Texte d’orientation pour une nouvelle politique agricole présenté à Pontivy le 17 février 2007

 Michel Sorin - délégué national MRC à l’agriculture

 

Une nouvelle politique agricole française pour l’Europe

 

L’agriculture est directement impliquée dans trois défis à relever dans la première moitié du 21ème siècle : l’eau, l’énergie, l’alimentation.

 

L’eau et l’énergie

 

L’eau, les sols et la biodiversité sont des biens rares qu’il faudra préserver. L’agriculture y veillera.

 

L’énergie est utilisée et produite par l’agriculture. Elle est utilisée par les tracteurs de façon beaucoup trop dépendante du pétrole. Il existe une bonne solution : les huiles végétales pures, notamment celle de tournesol.

L’agriculture et la forêt devront produire de plus en plus la matière première de nouvelles sources d’énergie afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et économiser l’utilisation d’hydrocarbures. La biomasse est du « pétrole frais renouvelable ».

Deux types de biocarburants peuvent se substituer à court terme au pétrole : le bioéthanol (dans l’essence) à base de céréales ou de sucre d’une part, et le diester (dans le gazole) à base de matières grasses contenues dans les plantes oléagineuses (colza, tournesol) d’autre part.

Mais ils présentent de sérieux handicaps : leur bilan énergétique est médiocre (surtout l’éthanol), leur rentabilité (sans aides) n’existe qu’avec un pétrole à 85 dollars le baril (diester) et 140 dollars le baril (éthanol), la multiplication des surfaces cultivées en colza (diester) induirait des pollutions supplémentaires (pesticides sur les parasites).

Il faudra examiner avec prudence leur développement en complément ou substitution au pétrole. La solution viendra avec la transformation industrielle de la biomasse en carburant (écarts forestiers, chutes de scieries, pailles…).

 

Le défi alimentaire

 

Le troisième défi, alimentaire, est en rapport direct et central avec l’agriculture. Je propose le plan suivant en indiquant mes références.

 

1-       Le constat de la fracture agricole et alimentaire mondiale (Marcel Mazoyer et Laurence Roudart).

2-       Les moyens à prendre pour relever le défi alimentaire (Michel Griffon).

3-       Les principes d’une nouvelle politique agricole (Edgard Pisani).

4-       Une politique agricole pour la France et l’Europe (Guy Paillotin).

 

Le constat de la fracture agricole et alimentaire mondiale

 

Beaucoup de belles paroles lors des Sommets de l’ONU (2000), de l’OMC (2001) ou du G8 (2005), les unes après les autres démenties par les faits.

Un tiers de l’humanité souffre de malnutrition, 800 millions de personnes de sous-alimentation chronique, dont une majorité de paysans.

 

La mécanisation a permis des gains de productivité, à l’origine de la baisse des prix agricoles dans chaque pays et sur les marchés internationaux. Et, pourtant, seulement 10% de la production agricole mondiale est mise sur les marchés.

Et seulement 2% des actifs agricoles dans le monde utilisent un tracteur. En dépit des inégalités énormes entre les agricultures du monde, les baisses de prix ont été répercutées de la même façon dans la quasi-totalité des pays. La diminution des coûts du transport et la libéralisation du commerce international ont joué en ce sens.

 

Jusqu’au début des années 1980, l’agriculture, considérée comme un secteur stratégique par les Etats, était restée en dehors des négociations internationales concernant la libéralisation des échanges.                                                                                                                                     1/3

Par la volonté des USA et de l’Europe, elle y est entrée en 1986, dans le cadre du GATT puis de l’Organisation Mondiale du Commerce, obligeant les politiques agricoles des Etats à se libéraliser et à diminuer les interventions publiques.

 

Depuis 2003, les pays en développement se font entendre, mais les voix qui portent sont surtout celles des pays exportateurs, comme le Brésil, dont les agricultures bénéficient de conditions favorables à la production extensive (vastes espaces et de coûts de production très faibles).  

Les divergences d’intérêt ont donné naissance à de profonds désaccords entre les groupes de pays, à l’origine de blocages dans les négociations.

Ce qui est en cause, ce n’est pas l’OMC, ce sont les objectifs assignés à l’OMC, qui sont la libéralisation des échanges internationaux, le démantèlement des politiques agricoles et l’alignement des prix agricoles sur les prix mondiaux. 

 

Les moyens à prendre pour relever le défi alimentaire

 

La population mondiale va s’accroître de trois milliards de personnes à l’horizon 2050. La demande alimentaire va doubler sous l’effet conjugué de l’augmentation de la population et de la hausse du pouvoir d’achat dans les pays émergents.

Au niveau mondial, il existe encore des possibilités d’accroissement des rendements en utilisant mieux l’eau, mais les surfaces disponibles sont limitées pour des raisons physiques et environnementales.

 

En dehors des USA (qui gardent un potentiel d’exportation de matières premières alimentaires) et de l’Union européenne (qui peut trouver de nouvelles capacités de production dans ses parties centrale et orientale) certains continents et groupes de pays sont mieux armés que d’autres.

- L’Asie, l’Afrique du Nord et le Moyen Orient seront importateurs.

- L’Amérique du Sud, l’Ukraine et la Russie pourront exporter.

- L’Afrique subsaharienne aura des difficultés techniques pour accroître sa production, mais aussi financières pour importer.

 

Les pratiques intensives devront être reconsidérées, en remplaçant la chimie et l’énergie par de l’écologie et des connaissances scientifiques plus poussées. Il faudra utiliser la lutte intégrée biologique contre les maladies des plantes et les ravageurs.

 

Les Organismes génétiquement modifiés (OGM) actuels ne sont pas indispensables et peuvent se substituer à des risques existants en faisant courir d’autres risques, notamment en matière de pesticides. La recherche pourrait être utile si elle était orientée vers la résistance des plantes à la sécheresse et à la salinité. Mais l’amélioration des plantes passe plutôt par l’écologie scientifique.

 

Les mesures économiques et sociales devront être adaptées aux situations locales et régionales, tant les différences sont grandes entre les grandes exploitations du Brésil, les petites d’Afrique de l’ouest et les micro-parcelles de la Chine côtière.

 

Pour réduire la sous-alimentation et sortir de la pauvreté, les pays concernés devront faire un effort productif et recevoir des appuis particuliers. Il s’agira de définir des politiques propres à chaque ensemble régional afin de répondre aux besoins croissants.

 

Les principes d’une nouvelle politique agricole

 

L’agriculture, en plus de la fonction alimentaire en lien direct avec la vie et la santé des personnes, assure d’autres fonctions utiles au milieu rural.

Elle nécessite des relations particulières entre producteurs, consommateurs et citoyens. C’est pourquoi la politique agricole et alimentaire doit être aussi rurale et environnementale.

 

Le « modèle occidental » ne peut convenir à toutes les agricultures du monde et doit lui-même être corrigé sur de nombreux points.

Il faut adopter une approche globale tenant compte des besoins des populations dans leur diversité et non se focaliser sur la seule libéralisation des échanges.

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L’agriculture, qui fournit des denrées alimentaires, n’est pas une activité comme les autres. Les prix sont instables et ne reflètent pas les coûts de production. C’est pourquoi une politique d’intervention publique est justifiée. Il faut mettre en place une régulation des marchés agricoles, par produit et par région.

 

Une politique agricole de la France pour redéfinir la PAC

 

La France n’a plus de politique agricole

 

La loi d’orientation agricole en 2005 n’a été qu’une adaptation libérale à la politique européenne, elle-même sous l’influence directe des négociateurs de l’Organisation Mondiale du Commerce.             

Il s’agit de revenir à une politique agricole qui ait suffisamment de souffle pour être prise en considération par les partenaires européens dans le cadre de la PAC.

L’Europe ne pourra nourrir le monde, faute d’espaces suffisants. Elle devra répondre aux besoins des Européens en assurant la sécurité, quantitative et qualitative, de l’approvisionnement alimentaire.

Elle développera son industrie agroalimentaire en ce sens et aussi pour exporter des produits transformés, sans bénéficier de subventions.

Le produit de la valeur ajoutée devra être réparti équitablement sur l’ensemble des partenaires de la filière.

C’est ainsi que les prix à la production devront être revalorisés car, depuis 1999, les agriculteurs ont subi une baisse de leurs revenus proche de 30% et une diminution d’emploi considérable (50% sur les 25 dernières années) liée à une politique constante d’agrandissement des exploitations, qui s’est amplifiée depuis 2002. Les grands bénéficiaires de cette politique ont été l’industrie agroalimentaire et, surtout, la grande distribution.

Cette nouvelle politique agricole permettra de refonder le lien entre le monde agricole et le reste de la société.                   

                                                                                                                                                  

La PAC n’existe plus

 

Il reste des mécanismes qui fonctionnent et qui sont réformés de temps en temps (1992, 1999, 2003) sous la pression des négociations internationales.

 

Il faut refonder une PAC en s’inspirant des principes fondateurs de 1962 (libre circulation des produits agricoles au sein de l’espace européen, protection aux frontières, solidarité financière), mais en tenant compte de l’évolution du monde depuis 45 ans.                                                    

La protection de l’espace européen est indispensable afin d’éviter les distorsions de concurrence et assurer la sécurité sanitaire des aliments. Les incertitudes liées aux changements climatiques et énergétiques plaident en faveur de la sécurité de l’approvisionnement agricole.

Ces préoccupations seront recevables dès maintenant dans le cadre des négociations de l’OMC, mais plus encore dans la mesure où les objectifs assignés à cette institution auront été revus dans le but de favoriser une bonne régulation des échanges internationaux.

 

Les aides directes ont pris, au fil du temps et des réformes de la PAC, une part trop importante dans les revenus agricoles. En 2005, elles représentaient, en moyenne, 93% des revenus nets des agriculteurs.

Elles seront plafonnées par exploitation et réorientées vers les petites et moyennes exploitations familiales, afin de faciliter leur pérennité, en lien avec des objectifs sociaux et territoriaux définis à l’échelon régional ou interrégional.

Des critiques diverses visent le dispositif actuel de répartition des aides. Il s’agira de corriger les injustices et légitimer l’existence même de ces aides publiques.

 

Voir les autres textes de Michel Sorin, délégué national MRC à l’agriculture, sur www.mrc-france.org (onglet Positions, puis Agriculture) et sur http://mrc53.over-blog.com (Catégorie Agriculture et PAC)

 

Délégation à l’agriculture du Mouvement Républicain et Citoyen   -    Michel SORIN

46 rue du Poitou  53940 St-Berthevin  - Tel/Fax : 02 43 69 06 32  - Tél mob : 06 23 18 05 55     Courriel : sorinmichel@wanadoo.fr    -    Internet : http://mrc53.over-blog.com