Lundi 24 juin 2002
Lettre de Jean-Pierre Chevènement aux membres des comités de soutien
Cher(e) Ami(e),
J'ai attendu la fin des élections législatives pour vous adresser mes remerciements pour l'aide que vous m'avez apportée tout au long de la campagne présidentielle. Qu'il s'agisse du travail des experts ou de la mobilisation sur le terrain des comités de soutien, cette aide m'a été infiniment précieuse.
J'ai proposé à nos concitoyens un projet politique cohérent. Ce projet est aujourd'hui ce qui manque le plus à notre pays, touché par une grave crise de la citoyenneté. Le résultat (5,3%) n'est pas déshonorant compte tenu de la disproportion des moyens, même s'il n'a pas été à la hauteur de nos espérances. La conduite de la campagne peut naturellement prêter à critique : il va de soi que j'assume la responsabilité de tous les choix qui ont été faits.
Il n'y a rien à regretter. Ce qui a été dit devait l'être : Les thèmes que j'ai développés feront leur chemin dans les années qui viennent par des voies que nous ne soupçonnons pas encore. Ils répondent en effet à des besoins vitaux du pays : reconquête de la démocratie, redécouverte de la citoyenneté, réévaluation de la nation par rapport à l'Europe, revalorisation du travail, ouverture vers le Sud et co-développement, etc.
J'ai joué le jeu de la démocratie. Celui-ci peut être rude mais il est toujours fécond.
Si l'idée du rassemblement des Français sur la France et sur la République est seule en mesure d'arracher le pays aux pesanteurs de la mondialisation libérale, force est de constater qu'elle n'a pu s'imposer, même si elle a rencontré un écho certain dans l'opinion. Elle s'est heurtée, dans les deux derniers mois de la campagne présidentielle, au condominium RPR/PS dans les médias et dans les mentalités de ceux qui la commentaient. L'occultation du débat de fond et le rejet de ce système de bipolarisation imposée ont profité à des candidats extrémistes, opportunément mis en valeur.
Paradoxalement, les élections législatives ont rétabli le 16 juin cette bipolarisation dont le vote du 21 avril avait montré qu'elle ne répondait pas aux aspirations des Français. Les candidats du RPR et du PS avaient obtenu à eux deux moins du quart des inscrits au premier tour de la présidentielle. L'UMP et le PS, directement ou via ses succursales, confisquent la quasi-totalité des sièges dans l'Assemblée Nationale nouvellement élue. C'est le triomphe -provisoire- de la «pensée unique». Pas de place pour une expression dissonante.
L'imprévisible carambolage politique qui s'est produit à partir du premier tour de la présidentielle a provisoirement occulté aux yeux de nos concitoyens l'«autre chemin» que je leur proposais. Le Parti Socialiste a trouvé dans le Pôle Républicain le parfait bouc-émissaire de son échec. Avec un sûr instinct politique, la gauche sociale-libérale a veillé à priver de toute représentation à l'Assemblée Nationale le courant d'idées que nous représentons. Elle ne nous fera pas taire pour autant.
Nous savons très bien que la politique qui va être mise en oeuvre par Messieurs Chirac et Raffarin est celle-là même qui découle des engagements pris aux sommets de Laeken et de Barcelone.
Pour ce qui me concerne, j'entends prendre un peu de champ pour m'investir dans le grand débat de 2004 sur la Constitution européenne et préserver pour des circonstances extraordinaires, la visée du rassemblement qui nous a réunis pendant la durée de la campagne présidentielle. Si j'entends contribuer au mouvement des idées, je veux aussi encourager la jeune génération à mener le combat politique pour la République et pour la France.
Il y a, à mes yeux, un espace pour un parti de la gauche républicaine, s'inscrivant dans le champ des réalités électorales, mais fermement engagé contre la mondialisation libérale et sa déclinaison maastrichienne appliquée à l'Europe.
Je souhaite vivement aider ceux qui voudront s'engager dans le combat politique et plus généralement dans l'œuvre de la refondation républicaine.
Vous renouvelant mes remerciements, je vous prie de croire, Cher(e) Ami(e), à ma pensée fidèle.
Jean-Pierre Chevènement