Allocution de Georges SARRE

Président du Mouvement des Citoyens

 

REUNION PUBLIQUE A GUERET

 

Mercredi 31 octobre 2001

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis, Chers Camarades,

Mes Chers Compatriotes,

 

Nous sommes réunis ici, ce soir, à Guéret, parce que nous nous interrogeons sur l’avenir de notre pays, la France. Nous nous demandons quelles sont les perspectives qui lui sont offertes, qui sont offertes à notre jeunesse. Nous sentons que les échéances électorales du printemps 2002 seront décisives. Comme vous ne l’ignorez pas, avec le Mouvement des Citoyens, j’ai choisi de soutenir la candidature de Jean-Pierre Chevènement.

 

Mais pourquoi donc Jean-Pierre Chevènement s’est-il déclaré candidat à la Présidence de la République le 4 septembre dernier ? Pour relever la France avec la République. Le moment est crucial, la société française va mal, l’autorité de l’Etat est battue en brèche. Le Gouvernement capitule devant les poseurs de bombes maîtres-chanteurs, les gardes républicains refusent d’obéir aux ordres de leur chef, dans la cour de l’Elysée, l’insécurité grandit, le chômage remonte, la Banque Centrale Européenne refuse de baisser les taux, la France est menacée dans son être.

 

Quelles sont les menaces qui pèsent tant sur la France que sur la République ? Le délitement de l’intérêt général en vue d’une soumission au marché où triomphe la jungle des intérêts particuliers, l’oubli de la citoyenneté pour mieux enfermer les individus dans des communautés plus ou moins improbables, la construction fédéraliste de l’Europe qui vise à détruire les nations au profit des régions. Voilà les raisons de la candidature de Jean-Pierre Chevènement. Il faut savoir dire non et il faut savoir proposer et décider.

 

Que peut-on faire pour aider Jean-Pierre Chevènement dans sa démarche de retour à la République ? Constituer un pôle républicain où se retrouveront toutes les citoyennes et tous les citoyens qui ne désespèrent pas de la France. Nous ne leur demandons pas d’où ils viennent. Nous leur demandons où ils veulent aller. Alors, s’ils veulent aller à la République, nous leur proposons d’y aller ensemble.

 

Ce pôle républicain doit rassembler, à Guéret comme ailleurs, au-delà des clivages traditionnels. Il doit accueillir gaullistes, communistes, socialistes, radicaux ou encore tout simplement tous les patriotes, hommes et femmes de bonne volonté pour la France. Il doit s’adresser à toutes les couches sociales, à tous les courants philosophiques, à toutes les sensibilités, à tous les âges, particulièrement à cette jeunesse qui cherche désespérément des repères. Il doit s’adresser à tous les Français. Il doit fédérer toutes les énergies, non seulement en vue de l’élection présidentielle, mais aussi dans la perspective des élections législatives qui suivront immédiatement. Nous devons y présenter des candidats, dont au moins la moitié ne sera pas issue des rangs du Mouvement des Citoyens. C’est l’occasion       de changer le personnel politique, de le renouveler profondément, une autre génération doit arriver au pouvoir.

 

Le programme de ce pôle républicain peut se synthétiser dans les trois principes énoncés dans la devise même de la République : Liberté, Egalité, Fraternité. La liberté est aux antipodes de l’individualisme débridé. Au contraire, elle se traduit par la soumission de chacun à la loi librement élaborée en commun. La loi définit le champ de l’intérêt général en délimitant la sphère de la vie privée. Cette séparation est l’essence même de cette laïcité aujourd’hui si menacée par tous les communautarismes. L’Egalité en droit fonde la citoyenneté. Elle ne se confond pas avec un égalitarisme aussi paralysant qu’inquisiteur. Les distinctions légitimes reposent sur le talent et l’utilité commune. La Fraternité est l’autre nom de la République sociale. Sa finalité est de permettre à chaque citoyen de subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa famille, si possible par son travail, ou à défaut avec l’aide de la collectivité nationale.

 

Notre objectif est de remettre la République sur ses pieds par la mise en œuvre des mesures qui découlent de ces principes à la base de l’histoire de France depuis plus de deux siècles. Plus que jamais, dans les temps troublés que nous connaissons, ils représentent un môle solide. Ils constituent des repères communs dans la tempête. Ils sont le phare qui nous indique le chemin en évitant les écueils.

 

Oui, nous sommes entrés dans une période d’incertitudes internationales. Et, la France se trouve désarmée. Un Président de la République, qui se réclame du général de Gaulle, a désarmé la France. Notre défense nationale reposait sur la force de dissuasion nucléaire. Jacques Chirac l’a engagée dans une logique de dépendance, puis de disparition. Pour complaire à quelques pacifistes australiens et à quelques pasteurs presbytériens, il a non seulement arrêté les essais, essais souterrains ne rejetant aucune radio-activité dans l’atmosphère, mais il a démantelé le centre de Mururoa, rendant très difficile tout retour en arrière. A l’entendre, d’ici quelques années, des ordinateurs très puissants devraient remplacer les tirs en grandeur réelle.

 

D’une part, ces ordinateurs n’existent toujours pas et leur mise au point est plus difficile que prévue. De plus, leur technologie est entièrement américaine. D’autre part, en tout état de cause, les essais restent de temps à autre nécessaires pour vérifier la fiabilité du matériel ; d’ailleurs, les Etats-Unis n’ont pas ratifié le traité interdisant les essais nucléaires souterrains.

 

Certains diront que la force de frappe est inopérante pour dissuader le terrorisme : c’est vrai. Mais, dans ce domaine encore, le Président de la République sortant a aussi désarmé la France. Par démagogie « jeuniste », Jacques Chirac a de fait supprimé la conscription. En contrepartie, il n’a pas prévu une forme de garde nationale pour assurer en cas de besoin une surveillance quadrillant le pays, notamment celle des nombreux points névralgiques. L’agitation actuelle cache mal les dramatiques lacunes de la défense opérationnelle du territoire. Je ne m’étendrai pas sur les autres inconvénients de la disparition du service militaire. Un outil essentiel d’intégration dans la République a été balayé. Il fallait le rénover et non le condamner. Jean-Pierre Chevènement a fait des propositions réalistes pour que la France retrouve une armée conforme à la diversité de ses besoins. Il ne recrée pas le service national ou militaire. Il propose la constitution d’une garde nationale avec l’appel aux jeunes sous les drapeaux pour 10 semaines, volontariat pour les filles. Service sportif visant à recréer le lien décisif entre la Nation et l’armée et assurant les moyens nécessaires en cas de crise, attentat, guerre chimique ou bactériologique. Aujourd’hui l’armée française défile toute entière le 14 juillet sur les Champs-Elysées, ou assure une présence coûteuse et dangereuse au Kosovo en Bosnie et ailleurs.

 

On ne peut que déplorer que le Premier Ministre sortant ait encore amplifié ce désarmement unilatéral sous couvert d’économies budgétaires. Lionel Jospin n’en a même pas profité pour développer l’armement classique. Ainsi, un exemple parmi tant d’autres, le porte-avions Foch a été bradé au Brésil alors même que le Charles-de-Gaulle n’est pas encore opérationnel. Cela veut dire qu’aujourd’hui même la France est dépourvue de force aéronavale. Quant à l’Europe de la défense, c’est une dangereuse chimère. Depuis le 11 septembre, la Grande-Bretagne court au-devant des Etats-Unis pour intervenir en Afghanistan sans consulter ses « alliés » de l’Union européenne. L’Union européenne n’est pas une Nation, il n’y a pas de peuple européen, il n’y a pas de citoyenneté européenne, il n’y a pas d’Etat européen, il n’y aura pas d’armée européenne.

 

Aux incertitudes internationales, s’ajoute l’insécurité intérieure. Les lois de la République sont trop fréquemment bafouées sous les prétextes les plus divers, donnant à certains un sentiment d’impunité. Depuis un demi-siècle, la société a profondément changé. Un certain nombre de principes idéaux posés ans le sillage de la Libération ne sont plus adaptés. On peut le regretter, et je suis même le premier à le regretter. Mais, il faut voir le monde tel qu’il est, et non tel que nous aimerions qu’il soit. Ainsi, l’ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs ne correspond plus aux réalités actuelles. Il faut la réviser en profondeur. Trop de sauvageons troublent la vie des quartiers populaires et parfois même des campagnes qui se croient encore paisibles. En fait, soyons lucides, ces sauvageons s’attaquent d’abord aux plus faibles, aux plus défavorisés.

 

Comme vous vous en souvenez sûrement quant il était ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement a cherché tant à rénover la loi qu’à redonner force et vigueur à son application. Il a été bien souvent contré par Elisabeth Guigou, alors ministre de la Justice, soutenue par Lionel Jospin. Il n’a pas eu tous les moyens nécessaires pour mettre en œuvre sa grande réforme sur la police de proximité. Il a été combattu par tous les angélismes, ceux des beaux quartiers comme ceux des idéologies périmées. Ces angélismes n’épargnent pas l’autorité judiciaire. La présomption d’innocence doit être scrupuleusement respectée, mais avec intelligence et discernement. Libérer un multirécidiviste sous prétexte qu’une instruction un peu longue est une faute.

 

En réalité, si la justice marche sur la tête, c’est parce que tout contrôle démocratique a été aboli avec l’indépendance du Parquet. Cette décision de laisser l’autorité judiciaire sans véritable directive donnée par un pouvoir élu par le peuple est une illustration supplémentaire de la politique « du pareil au même », pratiqué par tous les gouvernements de droite ou qui se disent de gauche. Ils se succèdent, mais ils ne changent pas. Les hommes et les femmes partent ou reviennent dans les ministères. Au bout du compte, ils font tous et toujours la même politique. Ainsi, le principe de l’indépendance du Parquet a été décidé par Jacques Chirac. Sa mise en œuvre est revenue à Lionel Jospin. Les deux se sont accordés pour priver les citoyens de ce pays de tout regard démocratique sur la justice qui les regarde, pourtant, au premier chef. C’est pour cela que lorsqu’éclate un scandale les cris des uns et des autres relèvent de l’hypocrisie. C’est pour cela que les Français hésitent de plus en plus à leur faire confiance.

 

Les partisans de ces réformes de la justice diront que le problème réside dans le manque de moyens. Bien sûr, on peut demander toujours plus de moyens pour la justice et pour la police. Et, il leur faut des moyens supplémentaires. Mais, l’essentiel est ailleurs, l’essentiel est dans la volonté politique, la volonté de combattre sans faiblesse le crime et le délit, sans compter le terrorisme. Dans la République, la volonté politique doit être légitimée par la sanction du suffrage universel. La séparation des pouvoirs n’implique pas la guerre des pouvoirs, mais, au contraire, leur coopération. L’autorité judiciaire doit se garder de faire la loi, ou même de la détourner en croyant capter l’air du temps. Elle doit l’appliquer aux dossiers concrets qui lui sont soumis. Et, ce métier en lui-même est déjà bien difficile, si on veut l’accomplir tant avec rigueur qu’avec intelligence et discernement. Les Français demandent avant tout la sécurité, et donc aussi la sécurité judiciaire.

 

Enfin, une mondialisation sans frein, un libéralisme déchaîné, une soumission aveugle au marché mettent en péril notre protection sociale, quant ils ne portent pas atteinte à la santé publique. Il y a quelques mois, l’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé, a placé la France en tête de tous les pays du monde quant à la santé de ses habitants. Cette position flatteuse s’explique avant tout par notre système égalitaire et public de sécurité sociale. Aujourd’hui, il est menacé par les privatisations et par les restrictions budgétaires, quelles que soient les annonces cosmétiques à six mois des élections. Il fallait bien accorder quelques concessions à Robert Hue à quelques jours de son congrès. Il est symbolique que ce ballon d’oxygène lui soit accordé sur l’Hôpital. Certes, il fait semblant de refuser en disant que c’est insuffisant. Mais, cela fait parti du jeu de rôles entre le PCF et le PS depuis 1997. En même temps, notre système de retraites par répartition est de plus en plus attaqué au profit de la capitalisation, dont on connaît les dangers et l’injustice.

 

Un mot encore sur la maladie de la vache folle, dont les principales victimes sont nos éleveurs qui n’en peuvent mais. L’origine s’en trouve dans une recherche effrénée du profit conduisant à un chauffage insuffisant. Les procédures techniques de sécurité pour les consommateurs ont été affaiblies pour mieux enrichir les actionnaires. Il paraît que cela se nomme la profitabilité. Il paraît que cela serait l’avenir.

 

Au lieu d’atténuer, voire d’empêcher, les conséquences de cette mondialisation ultra-libérale, la construction européïste les encourage et les accélère. Elle y ajoute tout le poids d’une bureaucratie tatillonne et omniprésente. Elle veut tout contrôler et décider de tout. La commission de Bruxelles avec ses compères de la Banque centrale européenne ne cherche pas le plein emploi, trouvant même des vertus au chômage, ni même la satisfaction des besoins matériels des gens. Non, leur objectif est de combattre une inflation qui ne menace plus depuis longtemps ou encore d’assurer une concurrence absolue. Ils en arrivent à dresser des barrages devant tout projet industriel. Ils cherchent à démanteler tous les services publics, comme en témoignent les projets de privatisation de la Poste et d’EDF. Ils se comportent plus en empêcheurs de faire et d’entreprendre qu’en force d’impulsion et d’entraînement. Il paraît que c’est l’intérêt des consommateurs. Mais, avant de consommer, il faut produire. Mais, il ne faut pas produire n’importe comment. Notre agriculture et notre industrie doivent s’inscrire dans une perspective de développement durable qui ne se limite pas seulement aux critères économiques. Les retombées sociales et la protection de l’environnement doivent aussi être des facteurs décisifs.

 

Alors, dans ce contexte, que proposons-nous aux Français ? Nous leur proposons la France, le retour de la République, de la puissance publique, de l’intérêt général. Or, les Français demandent à être protégés par un Etat républicain, qui sache en même temps les motiver et les mobiliser. Voilà le grand dessein autour duquel se retrouvent les citoyens qui soutiennent Jean-Pierre Chevènement. Voilà pourquoi il perce désormais dans l’opinion. Voilà pourquoi il est bien l’homme de la Nation.

 

Mais, quelle que soit la crédibilité qu’il commence à acquérir, il a encore un long chemin à parcourir avant que ne s'ouvrent devant lui les portes de l'Elysée. Et, ce chemin, il ne peut le parcourir seul. Il a besoin de nous. Il a besoin de vous. Dans chaque département, dans chaque canton, dans chaque ville, nous devons constituer de larges comités de soutien à sa candidature. Il ne s’agit pas d’en faire des compagnies de majorettes à l’américaine ou des claques lançant des confettis. Notre souhait est d’avoir des comités qui correspondent dans leur composition au pôle républicain. Ils doivent devenir des lieux de discussion et de proposition. Ils doivent devenir les transformateurs locaux de la vie politique nationale. Ils doivent impulser la dynamique du renouvellement et du changement.

 

Nous sommes ici, ce soir, pour en parler. Si vous le voulez bien, nous pouvons sortir de cette réunion avec des décisions concrètes  pour la Creuse et pour Guéret, pour la France et pour la République.