !

Par Gilles Mercier, chargé de recherche de l’INSERM.

 

Certains s’estimant investis d’une mission salvatrice du genre humain, s’arrogent le droit d’arracher les cultures d’OGM, ce comportement de " gardes rouges " n’est pas acceptable. Les OGM sont diabolisés, ils menaceraient la diversité biologique, représenteraient un danger pour la santé de l’homme et seraient une arme aux mains des multinationales pour dominer le monde ! Qu’en est-il réellement ?

 

Environnement

 

Les plantes cultivées n’ont plus grand-chose à voir avec les espèces dont elles sont issues. Totalement artificielles, elles sont incapables de pousser en dehors de l’intervention humaine. La sélection classique a conduit à la séparation quasi totale du monde domestiqué et du monde sauvage. Les plantes cultivées sont totalement dépendantes de l’homme. Il doit préparer la terre, semer les graines et intervenir régulièrement pour empêcher les plantes sauvages et les nuisibles de réduire les rendements. Ces plantes ne poussent que là où l’homme les sème, ceci malgré le vent, les insectes et les oiseaux qui transportent leurs graines. Les plantes qui colonisent des milieux qui ne sont pas originellement les leurs sont uniquement des plantes sauvages. Les plantes transgéniques sont très peu différentes de leur espèce originelle, elles ne diffèrent que par un petit nombre de caractères qu’on a réussi à leur faire exprimer. Elles disséminent comme les autres, et comme les autres sont incapables de pousser en dehors des zones travaillées par l’homme. Concernant les contaminations de cultures non transgéniques, le problème est le même que celui de la contamination des cultures conventionnelles entre elles. Il est résolu par l’utilisation de semences nouvelles après chaque récolte. Chaque plante transgénique est étudiée en laboratoire, mais un laboratoire ne représente qu’une image simplifiée de la nature. Si la plante transgénique a été validée en laboratoire, elle doit ensuite être testée en milieu naturel où les interactions sont beaucoup plus complexes. Pour qu’un OGM présente un danger il faudrait que le gène inséré modifie de façon spectaculaire le comportement de la plante afin de lui conférer un avantage sélectif en un milieu ouvert. Nous sommes passés d’un problème supposé inhérent à tout OGM à un événement du domaine du spéculatif.

 

Une quinzaine de plantes cultivées ont la possibilité de se croiser avec des espèces sauvages apparentées. Des plantes hybrides sont ainsi générées, mais les chromosomes des espèces cultivées sont progressivement éliminés. En quelques générations, nous sommes revenus à la plante sauvage d’origine. Sans ce processus d’exclusion chromosomique, nous aurions sans cesse de nouvelles espèces hybrides, ce qui n’est pas le cas, chacun restant chez soi.

 

Source de danger pour la santé

 

Chaque jour, nous mangeons des milliers de kilomètres d’ADN, la molécule constituant les gènes. L’ADN, comme les protéines fournies par l’alimentation, est dégradé en constituants élémentaires qui sont réutilisés par l’organisme pour de nouvelles synthèses d’ADN et de proteines. Sans l’efficacité de ce processus, les êtres pluricellulaires n’auraient jamais pu voir le jour ! OGM et allergénicité. L’allergie dépend des protéines allergènes et des individus. Le seul moyen d’éviter qu’un OGM exprime des propriétés allergènes est de ne pas y introduire un gène dont le produit est identifié comme allergène.

 

Subordination de la paysannerie aux multinationales

 

S les agriculteurs recourent de plus en plus aux semences OGM ? (S’il ne reste que 7 hectares en France, près de 80 millions sont cultivés dans le monde, et les 100 millions seront atteints en 2005.) C’est qu’elles ont une valeur d’usage supérieure à celles des semences conventionnelles. Ce sont les paysans qui ont obligé le gouvernement brésilien à légaliser les OGM. Elles demandent moins de travail, leur rendement est supérieur (de 30 à 40 %), les dépenses en fuel, en insecticides sont diminuées. Résultat : le revenu des agriculteurs progresse d’environ 20 %. Le Burkina Faso, dont la récolte de coton, principale source de revenu du pays, est détruite à 50 % par un insecte, ceci malgré le recours aux insecticides, a passé un accord avec Monsanto pour la création de variétés de coton transgénique résistantes à la pyrale. L’obtention de ces variétés permettra de faire baisser le prix de son coton en dessous du cours mondial.

 

Il faut arrêter d’embellir l’agriculture traditionnelle. L’apport de fumier et d’engrais organique est aussi polluant que les engrais chimiques et ces engrais ne sont pas assez abondants pour répondre aux besoins de l’agriculture. Sur la planète 40 % des produits végétaux sont perdus par l’action de divers agents ravageurs et pathogènes. Si la création de variétés résistantes par transgénèse est proscrite, il faut accroître les épandages d’insecticides et d’herbicides ! Où est la logique si les deux sont interdits ? La création récente de légunineuses fixant l’azote est un événement majeur par les perspectives offertes (réduction considérable des engrais azotés et de l’énergie pour les produire). Quelle conception du développement ont les organisations anti-OGM ? Il est vrai que la quasi-totalité d’entre elles sont antinucléaires. Logiques, elles combattent la technologie, et non pas un système de subordination social. En ce qui concerne notre pays, les anti-OGM ont fait du dégât. En sinistrant la filière française des OGM au nom de la lutte contre les multinationales, les anti-OGM ont éuvré pour les firmes américaines. Les recherches sur les OGM ont été considérablement réduites, et avec elles la recherche fondamentale sur le végétal, ainsi que la place réservée à ces disciplines dans l’enseignement supérieur.

 

Mais c’est un combat d’arrière-garde, les avantages et les potentialités de la transgénèse appliquée au végétal ont imprimé un mouvement irréversible, qui s’imposera d’ici peu à l’ensemble de l’Europe.