Tribune parue dans le numéro de février du Monde de l’Education.

 

Débat National : une chance pour l’école !

Par Frédéric Sérandour

Professeur des écoles de l’Education Nationale

15 ans après la dernière loi d’orientation, le ministre, M. Luc Ferry, ouvre à nouveau le débat. Professeurs, entrepreneurs, élus et parents d’élèves sont invités à exprimer leurs attentes sur les missions de l’Education Nationale.

Si le président de la commission sur l’avenir de l’école, M. Claude Thélot, paraît optimiste sur ses chances de succès, les faits sont têtus. La première partie de ce débat est un échec. Appels au boycott d’associations de parents d’élèves, réunions dans les circonscriptions boudées par une partie du corps enseignant, la plupart des 15000 réunions publiques se sont déroulées dans une relative indifférence. Loin des " 60 millions d’avis " pronostiqués par la campagne publicitaire, la faible participation des Français semble sonner le glas de cette consultation.

Ce débat national est pourtant légitime. Ces dernières années, les questions ont été plus nombreuses que les réponses.

Peut-on ainsi accepter que le respect légitime du droit d’expression des minorités religieuses ou linguistiques favorise un repli identitaire ou ethnique totalement incompatible avec les valeurs républicaines ?

Comment garantir " l’égalité des chances " quand, à l’école primaire, les crédits pédagogiques peuvent varier, selon les communes, de 10 à 100 euros par élève et par an ?

L’école navigue à vue dans l’inquiétude et l’incertitude concernant son avenir. Elle vit au rythme des sondages et de la fièvre  médiatique suscitée par les questions du port du foulard islamique  ou de la  violence dans ses établissements. Il est temps de lui donner des perspectives claires.

Il lui faut à la fois évoluer pour répondre aux défis de l’Europe et de la mondialisation tout en conservant des programmes et des concours communs à tous les citoyens. Elle ne doit plus différer le règlement de ses dysfonctionnements sans être pour autant obligée de se résigner à sa libéralisation sous le prétexte d’une indispensable modernisation.

Toutefois, si on peut douter de l’efficacité du " Mammouth ", celui-ci ne peut pas lutter, seul, contre les fractures qui divisent notre pays. La multiplication des ghettos urbains, la disparition des services publics dans les campagnes, l’intégration des populations immigrées ou la relance de l’ascenseur social républicain nécessitent des moyens sans précédent.

Dans ces conditions, le succès de la réforme de l’école dépendra aussi de son intégration dans un projet global et ambitieux associant les politiques de l’Emploi et de la Ville.

Après deux siècles de progrès, l’Education Nationale vit un tournant. Pour la première fois, les enseignants doutent de leurs capacités à lutter contre les inégalités.

L’enjeu mérite que nous donnions une chance à ce débat. Il est encore temps d’envisager ensemble des solutions susceptibles de redonner foi en l’école républicaine, laïque, gratuite et obligatoire.

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