Remonter

Intervention d’André Cassou au Conseil Municipal

du 13 décembre 2005

  

Même si Nanterre est largement passée à côté, la crise que vient de connaître nos banlieues doit nous interpeller.

 

Avant tout, il convient de dire que les violences sont inacceptables et ne peuvent être excusées. En démocratie le désaccord s’exprime par le vote ou la manifestation citoyenne.

 

Brûler, détruire des voitures, des moyens de transport et des équipements publics, écoles, gymnases, crèches, c’est ajouter au désarroi et aux difficultés de nos concitoyens, en particulier de ceux qui sont les plus touchés par la crise et qui sont déjà les premières victimes de l’insécurité et des incivilités.

 

Même si la vie dans nos quartiers ne se confond pas avec les images de ces nuits de violence et de destruction, cette situation est révélatrice d’une grave crise de notre société.

 

Cette crise n’est pas celle de la jeunesse, elle n’est pas celle des “ jeunes issus de l’immigration ”, elle est une crise française qui touche l’ensemble de la société française.

 

Cette crise ne témoigne  pas de l’échec de l’idéal républicain, mais de l’échec de la République des mots et appelle plus que jamais la France à une République des actes.

 

Oubli d’abord, que la République, comme le disait déjà Jaurès, est d’essence sociale. Le chômage de masse, les inégalités croissantes, l’abandon de quartiers entiers, l’égoïsme social de ceux qui rejettent, aujourd’hui encore, la loi SRU sur le logement social, tout cela est oubli de l’exigence d’égalité et de fraternité. Oui, l’Egalité est une valeur fondamentale. Elle ne peut être affadie par la fumeuse notion d’équité, forme moderne de la charité. Or, ce qu’attendent nos concitoyens ce n’est pas une attitude condescendante, c’est le respect de leur dignité et l’affirmation d’un  droit.

 

Oubli surtout qu’en République les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs, sans distinction d’origine. Que pour la République chacun est infiniment plus que son origine et que le passé du groupe ne peut enfermer le destin de l’individu. Il nous appartient donc de saisir la matière à faire destin commun à « faire société ».

 

 Depuis 30 ans, la Gauche différentialiste et la droite libérale se rejoignent dans une vision communautariste de la société. Les hommes et les femmes ne sont plus considérés en citoyens français d’une République unitaire, mais comme membres de telle ou telle communauté, de telle ou telle origine. Le droit à la différence a entraîné la différence des droits et mené à la discrimination

 

Face à la crise sociale qui les touche, devant les discriminations qui les frappent, face à l’insécurité qui progresse, face à la déstructuration des familles, les habitants de ces quartiers se sentent abandonnés.

 

La responsabilité de cette situation est donc bien collective, mais cette constatation ne saurait exonérer le Ministre de l’Intérieur de ses responsabilités. Certes, les banlieues étaient une poudrière et il n’a pas inventé la poudre, mais il a craqué l’allumette, après avoir retiré les pompiers qu’étaient les policiers de proximité. 

 

Alors que faire ? Il faut avoir le courage de regarder la situation en face, les solutions ne peuvent être magiques et résoudre les problèmes à court terme.

 

Il faut, en priorité, marquer aux habitants de ces quartiers du respect et rappeler qu’en République nous sommes tous égaux. Il faut cesser de les différencier selon leurs origines ou leurs conceptions religieuses, cela s’appelle lutter contre les discriminations, et renforcer la Laïcité. Cela peut faire l’objet de mesures concrètes et rapides. Par exemple pour lutter contre les discriminations à l’embauche la remise en place des Comités Départementaux d’Accès à la Citoyenneté crées en 1998 et abandonnés depuis. 

 

Il faut réduire les inégalités sociales qui s’accroissent, s’attaquer véritablement au chômage, résoudre la crise sociale. Ce combat sera, c’est évident, plus long.

 

L’érosion de l’autorité parentale est une réalité que l’on ne traitera pas par des mesures de sanctions financières envers les parents de familles souvent décomposées. La famille reste en effet une des structures de base de notre société.

 

Sur le plan urbanistique, il faut réintégrer, réamarrer les quartiers à nos villes qui doivent cesser d’en être un simple assemblage, pour que le sentiment d’appartenance soit partagé par tous.  C’est le sens des projets urbains comme le PRUS du Petit Nanterre et des projets de rénovation sociale aujourd’hui aux Provinces Françaises et demain au Parc.  

 

Il faut assurer un droit fondamental des habitants de ces quartiers à la sécurité. C’est le sens de la mise en place de la Convention Ville/ Etat de tranquillité publique et de prévention dans le quartier du Parc.     

 

Il faut aussi cesser, ce qui est une insulte aux habitants les plus pauvres de notre pays, d’avancer l’excuse de pauvreté pour les délinquants. Il faut que la police puisse être présente en permanence sur le terrain, ceci implique la remise en place de la police de proximité créée par Jean Pierre Chevènement, et dont tous les élus de Droite comme de Gauche disent aujourd’hui son importance, après que les uns aient refusé les moyens pour la mettre réellement en place et que les autres l’aient supprimé à la première occasion.

 

Le respect du droit des citoyens à la sécurité n’est nullement incompatible avec l’engagement à Gauche.   La Gauche commettrait une grave erreur en abandonnant la question de la sécurité publique à la Droite.

 

On ne peut pas toujours invoquer l’excuse sociale face à la délinquance. La citoyenneté rend chacun responsable de ses actes, même s’il y a des causes sociales à traiter. Il ne faut pas se laisser culpabiliser par ceux qui confondent la nécessaire défense de la tranquillité publique avec l’Etat policier. 

 

A ce stade je veux souligner le bon fonctionnement du service public de la police à Nanterre et la parfaite coopération entre le Commissaire et les Elus durant cette période. Avec les pompiers, ils ont été mis à rude épreuve.

 

Enfin il faut recentrer l'Education nationale sur son rôle de transmission du savoir, la débarrasser de toute autre mission et lui donner pleinement les moyens de former la jeunesse. La lutte contre l’absentéisme scolaire doit être partie prenante des politiques de prévention. Victor Hugo expliquait qu’ouvrir une école permettait de fermer une prison. Ramener une grande partie des mineurs dans les établissements, en supprimant par exemple l’ultime sanction du système qui prévoit l’exclusion serait plus efficace que la situation actuelle. (L’absentéisme scolaire concernerait 5% des 12 millions de potaches tous âges confondus, mais atteindrait les 12% dans les lycées professionnels en ZEP. Le 9-3, mauvais élève, est au dessus de cette moyenne avec des scores de 7 à 17% !

 

Les problèmes rencontrés dans les banlieues sont les nôtres, ils concernent une partie de nos compatriotes fragilisés par la crise que nous vivons. Dans cette affaire, notre responsabilité est engagée et il importe à la fois de regarder la réalité en face et de savoir quel modèle de vivre ensemble et de citoyenneté nous voulons essayer de faire prévaloir. Les paroles d’Albert Camus « Empêcher que le monde se défasse » prononcées dans d’autres circonstances gardent leur acuité dans la situation présente.