Congrès
du Mouvement des Citoyens
Marseille,
dimanche 10 juin 2001
Nous
sommes heureux de nous retrouver à Marseille, qui pour moi reste la ville de
Gaston Deferre, avec Edmonde
Charles-Roux toujours présente à nos côtés et à qui je veux dire notre
affection et notre admiration. Je veux bien sûr aussi remercier nos invités et
toutes les délégations des partis de gauche ici représentés ainsi que les délégations
étrangères.
Je
veux remercier bien sûr la Ville de Marseille pour son accueil et le Conseil Régional
de PACA. C’est d’ici qu’a jailli « le chant de guerre pour l’Armée
du Rhin » qui a fait le tour du monde sous le nom de la Marseillaise.
Marseille
est pour la France la porte du Sud. Elle nous appelle à reprendre
l’initiative vers la Méditerranée et vers l’Orient.
Enfin,
the last but not the least, je veux remercier Jean-Luc Laurent, Marinette Bache,
Paul Loridant, Jean-Yves Autexier et l’équipe du Faubourg Poissonnière ainsi
que Jean-Louis Dieux et les militants du Mouvement des Citoyens des Bouches du
Rhône pour la parfaite organisation de ce Congrès. Merci enfin aux personnels
du Palais du Pharo pour leur disponibilité et pour leur gentillesse.
*
Neuf
mois se sont écoulés depuis notre Université d’été de Grasse. Comme je
vous le disais alors : « La longue marche que nous avons choisie
depuis le début des années quatre-vingt-dix n’est pas un long fleuve
tranquille ». En créant le Mouvement des Citoyens en 1992-93, nous avons
voulu enrayer la dérive libérale
et gestionnaire de la gauche engagée depuis 1983, aux antipodes des choix
affirmés, il y a très exactement trente ans, par le parti socialiste à son
Congrès d’Epinay. Le parti d’Epinay voulait tourner la page d’une SFIO
enlisée dans la gestion. Le moins qu’on puisse dire est que le Parti
Socialiste, pour parler comme le Pape, « n’a pas tenu les promesses de
son baptème ». Nous n’avons jamais fait la politique du pire, et à
chaque étape, nous avons essayé de donner à la gauche la possibilité de se
reprendre et de relever l’idée républicaine.
La
dérive libérale a malheureusement repris après les espoirs qu’avait fait naître
la déclaration de politique générale de Lionel Jospin en juin 1997 et elle a
été redoublée par une dérive que je qualifierai aimablement de « postrépublicaine ».
L’égalité devant la loi reniée au profit de bandes maffieuses, la différence
sanctifiée par la création de classes d’immersion en breton ou en basque, au
sein même du service public de l’Ecole, les exemples sont nombreux d’un
différentialisme qui fait de plus en plus litière de l’égalité républicaine.
La France se trouve ainsi détricotée d’en bas mais aussi d’en haut :
on nous parle maintenant de Constitution européenne en 2004, comme si la France
n’était déjà plus qu’un Land, au sein d’un Super-Etat fédéral européen.
Pour le coup, et sur ce sujet, nous demandons nous aussi un référendum.
Ainsi
voit-on sortir du flou les contours de la fameuse « Europe des régions »,
alliage d’ethnismes et d’Empire où sombrerait la République et ses valeurs :
laïcité, égalité, fraternité.
On comprend que les apôtres de la mondialisation libérale applaudissent au démantèlement de la République, mais il est proprement sidérant que ceux qui prétendent lutter « contre la société de marché », ne voient pas que la fragmentation territoriale, et la mise en concurrence des territoires font d’abord le jeu des grands intérêts économiques mondialisés.
I
– Un pays déboussolé.
A) En réalité, la France ne sait plus où elle va. Les
décisions en matière économique se prennent désormais à Wall Street, à
Francfort, à Bruxelles. Les marchés financiers exercent leur dictature. Décrétés
d’ailleurs, des plans dits « sociaux » et les licenciements
boursiers se multiplient sans rencontrer de réels obstacles. C’est pourquoi
nous nous réjouissons de la manifestation qui a réuni hier à Paris plusieurs
dizaines de milliers de personnes. Des restructurations qui apparaissent comme
de vrais plans de casse, comme chez Alstom ou chez Danone, démembrent
nos industries au nom du seul profit financier. Les sièges sociaux des
grands groupes émigrent de plus en plus nombreux à l’étranger, Alstom-Power
et Dexia à Bruxelles, Usinor devenu New Cop à Luxembourg, et même la Seita à
Madrid !
Tous les gouvernements successifs se sont défaits,
malgré mes mises en garde répétées, des moyens d’action que l’Etat, au
nom de l’intérêt national, était chargé de mettre en œuvre. Ils les ont
transférés à des instances qui les exercent au nom d’une idéologie de la
concurrence qui redouble au niveau européen le triomphe de l’ultralibéralisme
venu d’Amérique.
Les
Français ne sont plus maîtres chez eux
et ils l’ignorent encore trop souvent. Faut-il rappeler qu’en 1990 la
Commission de Bruxelles a prohibé l’interdiction d’importer des farines
animales en provenance de Grande-Bretagne, au nom de la liberté du commerce,
ouvrant ainsi la voie à la maladie de la vache folle ? Et qu’en 1991 la
même Commission décidait de supprimer la vaccination des bovins contre la fièvre
aphteuse, au nom d’impératifs financiers et commerciaux dérisoires, au mépris
de toute considération de long terme ? Il n’est pas jusqu’à la chasse
populaire, conquête de la Révolution française, dont le Parlement ne peut
plus fixer les règles. Charbonnier n’est plus maître chez soi !
Les
inégalités se creusent
entre privilégiés et laissés pour compte de la mondialisation financière. Le
chômage a certes régressé, depuis que la politique de la monnaie forte a cessé
d’imposer son diktat, mais chacun sait que le nombre des contrats à durée déterminée,
lui, n’a pas cessé d’augmenter. La globalisation crée des fractures
profondes entre des millions de travailleurs prisonniers du local et ce que le
sociologue polonais Zigmunt Bauman a appelé « les élites mondialisées ».
Tout le raisonnement économique et social de la gauche depuis 1997 a été
accroché à une courbe de croissance ascendante, comme si celle-ci était assurée
pour l’éternité.
La France, en vertu d’un traité qu’ont approuvé
en son temps presque tous nos dirigeants, et particulièrement
Jacques Chirac et Lionel Jospin, a abandonné sa monnaie, même si la
conversion en euros nullement nécessaire des billets et des pièces en francs,
très pénalisante pour les personnes fragiles, n’interviendra qu’en janvier
2002. Déjà, nous maîtrisons beaucoup plus difficilement notre fiscalité et
notre budget. Les contraintes du pacte de stabilité budgétaire, que Lionel
Jospin qualifiait au printemps de 1997 de « Super Maastricht », pèsent
lourdement sur les services publics et valent à la France les admonestations de
Bruxelles pour avoir laissé croître trop rapidement ses dépenses de santé.
La France risque de s’effacer dans un nouveau Saint-Empire, sans que jamais,
depuis le référendum hold-up de 1992, il en ait été réellement débattu.
B)
En tous domaines, on efface les repères républicains :
Avec
la suppression du service national, le principe d’une défense indépendante ;
avec la dévolution du pouvoir législatif à l’Assemblée de Corse l’égalité
devant la loi de tous les citoyens ; avec la suppression entamée du
concours, le principe du mérite ; avec la Charte des langues régionales
et minoritaires et les classes d’immersion, le rôle du français comme langue
de la République. La laïcité de l’Ecole est bafouée par les concessions
faites aux communautarismes et aux ethnismes.
La
baisse des impôts avantage évidemment ceux qui les payent, c’est-à-dire la
moitié la plus riche de la population. Elle pénalise les services publics,
outil essentiel d’égalité. Ceux-ci sont de plus en plus ouverts à la
concurrence européenne, ainsi pour l’électricité, le gaz, les chemins de
fer, la poste et les télécommunications.
Les
missions de l’Ecole ne sont plus rappelées avec assez de force par
ceux qui en ont la charge.
Les
moyens d’une sécurité plus efficace pour lutter contre la délinquance
des mineurs ne sont pas pris, parce que la bienpensance libéral-libertaire
refuse de voir que toute société a besoin de repères et de limites, dont le
franchissement doit être sanctionné, et cela pour que l’éducation puisse
porter ses fruits, et l’esprit de responsabilité reprendre ses droits.
Pour
des centaines de milliers de jeunes dont les parents sont nés Outre-Méditerranée,
la citoyenneté française, à égalité de droits et de devoirs, reste un
mirage, faute d’une volonté politique et d’une mobilisation des énergies
qui seules pourraient en faire une réalité. C’est ainsi que l’action des
CODAC, outils de promotion et d’égalité de tous les citoyens, a été dévoyée
vers un numéro 114, alibi de la bonne conscience ; comme si le problème
de l’égal accès à la citoyenneté se résumait à la non-discrimination, évidemment
souhaitable, à l’entrée des discothèques !
La
crise de la citoyenneté et la crise de la France sont une seule et même chose.
Le discrédit de la France est organisé en haut lieu. La repentance est à la
mode sans qu’on cherche à prendre une vision d’ensemble de l’Histoire qui
permettrait à notre pays de reprendre une raisonnable confiance en lui-même.
Faut-il
s’étonner que la langue française recule partout dans le monde alors que les
élites installées ont cessé de croire en l’avenir du pays ?
Ce
qui reste de nos armées, après la suppression du service national, est enlisé
dans les Balkans. La France a réintégré l’OTAN. L’indépendance
nationale, dans le discours de Jacques Chirac prononcé il y a trois jours à
l’IHEDN, paraît n’être plus qu’un souvenir.
Ainsi
la question posée à moins d’un an de l’élection présidentielle est-elle
simple : la France sera-t-elle roulée dans le tourbillon de la
mondialisation financière, comme galet dans la rivière ?
C)
Ni Jacques Chirac ni Lionel Jospin n’offrent de perspective claire.
1.
Le premier sans lequel -faut-il le rappeler- le traité de Maastricht
n’aurait pas été adopté, a oublié qu’il est chargé par la Constitution
de garantir l’indépendance nationale et le fonctionnement des institutions de
la Vème République. Dans son discours au Reichstag, Jacques Chirac a proposé
qu’en 2004 soit élaborée une Constitution européenne qui ravalerait la
France au rang d’une grande région. Ce serait la landérisation de notre
pays. Dans l’affaire corse, il s’est mis aux abonnés absents, le 14 juillet
2000, alors qu’il pouvait bloquer
le processus de Matignon. A tous les grands et petits féodaux, il promet d’élargir
leurs pouvoirs, en métropole mais aussi Outre-Mer où il laisse entrevoir aux
DOM des statuts différenciés selon leurs intérêts. Que restera-t-il de la République
quand elle ne sera plus qu’un empilement de statuts dérogatoires ? La
citoyenneté et l’égalité seront ainsi minées par l’octroi de privilèges
qui, à la longue, susciteront inévitablement des réflexes de rejet.
De
quelle force pèsera la voix de la France, si elle n’est plus qu’une
addition d’intérêts locaux ?
2.
S’agissant de Lionel Jospin, nous n’allons évidemment pas joindre
notre voix à ceux qui critiquent ses engagements de jeunesse. Dans les années
soixante, ils n’étaient nullement déshonorants. Le trotskysme était
une critique de gauche du stalinisme, même s’il n’échappait pas à
la matrice du léninisme. Et nous avons partagé, à l’époque, les mêmes
indignations, même si nous les avons traduites de manière différente.
Beaucoup plus que leur cheminement ce qui est important c’est ce que les
hommes politiques font.
Or,
à cet égard nous sommes bien obligés de constater, à grand regret, que
l’engagement pris en juin 1997 de faire en tous domaines retour à la République
n’a pas été tenu, le traitement du dossier corse étant évidemment emblématique
d’une dérive plus profonde. Lionel Jospin est un homme de valeur mais il y a
en politique des logiques de structures auxquelles il est difficile d’échapper.
La
gauche dite plurielle, réponse astucieuse à une situation imprévue et
circonstancielle, est aujourd’hui une formule usée, faute d’un projet
propre à souder ses cinq composantes.
Les
élections municipales ont révélé un déséquilibre désormais structurel
entre un PC en crise et des Verts qui se croient
déjà la deuxième composante de la gauche, et tiennent un PS, qui a
perdu ses repères, à la merci de leurs chantages. Le créateur est ainsi dépassé
par sa créature.
3.
Une
cohabitation délétère paralyse la France. Quand ne triomphe pas la surenchère, ainsi à propos
de la décentralisation depuis le discours de Rennes du Chef de l’Etat,
c’est le plus petit dénominateur commun qui s’impose. Le social-libéralisme
et le libéralisme qui se dit social, également fanatisés de sondages, courent
à la rencontre l’un de l’autre, afin de pouvoir épouser l’air du temps.
Une commune myopie les réunit.
Il
n’y a pas de meilleur exemple que la proposition reprise de Jacques Delors par
Jacques Chirac et Lionel Jospin de Fédération d’Etats-nations, expression contradictoire dans ses termes, mais ô combien révélatrice
d’un vacillement de la volonté, face à l’offensive menée tambour battant
par Josckha Fischer et Gerhard Schröder en faveur d’un Super Etat fédéral
européen, foncièrement anti-démocratique. Tous deux se sont placés sur le
terrain où on voulait les amener : celui du fédéralisme européen.
Disons
les choses clairement : les conditions de possibilité d’une Europe fédérale
n’existent pas aujourd’hui, non seulement parce qu’il n’y a pas de
peuple européen, mais parce qu’il n’y a pas non plus d’opinion et
d’espace public de débat structurés à l’échelle de l’Europe.
Le
Super Etat fédéral étoufferait la démocratie et redoublerait le diktat des
marchés financiers sur tous les aspects de notre vie quotidienne.
Face
au déplacement du centre de gravité de l’Europe vers l’Allemagne, qui est
dans la nature géopolitique des choses, la volonté française ou plus
exactement l’espoir d’un sursaut se dissoudrait.
Beaucoup
d’hommes de gauche se refusent à voir que le projet fédéral s’intègre
parfaitement dans un projet d’uniformisation libérale et marchande, comme
le montre la motion du SPD avalisée par le Chancelier Schröder. Celle-ci ne
propose-t-elle pas l’ouverture des services publics à la concurrence, la création
d’un marché financier unique, la réaffirmation d’un unique objectif pour
l’euro -la stabilité-, et la renationalisation de la Politique Agricole
Commune et des fonds structurels, c’est-à-dire de 80% du budget européen ?
Ce qui nous est proposé, c’est une Fédération libérale, à la solidarité
et au coût financier minimaux.
Ainsi
la mondialisation libérale et le Super Etat fédéral qui frappe à la porte,
posent-ils la question de la pérennité indissociable de la France et de la République.
Ce
n’est pas par hasard que 2004 est à la fois la date fixée pour la révision
constitutionnelle destinée à permettre l’octroi d’un pouvoir législatif
à la Corse et pour la Conférence Intergouvernementale censée accoucher
d’une Constitution européenne : passé le cap des élections en France
comme dans le reste de l’Europe, tous les mauvais coups deviendront possibles !
D)
L’effacement n’est pas notre destin.
La
mondialisation financière n’est pas le dernier mot de l’Histoire. Génératrice
de graves et insupportables inégalités -et particulièrement entre le Nord et
le Sud de la planète-, elle ne peut être l’horizon de l’Humanité. La
Bourse, avec ses aléas, n’est
pas un guide pour construire l’avenir.
Elle
consacre la dictature des actionnaires, traite les travailleurs, aujourd’hui,
comme les seigneurs autrefois les manants. Surtout elle ignore les citoyens et
les peuples.
Or
les peuples et les nations, qui permettent d’articuler le particulier et
l’universel, sont la vraie permanence de l’Histoire.
Quelque dévoyée que soit aujourd’hui l’utilisation par les bienpensants du
mot de Citoyenneté, il faut rappeler que les hommes, politiquement, se définissent
par leur appartenance nationale.
Le
peuple français, malgré un vingtième siècle où deux guerres mondiales
l’ont épuisé, la première physiquement, la seconde moralement, n’est sans
doute pas encore prêt à quitter la scène de l’Histoire. D’abord parce que
l’Europe qui nous est assignée comme un destin subi, n’aura de sens que si
une France consciente et maîtresse d’elle-même y pèse de tout son poids
pour équilibrer celui de l’Allemagne, et cela dans l’intérêt de l’Europe
tout entière, y compris de l’Allemagne.
Oui,
les élites de cette grande nation, héritière d’une immense culture, avec de
grands atouts, mais aussi de grands défis à relever, doivent renoncer à faire
l’Europe en imposant leur modèle historique, celui du fédéralisme, et en
nous demandant de renoncer au nôtre, le modèle de la nation républicaine.
Parce
qu’on ne peut pas faire surgir par un coup de baguette magique un seul peuple,
là où il y en a trente, nous devons, ensemble, construire une union de nations
respectueuse de la démocratie qui vit dans chacune d’elles.
Qui
ne voit aussi qu’une Europe exclusivement polarisée vers l’Est et oublieuse
de la dimension du Sud, du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient, de l’Afrique
Noire, créerait à terme les conditions d’un véritable séisme géopolitique ?
C’est
le rôle de la France de rééquilibrer l’Europe vers la Méditerranée et
vers le Sud !
Qui
ne voit enfin qu’une Europe où la France ne jouerait pas son rôle propre
deviendrait inévitablement la grande banlieue de l’Empire américain ?
Cette Europe-là serait incapable d’assumer un rôle mondial, pourtant nécessaire
à l’équilibre de la civilisation !
E)
J’entends, comme beaucoup, le scepticisme qui s’exprime, et d’abord dans
nos élites :
celles-ci ne croient pas à l’avenir de la France. Elle n’ont plus confiance
ni en elles-mêmes ni dans le peuple. Certes, elles lui dissimulent le destin en
peau de chagrin qu’elles lui ont préparé depuis le milieu des années
soixante-dix :
-
Giscard d’Estaing, avec la création du SME et la pernicieuse élection au
suffrage universel du Parlement de Strasbourg.
-
François Mitterrand ensuite avec l’aveugle politique du franc fort, qui a créé
1,5 million de chômeurs supplémentaires, et avec le Traité de Maastricht, véritable
Constitution libérale pour l’Europe, reposant tout entière sur l’illusion
qu’on pourrait ligoter l’Allemagne, en ligotant la France.
Jacques
Chirac enfin, sans lequel le traité de Maastricht n’aurait pas été approuvé
par référendum et n’aurait pu s’appliquer sans le plan Juppé. Est-il
besoin de rappeler que celui-ci tournait le dos à l’engagement pris, six mois
plus tôt, pendant la campagne présidentielle, de réduire la fracture sociale.
Nos
élites, depuis 1940, ne croient plus en la France.
Mais
le peuple, lui, y croit encore, malgré le sentiment inévitable des obstacles réunis
pour l’en dissuader.
Beaucoup
de choses en témoignent en profondeur : le renouveau de la natalité qui
fait plus qu’accompagner le recul du chômage et qui témoigne de
l’excellence de notre système de crèches et d’écoles maternelles,
l’esprit d’entreprise chez les jeunes, le goût des nouvelles technologies
-et pas seulement les prouesses du TGV- le dévouement des enseignants malgré
l’absence d’une politique éducative rigoureuse, la floraison des
initiatives dans la vie locale, dont témoigne le succès de la loi sur
l’intercommunalité, la vitalité de l’artisanat. Les signes abondent qui témoignent
qu’en profondeur, la France vit.
Il
faut s’appuyer sur cet élan venu du peuple pour lui rendre pleine confiance
en lui-même, pour desserrer les contraintes qui nous enserrent, bref pour
remettre la France d’aplomb !
II
– Remettre la France d’aplomb.
A)
Le modèle républicain français est un modèle d’avenir.
1.
La citoyenneté
est plus que jamais le creuset de la France moderne.
La
France est un pays de citoyens, viscéralement attaché à l’égalité républicaine.
Celle-ci n’opère pas de distinction selon l’origine ou l’ethnie. Elle révère
le talent et la vertu, pour parler comme la Déclaration des Droits de
l’Homme. La France a toujours été et reste capable d’agréger des femmes
et des hommes venus de tous les horizons. La laïcité
est une dimension essentielle de la liberté. Liberté de conscience,
liberté de pensée, capacité à penser par soi-même.
Notre
conception de la citoyenneté est moderne. Elle nous rend capables de répondre
aux défis de l’immigration, d’accueillir en restant nous-mêmes, fidèles
à nos valeurs et à nos lois.
Le
défi des jeunes issus de l’immigration est en passe d’être relevé, si
nous le voulons. La France doit, pour cela, tenir sa promesse d’égalité. Les
CODAC n’ont été que l’esquisse de la grande politique d’accès à la
citoyenneté qui deviendra demain un devoir national.
2.
Il n’y a pas
de citoyenneté sans l’Ecole républicaine.
L’Ecole
républicaine doit être rappelée à ses missions : transmettre les
savoirs et les valeurs. Former le citoyen. Rappelons cette évidence :
selon le ministère de l’Education Nationale lui-même, 15 % des élèves de 6ème,
en 1997, éprouvent des difficultés
en lecture. C’est en amont du collège, dès l’école maternelle et même dès
la crèche, qu’il faut faire porter l’effort : engager des pédiatres,
des psychologues de l’enfance, des orthophonistes, dépister tout ce qui dans
le comportement de l’enfant porte en germe ses difficultés futures. Ensuite,
il faut impérativement que l’Ecole primaire puisse concentrer ses efforts sur
les apprentissages fondamentaux. Revoir les conditions du passage en 6ème
en accordant s’il le faut une année supplémentaire et faire en sorte que le
collège assure une prise en charge complète et permanente des jeunes par des
études accompagnées, la recréation d’internats là où il le faut, et
surtout la promotion d’un enseignement donnant à tous les élèves, en les
respectant dans leur diversité, un socle commun
Une
école capable de promouvoir la connaissance et la réussite par le travail,
fera reculer les fausses valeurs de l’esbroufe et de la réussite par
l’argent !
Pour
réinventer l’instruction civique il faut non pas des cours de droit
administratif, mais l’apprentissage du vivre-ensemble : faire aimer la
loi délibérée en commun, qui libère de la tyrannie du plus fort, du plus
riche ou du dogme, faire aimer l’intérêt public, distinct de la somme des
intérêts privés, et garant de notre avenir commun, faire comprendre la nécessité
des règles dans la vie en société et apprendre le respect des autres.
3.
Ensemble nous
devons relever l’Etat et promouvoir le service public.
Dans
la mondialisation, la France doit réunir ses moyens, faire jouer tous ses
atouts. Pour réussir nous avons besoin d’un Etat modernisé, efficace,
responsable, qui se sente, lui et ses fonctionnaires, en charge du long terme et
de la cohésion sociale.
Il
faut moderniser l’Etat : contre la bureaucratie et l’anonymat, il faut
savoir redéployer ses moyens, recréer de la transparence par l’utilisation
de nouvelles technologies et la mise en œuvre de contrats de service public. Il
faut déconcentrer et décentraliser chaque fois que c’est nécessaire, mais
dans le respect de la solidarité nationale et d’une loi qui reste la même
pour tous.
L’Etat
a le devoir de protéger les plus faibles :
·
d’assurer un
droit égal à la sécurité pour tous ;
·
de conduire une
politique de santé publique qui se ne réduise pas à la seule gestion des
soins ;
·
de garantir
l’avenir des retraites, patrimoine de ceux qui n’en ont pas. La répartition
a montré qu’elle tenait la route. Ne la livrons pas aux fonds de pension qui
ne prépareraient que l’insécurité des plus démunis, à la merci des krachs
boursiers. Sachons promouvoir les réformes financières nécessaires et
renouveler notre approche du vieillissement.
Le service public à la française mérite d’être défendu. Le legs de Madame Thatcher en Angleterre est si lourd à porter ! Nous pouvons y parvenir à Bruxelles, à condition de prendre appui sur la volonté populaire. L’Europe ne doit pas être l’alibi du libéralisme pour démanteler les services publics.
Que,
le cas échéant, on demande un référendum sur ce sujet !
4.
Les moyens de
la réussite : loi anti-trust, feuille de paye, monnaie et développement
technologique.
Dans
la recherche, l’industrie, la France est synonyme de réussite : qu’on
pense aux télécommunications, à l’espace, à l’informatique, à l’aéronautique,
à l’énergie, au nucléaire. Assez de masochisme national infondé !
Le
carcan monétariste du franc fort, puis les critères de Maastricht, nous ont étranglés,
nous ont saignés pendant deux décennies. Un million et demi de salariés
l’ont payé de leur emploi.
Mais
on l’a vu, dès que la contrainte monétaire s’est allégée, l’énergie a
repris le dessus. La France a reconquis depuis 1997 un million d’emplois.
Il
nous faut desserrer les carcans qui étouffent l’initiative, par exemple par
le vote d’une loi anti-trust à la française, qui libérerait les paysans, le
commerce indépendant, les professions indépendantes de la dictature des
monopoles, notamment dans la distribution.
Il
faudra aussi songer sérieusement, dans ce pays, à augmenter, la feuille de
paye de la masse des salariés qui gagnent moins de 10.000 Francs par mois. Rien
n’est plus important en effet que de revaloriser le travail.
Plusieurs
moyens s’offrent pour cela : la baisse des charges sur les salaires
qu’il faut amplifier, l’élargissement des possibilités d’heures supplémentaires
qui peut retrouver sens avec le passage aux trente-cinq heures, l’intéressement
des salariés aux bénéfices, sous des formes qui permettent à la fois la préservation
du tissu industriel français et la démocratisation de l’entreprise. Quatrième
levier enfin, le relèvement du SMIC allant de pair avec une révision de la
grille des salaires.
Tout
cela, bien conçu, bien dosé, peut nourrir une croissance fondée à la fois
sur une plus grande justice sociale et sur la mobilisation de la vraie source de
la valeur qui n’est pas la Bourse mais le travail.
Encore
faudra-t-il aussi qu’au niveau européen nous sachions imposer une politique
monétaire intelligente et de grands programmes de développement technologique
publics.
Ce
qui mine la croissance à long terme, c’est la paralysie de l’ambition et de
l’imagination aujourd’hui.
Mais
la croissance ne se suffit pas à elle-même.
5.
Nous devons
concilier le souci de la croissance avec le respect de l’environnement
et la préservation de ces biens rares que sont l’eau, l’air, les sols, les
réserves d’énergie fossile et de matières premières.
Nous
devons inventer une écologie de l’Humanité : il n’est pas acceptable
que 20 % de l’Humanité confisquent 80 % des ressources de la planète. Le développement
n’est pas une vieille lune, comme le croient certains écologistes. C’est là
une thèse réactionnaire.
Mais
le développement durable -c’est le sens du Forum Mondial de Porto-Alegre,
organisé avec succès par ATTAC- n’est pas compatible avec la mondialisation
des marchés. Mieux vaut compter sur la coopération des Etats, que nous
devrions d’abord aider à faire surgir et à s’organiser dans les pays du
Sud. Le renouveau des services publics doit relancer le développement
technologique, ainsi dans le domaine de l’électronucléaire. Depuis les
pannes d’électricité survenues dans la Silicone Valley et à New-York, l’Administration
Bush commence à mesurer que seule la construction de nouvelles centrales nucléaires,
avec des réacteurs à haute température, utilisant de nouveaux combustibles,
produisant peu de déchets et ne rejetant pas de gaz à effet de serre, peut
permettre à la fois de satisfaire les besoins d’énergie des Etats-Unis et de
respecter les objectifs de l’accord de Kyoto. D’autant plus choquante est
l’absence de volonté pour lancer en France le réacteur nucléaire de
nouvelle génération !
6.
L’agriculture
aussi est un bon
exemple de ce qu’il faut penser dans le long terme. Il ne reste plus en France
que 664.000 exploitations. Il est temps d’interrompre cette hémorragie. La
France a impérativement besoin de ses paysans. Cette ambition doit nous
mobiliser.
7.
La Recherche
et la Culture.
La
recherche française demande à être relancée, et profondément rénovée. Ce
que nous avons fait en 1982, avec le grand colloque national et la loi
d’orientation et de programmation de la recherche et du développement
technologique, doit être remis en chantier et redynamisé.
Dans
le domaine de la culture, l’édition porte à des niveaux jamais connus encore
le nombre d’ouvrages publiés chaque année. Le cinéma français est créatif,
inventif ; il renoue avec le meilleur de son histoire, celui où il était
en phase avec le peuple.
Après
des années de conformisme, de politiquement correct, de masochisme national
obligatoire, de contrition généralisée, les nouvelles générations débarrassées
de l’encombrant fardeau soixante-huitard, redonnent sens à la France.
B)
La France doit marquer son retour dans les affaires du monde.
1.
Nous
critiquons à juste titre la mondialisation libérale, mais nous devons jouer la
carte du monde !
Oui,
aujourd’hui comme hier, la mondialisation est un défi. Non, elle ne périme
ni la France, ni les nations. La logique des marchés est aveugle : elle a
besoin de repères. Les nations sont les garants du long terme. Jouer la carte
du monde c’est en particulier resserrer nos liens avec la Chine, Le Vietnam,
l’Inde, le Japon, le Brésil, le Maghreb qui sont pour nous autant d’alliés.
La
France n’est pas dépourvue de moyens dans la mondialisation.
La
politique industrielle n’est pas une vieille lune. Il faut la relancer au
niveau européen si possible, sinon au niveau national. Nos banques, y compris
la Caisse des Dépôts, doivent sentir qu’elles ont des obligations à l’égard
du pays.
Organisons-nous
pour faire valoir les droits des citoyens face aux marchés : l’exemple
de la France sera contagieux. Il fera école dans toute l’Europe. Dans les
pays du Sud, il sera le signal qu’il y a une alternative à la résignation.
2.
Pour une
Europe de nations libres.
L’élargissement
rend très difficile l’organisation d’une Europe fédérale. Beaucoup
voudraient construire un noyau fédéral, autour de l’euro. L’offensive est
lancée. Une date est fixée : 2004. Le traité de Nice va être ratifié
par une majorité de députés hétéroclite, rassemblant le PS, le RPR, DL, et
l’essentiel de l’UDF. Ce traité, que l’Irlande vient de rejeter, avec de
bonnes et de mauvaises raisons, car on ne peut pas être contre l’élargissement
de l’Europe aux PECOS, pourrait être pire. Il marque cependant un glissement
vers le Super Etat fédéral que nous promet Gerhard Schröder. Nos dirigeants,
Jacques Chirac et Lionel Jospin, n’opposent pas de résistance sérieuse à ce
projet anti-démocratique et anti-national. C’est pourquoi nos parlementaires
voteront contre, mardi 12 juin à l’Assemblée Nationale. Nous demandons
qu’un référendum ait lieu avant d’engager toute négociation sur un projet
de Constitution européenne, qui aliénerait la liberté nationale et la démocratie.
Il n’est pas convenable de demander aux Préfets d’organiser sur ce sujet un
débat dont les dés sont pipés à l’avance.
La
France doit se placer dans cette affaire, du point de vue de la démocratie.
C’est parce qu’aujourd’hui, et pour longtemps encore, la démocratie
s’organise dans les nations, que les nations ont toute leur place dans l’Europe
que nous voulons. Il n’y a pas un peuple en Europe. Il y en a trente. Et les
peuples, entre eux, passent des traités. Croire qu’ils pourraient accepter
une Constitution au-dessus de la leur propre, constitution européenne qui
ferait de chaque pays une euro-région, c’est cultiver l’illusion que
l’acceptation de la règle de la majorité par la minorité, qui fonde la démocratie
dans chaque nation, puisse être transférée à l’échelle de l’Europe tout
entière, sans nourrir de violents conflits.
Des
délégations de compétence sont nécessaires pour que les pays d’Europe, en
les exerçant en commun, soient ensemble plus forts, et plus efficaces. Il est
bon que nous rapprochions encore nos destins. Oui, nous sommes pour une Europe
des nations solidaires, mais dans la démocratie !
Mais
aucun républicain ne peut accepter qu’un pouvoir soit exercé qui n’émane
pas du suffrage universel, ou qui ne soit pas contrôlé par lui.
C’est
donc le Conseil, émanant des gouvernements légitimement choisis par les
peuples, qui doit prendre la place centrale. Il doit partager le pouvoir de
proposition avec la Commission, exécutif du Conseil. Le Parlement européen
doit être constitué de délégations des parlements nationaux ou d’une
seconde Chambre ainsi composée. Les coopérations renforcées nous permettront
demain de remettre les projets concrets, les grands desseins au centre de la
construction européenne. A géométrie variable, avec ceux des pays qui le
souhaitent, d’immenses chantiers sont à ouvrir : les transports à
grande vitesse sur tout le continent, la dépollution de la Méditerranée, la
politique de l’énergie, l’aéronautique et l’espace. Cette Europe-là,
nous la voulons et nous la construirons, à rebours des chimères fatiguées,
aujourd’hui usées jusqu’à la corde.
3.
Une France
exemplaire dans un monde multipolaire.
Vouloir
construire un monde multipolaire, c’est d’abord donner l’exemple d’une
politique étrangère indépendante. La voix de la France est attendue. Car plus
les moyens de communication se développent, plus le contenu des messages est
uniforme ! A nous de rompre ce conformisme étouffant.
Avec
la Russie, car le redressement de la Russie est de l’intérêt même de l’Europe
et de la France, et le Chancelier Schröder a eu raison de souligner la nécessité
d’un partenariat stratégique avec elle.
Avec
le monde méditerranéen et d’abord le Maghreb, une coopération intense et
redynamisée doit permettre de réussir l’entrée dans la modernité de ces
pays et de réinventer un espace euro-méditerranéen, pourvoyeur de sens. Le
processus de Barcelone est dépassé. Il faut aller au-delà d’une zone de
libre-échange, penser un vrai co-développement entre les deux rives.
Avec
l’Afrique, aidons-la à construire des Etats, instrument nécessaire du développement.
Lançons un grand programme d’éradication du SIDA !
Avec l’Asie, avec l’Amérique latine, des puissances se lèvent -la Chine et le Brésil- qui partagent avec nous la volonté de construire un monde multipolaire, respectueux des cultures.
4. Se battre pour une humanité fraternelle.
La
France doit avoir l’audace de s’affranchir de la discipline des riches ou de
l’Occident, pour embrasser la cause de toute l’humanité : aider à
construire des Etats qui deviennent des Etats de droit, bâtir un commerce équitable
et résister partout, à l’OMC d’abord, contre la marchandisation du monde
au profit des seules entreprises transnationales, obtenir par la taxe Tobin que
les échanges spéculatifs viennent irriguer un fonds de développement mondial
pour alléger de poids étouffant de la dette sur les pays du Sud.
A
nous de donner à l’espace francophone sa dimension politique et solidaire. La
francophonie peut réunir le Nord et le Sud au service de valeurs communes, et
dessiner un monde distinct des empires marchands. Aux jeunes Français, nous
devons offrir un cadre pour un engagement personnel, au service du développement,
pour une partie de leur vie, et cela pour tous les milieux sociaux : le Sud
a autant besoin d’électriciens et de mécaniciens que d’économistes ou de
juristes !
Oui,
le défi est immense pour redonner à la France le goût des grandes
entreprises, seul conforme à son génie.
Ces
choix ne dépendent que de la volonté du peuple français, mais le veut-il et
pouvons-nous encore l’y conduire?
III
– Changer la donne.
Ce
n’est possible ni avec une droite qui n’a absolument pas renouvelé ses idées
et semble avoir remis, par une sorte de réflexe conditionné, les clés de son
avenir à celui que Jean-Marie Colombani a surnommé le Résident de la République.
Et
ce n’est pas possible non plus
avec un PS privé de sa boussole républicaine et que le chantage des Verts empêche
de toute manière de faire les choix à longue portée que requerraient, ainsi
en matière énergétique ou d’organisation territoriale, les intérêts du
pays.
Est-il
néanmoins possible de changer la donne ? Car cela seul mérite d’être
tenté, tant il est vrai que, selon le mot de Goethe, « seul
l’exceptionnel est intéressant ».
A) Tout cela -nous dira-t-on- serait-il possible avec le
petit Mouvement des Citoyens ?
Tout
d’abord nous ne sommes pas si petits. Nous avons combattu pour nos idées et
nous sommes ressortis non seulement vivants, mais renforcés de l’épreuve. Le
logiciel du MDC est clair. Il séduit et attire.
Depuis
neuf mois, des militants nouveaux sont venus vers nous. Avec maintenant 6.200
militants, le MDC s’est rajeuni et s’est féminisé. Il rencontre une large
et croissante sympathie dans l’opinion publique. Ses élus sont plus nombreux.
Les débats d’hier ont montré la vitalité de votre réflexion.
Et
puis nos finances sont saines. Certes, nous n’avons pas été présents lors
de la campagne des Européennes de 1999, mais devons-nous le regretter ? Si
l’on s’en réfère à Antoine Wachter en 1989, à Philippe de Villiers et à
Bernard Tapie en 1994, et à Charles Pasqua en 1999, les élections européennes
ne portent pas chance à ceux qui les remportent.
Le
MDC a toujours inscrit son effort dans la durée. Il compte dans ses rangs un
grand nombre de militants de valeur qui maintiennent des repères clairs et qui
ont su préserver l’avenir.
A
vous tous donc je veux renouveler l’hommage que vous méritez pour votre
constance et votre pugnacité. Je vous l’ai dit hier, il est nécessaire que
je me recueille avant de prendre une décision qui m’appartient en dernier
ressort, même si elle vous concerne vous aussi.
Beaucoup
d’entre vous en effet et d’abord votre nouveau Président, Georges Sarre,
mon ami et mon compagnon depuis 1964, m’ont demandé d’être candidat à
l’élection présidentielle comme l’ont fait, il y a quelques jours aussi,
une soixantaine de personnalités éminentes, pour lesquelles j’éprouve
estime et respect.
La
confiance que vous me témoignez et celle qu’ils me font, m’obligent
grandement. Je mesure la responsabilité qui m’incombe face à une équation
difficile. Gardons à l’esprit cependant qu’aucune élection présidentielle
ne s’est jamais déroulée comme les commentateurs les plus avisés
l’avaient prévu. Mais soyons clairs : je n’entends pas être un
candidat de témoignage.
B) Dès lors que le but est de changer la donne, je dois
prendre toute la mesure d’un défi que je ne pourrais relever que si des
millions d’hommes et de femmes croient possible, ce dont beaucoup
aujourd’hui ne croient pouvoir que rêver : redonner à la France le goût
de la République, faire renaître l’exigence qui rompra le tête à tête
anesthésiant et à la longue morbide du libéralisme qui se dit social et du
social-libéralisme.
Est-il
possible de sortir du théâtre d’ombres de la politique française, pour opérer
une profonde recomposition à partir de la seule force que nous représentons ?
Mieux
que d’autres, instruit par trente ans de vie politique active, je mesure les
obstacles que représentent le poids de l’Establishment, le rôle de l’Argent
dans notre société, l’immensité du conformisme, le sens aigu du compromis
qui souvent, dans nos élites, tangente l’absence de courage.
Dans
une élection de cette sorte, où la circonscription est la France, c’est-à-dire
immense, il faut non seulement de bonnes idées, mais aussi le soutien
d’hommes et de femmes nombreux, actifs, résolus, et enfin, beaucoup
d’argent.
S’agissant
des idées, je sais
par expérience qu’il faut d’abord du travail
pour arriver, dans des domaines très complexes à la simplicité du concept,
sans lequel il n’y a pas d’action féconde. Je sais aussi la résistance du
réel et, par tempérament, vous savez que je ne suis pas un démagogue. La démocratie
est inséparable d’une grande pédagogie collective. C’est une contrainte
dans une campagne que le jeu des média transformera inévitablement en une
sorte de loft story, où plus le nombre des candidats sera important, plus
l’identification du troisième homme attendu par beaucoup sera difficile. Mais
ce positionnement républicain peut aussi être une force.
S’agissant
des hommes, j’ai
la chance de pouvoir compter sur les militants du MDC, sur le Club République
Moderne, sur un solide réseau de collaborateurs de grande qualité et pas
seulement dans les institutions à la tête desquelles j’ai exercé des
fonctions de responsabilité.
Votre
capacité de mobilisation pèsera évidemment lourd dans mon choix. Il vous
appartient en effet de faire bouger les mentalités et de montrer, à la suite
de la manifestation qui s’est déroulée hier contre les licenciements
boursiers, qu’il n’y a pas de sauvegarde qui vaille dans le seul tête à tête
des directions et des comités d’entreprises, si l’Etat républicain, garant
du long terme et de la cohésion sociale, se met aux abonnés absents, quand un
intérêt industriel majeur est en jeu.
Tel
est le sens d’un amendement que j’ai déposé au projet de loi de
modernisation sociale. Nos parlementaires voteront contre ce projet de loi si
notre demande n’est pas prise en compte.
A
vous donc de porter le message pour que les Français comprennent où sont, dans
ce domaine comme dans d’autres, les libéraux et les républicains.
C) Chacun le comprend, je ne peux pas être le candidat
du seul MDC, si je veux remplir le contrat que devant vous je me suis fixé à
moi-même : changer la donne. L’audience du courant républicain dépasse
largement, sur des sujets comme l’Ecole, la sécurité, la Corse, la
souveraineté nationale et la démocratie, les limites du seul MDC.
Il
faut donc que vous m’aidiez à faire surgir et organiser dans le pays un pôle
républicain qui soit une alliance d’un nouveau type, à même de se
substituer, le moment venu, à des formules épuisées. Unir, rassembler, telle
est votre tâche.
Là
se pose la question lancinante de savoir si la République est de gauche ou de
droite. Peu d’historiens contesteront que la République soit née à gauche,
du temps du roi Louis XVI et que la
droite ne s’y est ralliée qu’un siècle plus tard, à l’appel du Cardinal
Lavigerie. Mais en même temps force est de reconnaître que la République a été
sauvée en 1940 par un homme catalogué à droite, héritier du catholicisme
social même si son père avait été plutôt dreyfusard. La vérité est
qu’il y a dans notre peuple une exigence républicaine qui dépasse les
clivages politiciens.
J’essaierai
-et je vous demande de m’y aider- de créer les conditions d’une alliance
large entre ceux qui ressentent que la gauche a rencontré le pouvoir
mais pas la République, et ceux qui ont vu la droite française, après s’être
débarrassée du Général de Gaulle, renier son héritage et jusqu’aux
valeurs qui lui faisaient mériter d’exister. Mais il faut convertir cette
double déception historique en énergie créatrice et positive. Cela est
possible à travers le logiciel républicain
Dès
maintenant, nombreux sont les associations, les clubs, les hommes et les femmes
qui, de tous horizons, prennent contact avec nous. Le pôle républicain se
constitue déjà sur le terrain à travers les comités qui se lancent dans nos
villes et nos départements, et particulièrement à votre initiative.
Un
courant républicain plus large se manifeste aussi dans les milieux les plus
divers, dans le monde syndical, dans la mouvance qui entend donner un contenu
clair à la lutte contre la mondialisation libérale, dans les services publics,
dans le monde enseignant, chez les intellectuels, dans une fraction encore
minoritaire de la jeunesse mais politiquement très consciente et affamée de se
lancer dans l’action concrète -je pense en particulier à nos amis de Génération
République-.
Il
n’est pas jusque dans les milieux industriels soucieux de l’avenir
technologique du pays et bien sûr dans les grandes institutions de l’Etat, à
juste titre préoccupés de l’avenir de la France, où nous ne rencontrions
beaucoup d’écho.
Il
faut créer une dynamique dans la société pour entraîner ensuite les
recompositions nécessaires au niveau politique. Car il y a des républicains
partout : chez les communistes qui ne comprennent pas pourquoi le parti
communiste en perdant l’URSS a aussi perdu les repères qui l’enracinaient
dans la nation.
Il
y a des républicains chez les socialistes qui ne se reconnaissent nullement
dans la démagogie libéral-libertaire.
Il
y a des républicains chez les radicaux de gauche que révulse le changement de
cap sur la Corse.
Il
y a des républicains chez les gaullistes, cela devrait aller de soi, mais quand
le parti gaulliste s’est fondu dans la nébuleuse libérale de la droite, il y
a surtout de ce côté-là des orphelins de la République. Sachons à tous
tendre une main fraternelle. Il y a tant de choses à faire ensemble !
Le
pôle républicain a certes un contenu protestataire mais il ne doit pas se
laisser enfermer dans une protestation stérile.
Notre
but n’est pas de cristalliser des mécontentements mais de les transformer en
élan créateur au service de la France et de la République.
A plusieurs reprises dans notre histoire en 1792, en 1848, après 1871 et à la fin du dix-neuvième siècle, en 1945 et pendant les trente années qui ont suivi, la République a été la matrice du renouveau de la France.
*
A
nous d’organiser ce sursaut pour les années qui viennent.
Pour
tout cela, j’ai besoin de vous, je compte sur vous, je vous demande de
m’aider ! Sachez que si je prends une décision positive en septembre, ma
détermination sera totale, car j’engagerai alors beaucoup plus que moi-même.
Et vous-mêmes, vous le savez, ce choix devra vous engager tout entiers, parce
qu’alors vous répondrez à l’appel de la République, venu des profondeurs
de notre Histoire.
Alors vous transmettrez aux nouvelles générations l’envie de continuer la France.