Remonter

« RENOUER AVEC LE PEUPLE »

Contribution de la Commission Monde du Travail

 

A l’initiative :

*des délégués nationaux :

Lucien Jallamion, délégué national au Monde du travail,

                                   Jean-Claude Chailley, délégué national à la mondialisation

                        Michel Jallamion, délégué national au service public

*des secrétaires nationaux :

Paul Violet, secrétaire national aux affaires sociales,

                                   Marinette Bache, secrétaire nationale aux fédérations,

                                  

Avec la collaboration de : Charlotte Ballero (75), Grégory Baudoin (71), Loïc Bureau (44), Sabine Chevalley (71), Jean-Marc Gayraud (92), Alain Gély (75), Pierre Kerdraon (75), Michel Lacroix (86), Claude Maitrot (10), Dominique Michel (50), Thierry Bruneau (84).

 

 

Le vote du 29 mai a pour première caractéristique d’avoir été le premier vote populaire depuis 1981. Il s’agit avant tout d’un vote de classe et il faut en tirer toutes les conséquences si l’on veut construire un débouché politique à cette révolte qui s’est exprimée par les urnes.

Les arguments techniques, les clameurs pro-européennes de nombreux partisans du NON sont à mille lieues des préoccupations qui ont permis ce raz de marée (60% des Français sont pour un retour au franc, seuls 25% se sentent européens). Les réponses que nous nous devons d’apporter sur la politique internationale et le rôle de la France dans le monde et notamment au sein de l’Europe et de l’OMC, si elles représentent un intérêt politique majeur et sont nécessaires sur le moyen ou le long terme à la recomposition du paysage politique français, ne constituent pas une finalité politique et un moyen de catalyser cette révolte des urnes. Si l’on ne souhaite plus que la seule alternative pour les salariés (entendus comme ceux vivant exclusivement de leur salaire) réside dans l’abstention ou le Front National, la gauche doit se ressaisir de la question sociale. C’est ce qui constitue son socle historique. Cela lui permettra de renouer avec son ossature : le peuple. A nous de l’y aider en reposant la thématique centrale de la répartition des richesses et le lien entre la question sociale et la question nationale.

 

 

I - Le lien entre les instances internationales et la politique nationale

 

L’émergence de deux super-puissances économiques que représentent l’Inde et surtout la Chine, couplée à l’élargissement de l’Union européenne aux Pays d’Europe centrale et orientale fait peser une double menace sur l ‘emploi français : la disparition de certains métiers du fait de la réorganisation de la répartition de la production à l’échelle mondiale et la dégradation des conditions de travail et de rémunération liée à la mise en concurrence des travailleurs.

La mondialisation libérale se traduit  par une concurrence exacerbée, le chômage, la baisse du pouvoir d’achat, les délocalisations…Mais le monde du travail, y compris les militants politiques ou syndicaux, a pourtant souvent tendance à sous estimer son influence.

 

Les institutions internationales, que ce soit l’OCDE, l’Union Européenne, la Banque Mondiale…ont des exigences politiques et sociales extrêmement précises dans tous les domaines concernant la vie quotidienne des nations et de leurs citoyens.

 

Prenons un exemple auquel les salariés sont très attachés et dont on parle beaucoup : le Code du travail. On pourrait penser que c’est exclusivement l’affaire des Français. Erreur. L’OCDE dans l’ensemble de ces rapports, l’OMC dans celui du conseil consultatif à M.S. Panitchpakdi (2004), la Banque mondiale dans ses fameux « Doing business » 2005 et 2006 et  la Commission de Bruxelles sous la plume de W.Kok (« Relever le défi », novembre 2004) demandent expressément et avec insistance la réforme du Code du travail dans le sens de la flexibilité et de la précarité. Les textes stipulent que le CDI doit être supprimé à terme. Des engagements sont demandés au gouvernement français. Aussi lorsque D de Villepin instaure le contrat d’essai de 2 ans, c’est seulement la 1ere phase d’une réforme plus générale de la Commission de Bruxelles, approuvée par J Chirac et tous les chefs d’états européens lors du Conseil européen des 16 et 17 juin. ( Rappelons que ce texte « les lignes directrices intégrées pour la croissance et l’emploi » sont parfaitement conformes à la « Constitution », bien que celle-ci ait été rejetée par 55 % de Français).  

Si le gouvernement parvient, fut-ce au prix de quelques amendements, à imposer le contrat d’essai de 2 ans, il est déjà engagé à passer aux phases suivantes. L’UMP ne l’a d’ailleurs pas caché. C’est donc à une réforme d’ensemble qu’est confronté le monde du travail, réforme qui s’étend également au statut des fonctionnaires.

La déclaration, ahurissante de la nouvelle présidente du MEDEF, Laurence Parisot, « la liberté s’arrête là où commence le Code du travail » s’inscrit parfaitement dans les exigences de la mondialisation. Or le Code du travail, c’est la loi ! Pour la présidente du MEDEF la liberté s’arrête là où commence la Loi, l’Etat de droit. C’est la philosophie du Far West, du droit du plus fort, de l’inégalité. C’est un discours totalement antirépublicain, mais qui s’accorde très bien avec la politique de Bruxelles, avec la volonté des multinationales d’affaiblir les Etats, avec la « Constitution », avec l’Europe des régions.

 

 

Suggestions de pistes à explorer :

 

1°) Il ne faut pas oublier bien entendu que ces instances internationales ne sont pas dans la Lune mais sur Terre : quant une directive européenne ou une décision internationale est prise c’est avec la bénédiction des représentants français ! Il ne faut donc pas tomber dans le piège de reporter la faute du pêché originel sur ces instances : leur politique n’est que le fruit d’une volonté commune des dirigeants des principaux pays dominants. L’oublier c’est donner l’impression à nos concitoyens qu’ils sont impuissants face à des instances opaques, que tout ce joue en dehors de ses représentants politiques qui sont, du reste, passés maître dans l’art de la défausse. Nous devons sans cesse rappeler cette parodie du mouvement d’en haut (objectifs négociés et directives) et du mouvement d’en bas (initiative des dirigeants dont les nôtres) initiés par les libéraux.

 

2°) Les « lois du marché » ne sont pas naturelles : elles obéissent au cadre que l’on veut bien leur donner. Qui nous empêche d’adopter et de maintenir des règles qui garantissent la loyauté de la concurrence dans les échanges internationaux ? Les Etats-Unis et la Chine ne prennent-t-ils pas, eux, de mesures protectionnistes sur des périodes déterminées ? Il y a une alternative au libre-échangisme libéral auquel croient les promoteurs de la mondialisation. C’est seulement parce que cette pensée est la seule qui soit véritablement relayée par les médias que nous pouvons céder parfois à l’idée que le marché est aujourd’hui pour nous un destin.

 

3°) Le peuple est intéressé par des propositions nationales. De plus c’est à ce niveau qu’il appréhende le mieux la politique et qu’il pense pouvoir participer à des actions efficaces.

Il nous faut donc parler de mesures concrètes que nous souhaitons voir adopter. Que par voie de conséquence nous entrons en conflit avec les autres membres des instances internationales dans lesquelles siège la France, qui plus est, avec telle ou telle directive européenne, n’a pas énormément d’importance : nous devons simplement assumer un discours de crise. Lorsque 60% des Français pensent qu’il vaudrait mieux revenir au franc cela traduit leur volonté de déboucher sur une véritable alternative politique au libéralisme dans laquelle ils puissent se reconnaître fut-ce au prix d’une crise européenne (leur position sur l’Euro en est simplement le meilleur révélateur c’est pour cela que nous citons cette exemple en particulier). Les marges de cette politique nous l’obtiendrons soit par la négociation soit en sortant progressivement du système (par dérogations successives et non réponses aux injonctions). De plus il s’agit aujourd’hui, au niveau européen, d’une position réaliste : aucun libéral ne souhaite mettre en péril ce qu’il reste d’espoir en une Europe libérale déconnectée des peuples. Ils sont donc psychologiquement prédisposés à céder. Il ne faut donc pas enfourcher notre habit de cavalier blanc en criant haro sur l’Euro : cette position nous caricaturerait, autant répondre, si l’on nous pose la question, que nous n’envisageons pas de rompre avec l’Euro et quand cas de crise extrême il convient même de le sauvegarder dans sa dimension de monnaie commune.

Nous devons donc dessiner les contours d’une politique nationale a mener qui nous permette de rompre avec le libéralisme tout en sachant que le peuple est près a en assumer les conséquences. Notre peuple n’a pas (ou plus ?) peur d’une crise européenne. Or nos adversaires (à part peut-être le Luxembourg) n’ont pas leur peuple avec eux. Ce n’est pas mince dans un rapport de force où le poids géostratégique, économique, humain, militaire que représente la France n’est déjà pas négligeable.

Au niveau des autres instances les conséquences sont moins graves car il s’agit plus de rapports internationaux à gérer (et il nous reste encore une excellente diplomatie) et les Français ne pensent pas qu’elles aient une incidence directe sur leur vie ou constitue un quelconque horizon.

 

4°) Demander l’instauration d’un protectionnisme européen et réfléchir aux possibilités de protectionnisme interne à l’Union. C’est de fait le cas lorsqu’un pays se trouve adhérent de l’Union mais n’est pas concerné par les accords de Shengen. Il conviendrait également de réfléchir à des manières de taxation nationale, quitte à provoquer une crise (aussi spectaculaire qu’éphémère : cf la Guerre du Golfe ou la Constitution), afin de taxer de fait des produits d’importation à faible coût de production et concurrençant notre savoir faire et nos entreprises nationales.

Dans ce sens il faudrait reprendre notre problématique concernant une taxe sociale et environnementale d’importation.

 

5°) Il nous faut donner de nouvelles perspectives internationales afin que notre peuple n’ait pas l’impression qu’on souhaite l’isoler au sein de l’Europe, que d’aucuns considèrent comme l’horizon indépassable des rapports de la France au monde.

Nous disposons de l’arme idéologique pour cela : la politique de co-développement. Il faudrait proposer que le France, parallèlement à la construction européenne, devienne le maître d’œuvre d’une coopération entre pays du pourtour méditerranéen. Idem, de manière accessoire, car plus éloignés dans les mentalités, devrait-on parler de développer nos rapports avec l’Amérique Latine où de plus en plus de pays semblent vouloir rompre avec l’empire américain. Ainsi ce sont les tenants de l’Europe libérale qui apparaîtront comme « frileux et refermés sur eux-mêmes »…

 

II - Remettre le travail au cœur des politiques

 

Alors que la création des richesses n’a cessé d’augmenter depuis la seconde guerre mondiale, le pouvoir d’achat des salariés affiche une quasi-stagnation depuis la fin des années 70 et la condition salariale est comparable à ce qu’elle était il y a un demi-siècle. Entre 1982 et 2002 le pouvoir d’achat du salaire net moyen n’a augmenté que de 0,2% par an dans le privé. Dans la Fonction publique c’est encore pire puisqu’il connaît une diminution moyenne de 0,1 % par an !

 

En forme de trompe l’œil on nous rétorque que la moyenne des salaires a, quant à elle, augmenté de 0,6 à 0,7 par an mais cela tient essentiellement au pourcentage plus important de cadres et de personnels qualifiés qu’auparavant.

 

Nous assistons à une réelle fracture économique : d’un côté ceux qui tirent des revenus de leur patrimoine, de l’autre ceux qui ont comme unique revenus leur travail. Les revenus du patrimoine représentaient 21,5 % des salaires nets en 1978, ils le sont aujourd’hui de plus de 40 %.

 

Les récentes revendications salariales autour du pouvoir d’achat (fait unique depuis 1981) n’est donc pas le fruit d’un simple saut d’humeur  : pour la majorité des salariés, qui ne peuvent compter que sur les revenus de leur travail, le niveau de vie relatif a considérablement chuté depuis 20 ans. De plus depuis 10 ans les prestations sociales ne parviennent plus à compenser le mouvement. Et ce, alors que dans le même temps la qualification des salariés n’a cessé de progresser, que le coût d’accès au service public (eau, gaz, téléphone, électricité, transports, timbres, etc.) n’a cessé de croître.

 

A.   Le travail n’est pas soluble dans la précarité.

 

Le travail permet de moins en moins d’accéder à un statut social et professionnel. La précarité peut affecter non seulement les chômeurs mais aussi les personnels à la frontière du salariat, celles qui sont recrutées en contrats précaires ou les indépendants, dont l’activité a été extériorisée de l’entreprise. De plus les conditions de travail sont remises en cause de manière universelle autant dans le public que dans le privé. Aucun contrat n’y échappe que vous soyez en CDD bien sûr, en CDI et même fonctionnaire (en atteignant l’apogée à France Télécom ou de nombreux fonctionnaires se retrouvent à faire de la vente forcée). De manière générale c’est le code du travail et le statut des fonctionnaires qui se trouvent aujourd’hui visés.

 

Nous assistons à la mise en œuvre de pratiques de gestion des ressources humaines fondées sur l’idée que le volume d’emplois dans l’entreprise doit être ajusté en permanence aux variations de la demande. L’accélération et l’intensification des conditions de la concurrence exigeraient une flexibilité croissante, tant en interne qu’en externe.

 

Les systèmes préconisés par divers rapports (M. Camdessus, M. de Virville, P. Cahuc et F. Kramarz, etc) s’inscrivent dans la droite ligne de cette pensée dominante.

 

Ils proposent notamment d’instaurer un système de taxation des licenciements en lieu et place du contrôle judiciaire du motif économique et de créer un contrat de travail unique, à durée indéterminée, mais avec pour contrepartie l’édification d’un cadre juridique. Pour y parvenir il suffit à l’Etat de ne plus intervenir par le biais de la loi et donc que le droit du travail devienne un droit strictement contractuel, négocier « au plus près du terrain » : bref, entendez par là le niveau où il est le plus difficile de créer des rapports de force en faveur des salariés.

 

Cette idéologie « libre-échangiste » ne cache pas qu’elle entraînerait une généralisation du dumping social, un accroissement de la pauvreté et de la précarité des travailleurs comme des exclus du monde du travail, mais ce serait, en quelque sorte, un mal pour un bien, car pour ces économistes  du marché résulte toujours un accroissement des richesses. Le progrès social serait donc subordonné au marché.

 

Idem pour de nombreux universitaires en droit social  et divers « experts » des milieux politiques et syndicaux essayant de faire naître un « statut de l’actif » : le travail n’y est plus considéré que comme un moment de la vie, tout comme la formation et le chômage. La solution est donc simple il suffit de flexibiliser ses périodes : tel groupe d’entreprises s’engage à embaucher « à vie » un certain nombre de salariés avec des maximas et des minimas de périodes de chômage et de formation (avec des variantes dans les propositions sur le financement de ces périodes) et l’on fait ainsi disparaître tout problème de chômage.

 

Le travail est ainsi précarisé et la flexibilité généralisée.  Le lieux et les conditions de son exercice ne dépendent plus que du bon vouloir de l’employeur (ou du groupe d’employeurs selon le système retenu). La politique du plein emploi est ainsi envoyée aux oubliettes et l’on réalise le partage de la misère sous couvert du partage du travail.

 

Or le travail doit rester le support du lien social qui est l’articulation de l’insertion sociale, de l’identité professionnelle et du rapport aux autres. C’est donc aussi ce qui permet de vivre dans des conditions décentes, de construire sa vie et de fonder une famille.

 

B.   Sauver le travail en tant que facteur d’émancipation.

 

C’est ce qui constitua le cœur du socialisme. C’est ce que semble avoir oublié bon nombre de politiques qui s’en réclament aujourd’hui. Le travail tend à perdre ce caractère pour plusieurs raisons : la flexibilité freine l’implantation des forces syndicales et politiques dans les milieux professionnels et donc la possibilité de structurer des revendications. Mais surtout l’instabilité financière et géographique auquel le travail est aujourd’hui lié, ne garantit plus aucune sécurité.

 

1.      Un avenir incertain

 

Auparavant il était raisonnable de penser pour un salarié que, l’expérience, la formation et les revalorisations salariales aidant, son pouvoir d’achat ne cesserait d’augmenter jusqu’à sa retraite. Il pouvait même calculer celle-ci longtemps à l’avance et constater que sa situation après de longues années de labeur était de plus en plus enviable. Bref, cela valait le coût de travailler !

 

Aujourd’hui nous ne sommes plus du tout dans ce schéma. Comment voulez-vous calculer un budget lorsque d’un mois sur l’autre le prix du gazoil s’envole, puis celui du gaz, de l’abonnement téléphonique ? Comment décemment penser qu’un ouvrier, ayant du mal à boucler ses fins de mois, puisse, sans se restreindre sur des éléments qu’il juge essentiels à son existence, faire face lorsqu’on lui annonce cela s’il doit utiliser sa voiture diésel pour se rendre à son travail et encore plus s’il a investi il y a moins de 10 ans dans un chauffage central ? Non seulement les salariés ne sont pas sûrs de l’avenir de leurs enfants mais il ne sont plus sûr non plus du leur y compris dans la fonction publique (comme dans nombre d’entreprises du privé où beaucoup de salariés ont vécu une baisse de leur salaire net, baisse visible sur leur bulletin de paie lors du passage au 35 heures, les fonctionnaires viennent de découvrir lors de la mise en place de la retraite complémentaire un pareil phénomène. De plus nombre d’entre eux vont partir avec une petite retraite - surtout des femmes qui avaient opté pour le temps partiel « choisi » qui devient de fait un temps partiel imposé vu les incidences en terme de rémunération en fin d’activité -).

 

Ajoutons à cela la hausse du panier de la ménagère, les hausses constantes d’électricité, de téléphone et de l’eau (surtout en cas de privatisation) et on obtient un cocktail pour le moins détonant : on ne peut qu’être interloqué par la patience des salariés.

 

En parallèle l’épisode des « patrons-voyous », les rémunérations et indemnités de licenciement totalement indécentes de patrons étalées dans la presse, la multiplication des licenciements abusifs et les délocalisations ne font que renforcer l’idée qu’un travail, même en CDI, n’est qu’un épisode de l’existence et que ce n’est pas dans le travail en particulier que l’on peut évoluer, structurer des rapports sociaux sur le long terme, etc.

 

Lorsque la seule réponse qui est faite à cette situation est l’augmentation des minimas sociaux, des indemnités chômages et des prestations sociales voire des diminutions de l’impôt direct comment croire que le travail pourra éternellement être considéré par les salariés comme un vecteur fondamental de leur existence ? Lorsqu’on leur explique que le cadre dans lequel ils évoluent est encore trop rigide et qu’il faut remettre à plat le code du travail, c’est-à-dire le peu de protection auquel ils peuvent prétendre, comment peuvent-ils penser le travail comme une situation assez stable pour mériter un réel investissement ?

 

2°) La mise en péril de la structure familiale

 

Un autre facteur vient se superposer à tout cela : celui des élites mondialisées. Les médias considèrent qu’il est moderne de changer aujourd’hui fréquemment d’employeur et de lieu géographique…. et si possible sans voiture !

Ainsi les salariés sont de plus en plus éloignés de leur lieu de travail. Pire, on leur propose de plus en plus comme seule alternative au licenciement une affectation à plusieurs centaines de kilomètres de leur lieu de vie.

D’où des coûts supplémentaires évidemment mais surtout une fragilisation de la cellule familiale. Comment un couple de salariés avec un ou plusieurs enfants  peut faire face à de telles situations ?

 

Ajoutons enfin à cela le manque criant de structures de garde, la mauvaise accessibilité des transports publics pour des personnes avec des enfants en bas âge et la faiblesse de l’environnement para-scolaire en milieu rural (pas de cantine et/ou pas de possibilités de garderie ou de lieu d’étude avant ou après l’heure de scolarité) et on passe à des impératifs de vie totalement ahurissants. Auparavant le manque de ces structures étaient compensés par la cellule familiale au sens large : les grands-parents, les oncles, les tantes voire les amis de la famille pouvaient s’occuper des enfants avant ou après l’école. Or le fait d’avoir des bassins d’emplois totalement sinistrés a éclaté cette structure de solidarité sans que l’Etat montre une réelle volonté d’y pallier.

 

En incidence il est donc normal de constater que les salariés, dans ce climat de précarité généralisée, considèrent de plus en plus le travail comme une contrainte nécessaire : lorsque l’on a trois quart d’heure de transports, doublés entre midi et deux heures avec comme impératif d’être à 8H30 à l’entrée des classes et à 18H00 à la sortie alors que dans bien des cas la contrainte horaire se situe entre 7H00 et 7H30 par jour comment peut-il en être autrement ? Il est bien loin le temps ou l’on parlait de temps partiel choisi…

 

 

C) Un Etat aux abonnés absents. 

 

 

Face à cela que fait l’Etat ? Et bien il abandonne toute politique réelle d’aménagement du territoire et de politique industrielle. Que ce soit Jospin qui nous explique que l’on ne peut rien faire pour Vilvorde ou Jacques Chirac qui parle de « simple erreur de jeunesse » à propos du patron qui avait demandé à ces salariés d’aller travailler en Roumanie, tout est fait pour faire croire au peuple que l’économie supplante le politique.

 

Où que ce soit, l’Etat, depuis plus de vingt ans, n’a eu de cesse de se désengager.

 

 Aujourd’hui les services publics sont démantelés alors qu’ils constituaient l’axe essentiel de la politique d’aménagement du territoire et de l’Egalité républicaine. La privatisation du système bancaire (y compris les Caisses d’Epargne et bientôt les services financiers de La Poste), de l’eau, de la téléphonie, du gaz et de l’électricité et bientôt, peut-être des transports (après le fret, les voyageurs devraient suivre) ne font que fragiliser le salarié et ne lui donne plus de garanti d’accès à des prestations nécessaires.

 

L’impôt, qui permet à l’Etat d’assurer ses missions, ne cesse de diminuer tout en se situant dans un cadre de politique d’austérité.

 

L’Etat ne fait que multiplier les subsides (augmentation des indemnités, prêt à taux zéro , aides à l’embauche) au lieu de mener une politique de plein emploi d’envergure et de revalorisation des salaires.

 

De plus la politique fiscale prônée par les libéraux depuis plusieurs décennies est basée sur deux axes : baisse des impôts directs et augmentation des impôts indirects par le plus souvent un transfert de charges.

En lien avec ceci un des moyens de plus en plus utilisé pour atteindre une soi-disant attractivité c’est une baisse sensible mais jamais avouée du contrôle fiscal.

A travers diverses mesures destinées à rassurer les entreprises (cf 30 mesures SARKOZY) les gouvernements cherchent à réduire la capacité d’action de l’administration fiscale.

 

Tout cela a comme conséquence d’avantager ceux qui vivent de la rente au mépris de ceux qui sont à la base de la production réelle des richesses. De plus, les salariés qui pensaient à l’Etat en terme de protecteur commencent à le jauger comme le pire de ces adversaires, comme  le relais des forces économiques : ainsi la phrase dans la profession de foi de Le Pen « Je m’adresse aux fonctionnaires qui s’obstinent à servir un Etat qui ne cesse de les mépriser » lors du deuxième tour des présidentielles a fait mouche chez les fonctionnaires, ainsi les salariés ont vécu comme une atteinte à leur dernier pré carré de sécurité la remise en cause d’un jour férié par le gouvernement précédent (en plus de les empêcher de voir leur famille durant un week-end complet du fait de la situation décrite précédemment, les salariés pensaient tout de même que les jours fériés ne pouvaient pas être, aussi facilement, remis en cause).

 

Il y a donc urgence à agir et à proposer dans ce cadre des mesures fortes.

 

D) Suggestions :

 

  1. l’Etat doit retrouver son rôle

 

-         Le service public ne peut avoir lieu que sous monopole public. Il est donc nécessaire de demander la re-nationalisation de la gestion de l’eau, de France Télécom, d’EDF-GDF, du transport du frêt (si l’on souhaite avoir une véritable politique du transport ferroviaire alternative au transport sur route car cela demande d’importants crédits de recherche) et des laboratoires pharmaceutiques. Idem pour la téléphonie (auquel où il faudrait demander au moins dans un premier temps que l’Etat redevienne majoritaire à France Télécom) et le secteur bancaire (ou au moins dans un premier temps l’arrêt du démantèlement de la Poste et une réunification de ses services afin d’empêcher une privatisation de son pôle financier ainsi que la remise en cause de la privatisation des Caisses d’Epargne : il est nécessaire que l’Etat assure à tous le droit d’avoir un compte, la possibilité de paiement par chèques gratuits et cela peut lui redonner un peu la main sur le contrôle des crédits -marginaux certes au vu du taux directeur qui sera toujours fixé par la Banque centrale mais il vaut toujours mieux un tout petit peu que rien du tout-) ;

-         l’Etat doit renouer avec une véritable politique industrielle et redonner son caractère national à la politique d’aménagement du territoire en lieu et place des schémas d’aménagement régionaux ;

-         l’Etat doit montrer l’exemple en cessant d’embaucher des contrats précaires (CDD, CES…) ;

-         l’Etat doit lancer une politique de grands travaux et de recrutement en matière de structures d’accueil, de transports en commun  et de structures scolaires et para-scolaires.

 

  1. Lutter contre la précarisation du travail

 

-         les périodes d’essai doivent être limitées à un mois (ou alors il faut se questionner sur la compétence des DRH) assorties d’une obligation pour l’entreprise de former le salarié durant le tiers de ce temps ;

-         restructuration des concours administratifs et des compétences des cadres C dans la fonction publique pour permettre l’embauche effective de jeunes peu diplômés comme a su le faire Jean-Pierre Chevènement dans la Police (aujourd’hui alors que le BEPC est requis le niveau, les cadres C ont généralement un BAC+3 et les Cadre B –baccalauréat requis- deug de droit, BTS d’économie ou maîtrise ou IUFM de mathématiques. La conséquence est un glissement, sans compensation financière significative, des tâches des A vers les B et celles des B vers les C. Les tâches de ses derniers – travail de masse et gestion des dossiers- sont externalisées ou assumées par des vacataires  )  ;

-         nous devrions réfléchir à la remise en place des cadres D  : aujourd’hui il apparaît que leur suppression a entraîné l’externalisation de certaines tâches par contrat passé avec des entreprises privées peu scrupuleuses en matière de conditions de travail et de rémunérations.  

-         Les licenciements abusifs peuvent être érigés en délit et les délocalisations sauvages en délit grave c’est-à-dire que le gérant doit pouvoir être poursuivi devant le tribunal correctionnel en sus des prud’hommes (cela peut avoir un effet d’annonce intéressant);

-         augmenter les effectifs des inspecteurs du travail ;

-         Toute exonération ou aide pour l’emploi octroyée aux employeurs ne peut se faire que pour l’emploi de CDI ;

-         Une véritable politique en faveur des travailleurs handicapés doit avoir lieu enfin de cesser de les dévaloriser, leur permettre de s’émanciper par un travail valorisant  et permettre à celui-ci d’être reconnu à sa juste valeur ;

-         mettre en place un numéro vert (c’est à la mode) géré par des représentants syndicaux et du ministère de l’emploi et de la solidarité pour répondre aux questions des salariés avec  possibilité pour cette cellule de saisir les inspecteurs du travail.

 

 

 

  1. Réorienter les richesses au profit de ceux qui la créent

 

-         augmenter significativement le SMIC ;

-         le SMIC, les retraites et la grille indiciaire de la fonction publique, doivent être indexés sur l’inflation avec toujours une possibilité de révision à la hausse par la négociation (seule manière réelle de lutter sur le long terme pour une répartition plus juste des richesses) ;

-         rétablir pour le particulier le système de la TIPP flottante initiée par L. Fabius au ministère de l’économie et des finances.

-         Rendre progressif l’impôt sur les sociétés selon un ratio bénéfice/masse salariale : cette mesure permettrait, si les tranches selon le ration sont fortement progressives, à limiter sérieusement l’influence des capitaux spéculatifs dont les fonds de pension et à faire baisser le travail au noir (et en parallèle, avec le surplus généré cela permettrait de supprimer des tas de petits taxes annexes totalement délirantes).

-         mise en place d’un taux de TVA à 0% sur les produits de première nécessité et sur les services publics pour les particuliers (exemples : abonnement téléphonique (actuellement à 19,6%), eau, gaz, électricité, transports publics (actuellement à 5,5%)) compensé, par :

·        l’imposition de l’ensemble des revenus à l’impôt direct,

·         l’augmentation de sa progressivité

·        la mise en place de tranches pour les plus values boursières (rappel : aujourd’hui celles-ci, quel que soit le gain réalisé, sont imposées à 16% c’est-à-dire l’équivalent de la première tranche d’imposition)

·        l’imposition plus forte des cessions d’actions et d’obligations rapides afin de taxer la spéculation (exemple : actions ou obligations détenues moins de 6 mois)

·        l’obligation pour les banques de déclarer les plus-values réalisées par leurs clients (tout comme l’employeur déclare les salaires à l’administration fiscale)

·        la réforme totale des stocks options et la réintroduction de toutes les mesures dérogatoires dans la base de l’impôt sur le revenu.

-         prendre en compte pour l’établissement de la taxe foncière les revenus du ménage (comme c’est déjà le cas pour la taxe d’habitation)

 

 

 

 

Dire que notre cible doit être les salariés ne revient pas à oublier qu’il y a aujourd’hui encore nécessité de trouver des alliés objectifs à une politique en faveur du salariat.

 

Bien malgré eux, dirigeants de petites et moyennes entreprises, artisans et petits commerçants apparaissent souvent comme une catégorie à part, rétrograde, hostile au progrès social.

 

Pourtant le rôle de ces hommes et de ces femmes apparaît primordial. C’est surtout au niveau des PME/PMI que des emplois peuvent être créés en France alors que les grandes entreprises sont souvent en surcapacité de production quand la conjoncture est morose comme c’est actuellement le cas.

Cela étant, une amélioration des relations sociales dans ce secteur est indispensable, de même que la reconnaissance des organisations syndicales, qui ont encore trop de mal à s’y implanter et se faire entendre.

 

III - Une politique républicaine et sociale en faveur des PME et de l ‘artisanat

 

 

Les petites entreprises ne peuvent croître et prospérer avec la politique libérale. Elles ont, pour beaucoup d’entre elles, tout à craindre d’une fuite en avant dans la mondialisation financière : le vote du 29 mai, où les chefs d’entreprise se sont partagés presque exactement entre le Oui et le Non, a clairement montré qu’il fallait sérieusement y réfléchir.

 

Il y a incontestablement une fracture qui s’aggrave entre les grandes entreprises, dont certaines accumulent des profits considérables, et la plupart des autres entreprises. La valeur ajoutée, créée par le travail des artisans et commerçants comme par celui des salariés, est captée par ceux qui dominent ou manipulent les marchés financiers.

 

La « concurrence libre et non faussée » est le slogan des libéraux. Mais, sauf exception,  il ne peut pas y avoir une compétition loyale entre les petites entreprises et ceux qui disposent de puissants lobbies. Y a-t-il concurrence « non faussée » entre le commerçant, l’artisan et ceux qui peuvent rémunérer des escouades de conseillers et d’avocats pour tirer à leur profit des réglementations de plus en plus compliquées, décidées par des bureaucrates de plus en plus lointains ? Comment y aurait-il égalité des chances entre les petites entreprises, pour qui l’accès au crédit pour se développer est très difficile, et ceux à qui la Banque centrale et les banques privées font les yeux doux ?

 

Non. Ce dont les petites entreprises ont besoin, c’est d’une politique à la fois sociale, volontaire  et dynamique :

-          dans l’immédiat, des débouchés à leurs activités, c’est-à-dire une politique de croissance qui rémunère le travail productif avant les profits financiers

-          des salariés plus stables et motivés, qualifiés et correctement rémunérés ; ce sont là des gages de qualité de la production qui constituent la seule réponse vraiment durable à la compétition internationale

-          des services publics (Education,  police, transports… ) qui offrent un environnement favorable à toutes les activités économiques ; c’est particulièrement nécessaire pour les petites entreprises qui ne peuvent généralement pas financer en interne une crèche, construire elles-mêmes des routes, payer des entreprises de gardiennage etc

-          d’un Etat qui joue son rôle, non pour saupoudrer des subventions à des clientèles et prodiguer de beaux discours, mais pour faire respecter les « règles du jeu »  dans le pays et avec les concurrents ; l’Etat ne doit pas craindre de prendre les mesures de sauvegarde face à la concurrence déloyale, si les institutions européennes s’en avéraient incapables

 

A ces orientations d’ensemble, dont les petites entreprises bénéficieront en premier lieu, devront s’ajouter des dispositions plus spécifiques :

 

-          fiscales, par exemple pour concrétiser enfin la réduction du taux de TVA dans la restauration : seul un gouvernement énergique et volontaire le pourra, au lieu de cacher son impuissance derrière « Bruxelles ». Il est également impératif de prendre en compte la masse salariale et la stabilité des emplois afin de diminuer la Taxe Professionnelle (c’est-à-dire la taxe sur les immobilisations) pour les entreprises potentiellement créatrice d’emploi et donc dont les structures sont induites par la nécessité d’employer des salariés.

-          législatives, par exemple pour faciliter la transmission des entreprises dont le chef part en retraite, tant il est vrai que l’imprévoyance serait ici responsable de milliers de fermetures d’entreprises.